Pères et mères dans la foi

Saint Jacob Netsvetov

ILLUMINATEUR DES PEUPLES D'ALASKA

Jacob Netsvetov naquit en 1802 sur l'île Atka, en Alaska. Son père, Igor Vasilievitch Netsvetov, était un Russe natif de Tobolsk. Sa mère, Marie Alekseievna, était une Aléoute, de l'île d'Atka. Ils eurent quatre enfants ; Jacob fut l'aîné, suivi par Osip (Josef), Hélène et Antoine. Igor et Maria se dévouèrent pour leurs enfants, et s'efforcèrent de leur procurer une bonne éducation, malgré de faibles moyens matériels. Osip et Antoine étudièrent en l'Académie navale de Saint-Pétersbourg, et devinrent respectivement officier et armateur. Leur soeur, Hélène, se maria avec un employé de la Compagnie russe d'Amérique. En 1823, la famille déménagea à Irkoutsk en Sibérie.

Jacob s'inscrivit au séminaire théologique de cette ville. Le 1er octobre 1825, il fut tonsuré sous-diacre. Il se maria avec Anna Simeonovna, une Russe née en Sibérie. En 1826, il obtint le certificat du séminaire en histoire et théologie. Il fut ordonné diacre le 31 octobre 1826, pour servir en l'église de la Sainte Trinité et saint Pierre à Irkoutsk. Deux ans après, le 4 mars 1828, l'archevêque Michel l'ordonna prêtre. Ce fut ce même archevêque Michel qui avait ordonné le père Jean Veniaminov que nous connaissons aujourd'hui sous le nom de saint Innocent. Une fois ordonné prêtre, le père Jacob désirait retourner en Alaska, sa terre natale. L'archevêque Michel lui confia deux antimensia : l'un destiné à la nouvelle église de Atka, qui sera dédiée à saint Nicolas le thaumaturge, et l'autre, pour les activités missionnaires. Le premier mai 1828, un molébène fut célébré pour les voyageurs. Ensuite, le père Jacob, son épouse matouchka Anna, et son père, Igor (tonsuré lecteur pour l'église de Atka) cinglèrent vers l'Alaska.

À cette époque, un tel voyage n'était jamais facile. La famille Netsvetov arriva finalement à Atka un an plus tard, le 15 juin 1825. L'affectation attribuée au père Jacob constituait tout un défi. La " paroisse " de Atka comprenait de nombreuses îles, qui s'étendaient sur pratiquement 3,000 kilomètres. Cette étendue comprenait les agglomérations de Amchitka, Attu, Copper, Bering et les îles Kouriles. Le père Jacob visita régulièrement les îles, donna les sacrements et l'Eucharistie aux croyants, dispensa des soins médicaux, servit d'intermédiaire entre les Aléoutes et l'administration de la Compagnie russe d'Amérique, avec laquelle les relations étaient parfois difficiles. La plupart des insulaires avaient été auparavant instruits des bases de la foi et baptisés par des missionnaires orthodoxes laïcs venant de Sibérie. Il revenait au père Jacob de les chrismer ainsi que de continuer leur éducation chrétienne, en les confessant et en leur donnant la communion aux saints Mystères. " Je me rendis au cimetière et chantai la pannychide pour tous ceux qui étaient décédés depuis mon dernier passage. Je passai le reste de mon temps à célébrer huit mariages… Après ces célébrations, j'instruisis les nouveaux époux sur la signification du mariage et les devoirs respectifs de l'homme et de la femme. C'est ainsi que se terminèrent mes activités en cet endroit " (extrait du Journal de père Jacob).

Lorsque le père Jacob arriva à Atka, l'église de saint Nicolas n'avait pas encore été construite. De ses propres mains, le père Jacob établit une tente, en laquelle il célébra les offices. Pour le père Jacob, les offices de l'Église suscitaient la vie : la vie pour les fidèles et la vie pour lui-même. C'est en le culte divin qu'il trouvait à la fois la force et la joie. Ultérieurement, le père Jacob transportera cette tente au long de ses voyages missionnaires. Pendant ses six premiers mois d'activités, le père Jacob avait baptisé 16 personnes, en avait chrismé 442, avait marié 53 couples, et avait célébré les funérailles de huit fidèles.

Après que l'église ait été construite, le père Jacob construisit une école en laquelle les enfants apprendraient à écrire à la fois en russe et en aléoute. Au début, la Compagnie russe d'Amérique fournit de l'aide, tandis que les écoliers apportaient ce qui manquait. Cela continua jusqu'en 1841, lorsque l'ensemble fut réorganisé en une école de paroisse ; dès lors, les liens avec la Compagnie prirent fin. Le père Jacob fut un talentueux éducateur et un remarquable traducteur. Ses élèves devinrent d'excellents lecteurs en langue aléoute, une fois devenus adultes.

Le père Jacob avait une vie bien remplie, tant au point de vue physique qu'intellectuel : il chassait et cueillait pour sa propre subsistance ; il préparait des spécimens de poissons et d'animaux marins pour les musées de sciences naturelles de Moscou et de Saint-Pétersbourg ; il correspondait avec saint Innocent (Veniaminov) à propos de problèmes linguistiques et de questions de traduction. Il travailla en vue de la création d'un alphabet adéquat pour la langue unangan-aléoutienne, et de la traduction des Saintes Écritures et d'autres textes en cette langue. Saint Innocent loua le jeune prêtre pour la sainteté de sa vie, ses enseignements, et du fait qu'il continuait l'œuvre de traduction que lui-même avait commencée auparavant parmi les peuples autochtones. Après quinze années de service, le père Jacob reçut la distinction du " nabedrennik ", ainsi que la permission de porter la " kamilavka " et la croix d'or.

Ces distinction ecclésiastiques n'allégèrent pas pour autant les souffrances personnelles du père Jacob. Sa femme, Anna, mourut d'un cancer en mars 1836. En juillet de cette même année, sa maison brûla jusqu'aux fondations. L'année suivante vit le décès de son père Igor. En son journal, le père Jacob attribua ces épreuves à " à la volonté de Celui dont la Providence ne peut être scrutée, et dont les actes envers les hommes sont incompréhensibles ". Le père Jacob demanda à son évêque de retourner à Irkoutsk afin d'embrasser la vie monastique. Un an après, un mot lui parvint, lui disant que la permission demandée était accordée, à la condition expresse que lui soit trouvé un remplaçant. Personne ne vint jamais.

L'évêque Innocent vint bientôt à Atka, et demanda au père Jacob de l'accompagner pour un voyage par bateau jusqu'au Kamchatka. Ensuite, le père Jacob continua à desservir son troupeau de la paroisse d'Atka, avec des fidèles vivant sur un immense territoire – et ce, jusqu'au 30 décembre 1844. Saint Innocent le désigna pour diriger la nouvelle mission à Kvikhpak, afin d'apporter la lumière du Christ aux peuples des rives du fleuve Yukon. Le père Jacob s'établit en Alaska, aidé par deux jeunes assistants métis, Innocent Shayashnikov et Constantin Lukin, et par son jeune neveu, Basile Netsvetvo.

Le père Jacob apprit de nouvelles langues, fit connaissance avec de nouveaux peuples et de nouvelles cultures ; il dessina de nouveaux alphabets, il construisit une nouvelle église et constitua une nouvelle communauté orthodoxe, tout au long des vingt années suivantes, malgré une santé défaillante, et une vue qui s'affaiblissait.

Le père Jacob établit son centre d'activités dans le village Yupik de Ikogniute (appelé aujourd'hui " Mission russe "). Il se rendit dans les campements autochtones tout au long des centaines de milles des rives du Yukon, la rivière la plus longue d'Alaska, et également dans la région de la rivière Kuskokwim. Suivant la proposition des chefs locaux, il voyagea jusqu'au milieu de la rivière Innoko, et y baptisa des centaines de membres de tribus diverses, jadis hostiles. Il construisit la première église chrétienne en cette région, la dédiant à l'Exaltation de la Croix. Là, le père Jacob, en dépit de sa santé défaillante, célébra joyeusement le cycle des offices de l'Église, y compris les offices de la Semaine Sainte et de Pâques.

À cause de l'immensité du territoire auquel le père Jacob devait faire face, le père Jacob demanda de l'aide. Le moine Philarète fut expédié en Alaska, visiblement parce que son Higoumène désirait débarrasser sa communauté de ce personnage indésirable. Après seulement quelques semaines en Alaska, ce moine attaqua le père Jacob, tout d'abord avec un pistolet, ensuite avec une hache ! Il dut être enfermé, mains et pieds liés, et fut réexpédié à son monastère… Un autre " assistant " du père Jacob lui valut encore bien des ennuis. Convaincu que le père Jacob tentait de l'empoisonner, il suscita de nombreuses accusations criminelles contre le missionnaire. Ce moine dut finalement déclaré dément et démis de son état religieux. Suite à de telles accusations, l'évêque Pierre convoqua le père Jacob à Sitka. Le missionnaire fut libéré de toute charge. Son état de santé s'étant aggravé, il dut rester à Sitka, pour desservir une chapelle Tinglit pendant la dernière année de son existence ici-bas. Il décéda le 26 juillet 1864, âgé de soixante-deux ans. Il fut enterré à l'entrée de la chapelle. Pendant ses derniers voyages missionnaires, dans la région des deltas des rivières Kuskokwim et Yukon, il avait baptisé 1,320 personnes. Le père Jacob fut l'évangélisateur des Yupik et des indiens athabascans.

Divers épisodes de la vie du père Jacob méritent également d'être mentionnés : en 1841, il rencontra un groupe de femmes faisant partie de ses fidèles – mais qui étaient victimes d'enseignements erronés et d'influences démoniaques. Le père Jacob prit sur lui-même le blâme concernant la chute de ses enfants spirituels et leur séduction par le Malin. Il informa le chef du village, du fait qu'il était sur le point de leur rendre visite.

Lorsqu'il arriva, il trouva l'une des femmes paralysée, semi-consciente et incapable de parler. Il demanda qu'elle fût transportée en une autre maison, afin qu'elle soit seule. Le lendemain, lorsque ce fut fait, il alluma la lampade suspendue devant les icônes dans le coin de la pièce. Il revêtit ensuite l'étole (épitrachile), aspergea la pièce d'eau bénite, et commença la première prière d'exorcisme. Ensuite, il quitta la maison.

Pendant la nuit, on remarqua le fait que la femme avait commencé à parler, mais encore de façon incohérente. Le lendemain matin, le père Jacob revint, et effectua un deuxième exorcisme. À ce moment-là, elle s'élança hors de son lit, et joignit ses prières aux siennes, les accompagnant de prosternations. Lorsque les prières prirent fin, le père Jacob l'aspergea à nouveau avec l'eau sainte et lui donna la croix à embrasser. Elle retrouva une pleine et entière conscience, ainsi que la santé. Elle s'écarta définitivement des enseignements erronés.

En novembre 1845, le père Jacob prêchait dans le village de Kalsag, dont le chef était " chaman ". Ce dernier parla au nom de tous les villageois et résista vigoureusement au Verbe de Dieu. Mais le père Jacob, calme et rempli du Saint Esprit, continua sa prédication. Finalement, le chef garda le silence, et finalement en vint à embrasser la foi. Les villageois, solidaires avec leur chef, exprimèrent joyeusement leur foi en le Dieu trinitaire, et demandèrent à être baptisés.

Le père Jacob était médecin des corps aussi bien que des âmes . Souvent, il soigna les malades parmi son propre troupeau, à ses propres risques. Pendant l'hiver 1850-51, il fut lui-même atteint par la maladie. Il soigna les malades et leur administra des remèdes chaque jour. La prédication du père Jacob ramenait fréquemment l'unité parmi des tribus qui étaient auparavant des ennemis traditionnels. Nous lisons dans son journal :

Suivant ma proposition, tous les Kol'chanes et les Ingalits du Yukon et ceux qui habitaient sur place se rassemblèrent chez moi. Je prêchai la Parole de Dieu, et je finis à midi. Chacun écouta attentivement la prédication, sans discussion ni divergence. À la fin, tous exprimèrent leur foi et leur désir de recevoir le saint baptême, à la fois les Kol'chanes et les Ingalits (autrefois des ennemis traditionnels). Je les dénombrai par familles et en groupes, et ensuite, dans l'après-midi, commençai l'office baptismal. Tout d'abord, je baptisai cinquante hommes Kol'chanes et Ingalit, et ensuite ceux du Yukon et de l'Innoko. C'était déjà le soir, lorsque l'office prit fin. 21 mars 1853.

Au printemps de l'année 1994, le saint Synode de l'Église orthodoxe en Amérique proclama notre " saint père Jacob Netsvetov, Illuminateur des habitants de l'Alaska " comme Saint de l'Église. Le Synode décida également que la glorification du père Jacob serait célébrée à Anchorage, le 16 octobre de la même année. La fête de saint Jacob est célébrée le 26 juillet, date anniversaire de son décès.

Traduit et adapté par le Hiéromoine Georges (Leroy)


Tropaire, ton 4:

Bienheureux père Jacob, * ornement de l'Atka et du delta du Yukon, *
tu t'offris toi-même en vivant sacrifice *
afin d'apporter la lumière à un peuple recherchant la Vérité. *
Prémices de l'Orthodoxie en Amérique, * fleur de fraternelle unité, *
guérisseur des maladies et terreur des démons, * très-saint père Jacob, *
prie le Christ notre Dieu afin que nos âmes soient sauvées.

Kondakion, ton 3:

Très-saint père Jacob, * tu nous révèles la connaissance de Dieu. *
Tu montras ton amour pour ton peuple; *
tu pris ta croix et tu marchas à la suite du Christ; *
comme l'Apôtre Paul tu enduras les épreuves. *
Prie pour nous le Christ notre Dieu *
afin qu'il accorde à nos âmes sa grande miséricorde.

Dernière modification: 
Lundi 30 janvier 2023