Le repentir chez les Pères du désert
Icône de saint Jean le Baptiste |
Abbé Chamé disait : Mon père abba Anter m’a dit : " Si grands que soient les péchés que j’ai commis, si je fais pénitence, le Seigneur me pardonnera ; mais si mon frère me demande le pardon et que je ne lui pardonne pas, le Seigneur non plus ne me pardonnera pas. " (Abba 319)
Quand abba Agathon le Grand voyait un frère commettre une faute et que l’envie lui venait de réprimander le frère, il se reprenait lui-même et disait : " Agathon, prends garde de ne pas commettre ce péché. " Et après s’être dit cela, il ne réprimandait pas le frère. (Abba 318)
Une frère qui avait commis un péché fut chassé de l’église par le prêtre. Alors abba Bessarion se leva et sortit avec lui en disant : " Moi aussi, je suis un pécheur. " (Abba 326)
Un jour un frère commit une faute à Scété. Il y eut un conseil et on envoya chercher abba Moïse. Mais il ne voulait pas venir. Le prêtre lui envoya donc dire : " Viens, car tout le monde t’attend. " Alors, s’étant levé, il s’en alla prendre une corbeille percée, la remplit de sable et l’emporta sur son dos. Les autres, sortis à sa rencontre, lui dirent : " Qu’est-ce que ceci, Père ? " L’ancien leur dit : " Mes péchés coulent à flot derrière moi et je ne les vois pas, et je viens aujourd’hui pour juger des fautes d’autrui. " Ayant entendu cette parole, ils ne dirent rien au frère mais lui pardonnèrent. (Abba 327)
On disait d’abba Sisoès que, lorsqu’il fur près de mourir, les Pères étant assis auprès de lui, son visage brilla comme le soleil. Et il leur dit : " Voici qu’abba Antoine vient. " Et après un petit moment il dit : " Voici que le coeur des prophètes vient. " Et de nouveau son visage brilla avec plus d’éclat et il dit : " Voici que le choeur des apôtres vient. " Et son visage redoubla encore d’éclat et voici qu’il paraissait parler avec quelques interlocuteurs. Et les anciens lui demandèrent : " Avec qui parles-tu, Père ? " Il dit : " Voici que les anges viennent me prendre, et je supplie qu’on me laisse faire un peu pénitence. " Les anciens lui dirent : " Tu n’a pas besoin de faire pénitence, Père. " Mais il leur dit : " En vérité, je n’ai pas conscience d’avoir commencé. " Et tous reconnurent qu’il était parfait. Et à nouveau son visage redevint subitement comme le soleil, et tous furent saisis de crainte. (Abba 375)
Un frère dit à abba Poemen : " Si je tombe dans une faute lamentable, ma pensée me ronge et me reproche : Pourquoi es-tu tombé ? " L’ancien lui dit : " À l’heure même où l’homme succombe à l’égarement, s’il dit : J’ai péché, aussitôt c’est fini. " (Abba 201)
Abba Poemen a dit encore : Il y a une voix qui crie à l’homme jusqu’à son dernier souffle : " Aujourd’hui, convertie-toi. " (Abba 202)
Abba Poemen a dit que le bienheureux abba Antoine disait : Le grand exploit de l’homme, c’est de prendre sur lui sa faute devant le Seigneur et de s’attendre à la tentation jusqu’au dernier souffle. (Abba 207)
On demanda à un ancien : " Comment l’âme acquiert-elle l’humilité ? " Il répondit : " En n’étant attentive qu’à ses propres fautes. " (Abba 209)
Une frère demanda à abba Poemen : " Que dois-je faire pour mes péchés ? " L’ancien lui dit : " Qui veut racheter ses péchés, les rachète par les pleurs, et qui veut acquérir les vertus, les acquiert par les pleurs. " (Abba 212)
Une frère demanda à abba Poemen : " Si l’homme tombe dans quelque péché et se convertit, obtiendra-t-il le pardon de Dieu ? " L’ancien lui dit : " Assurément Dieu, qui a commandé aux hommes de pardonner, ne le fera-t-il pas lui-même davantage ? Il a commandé en effet à Pierre de pardonner jusqu’à soixante-dix-sept fois sept fois " (Abba 215)
On demanda à un ancien : " Que faut-il faire pour être sauvé ? " Il tressait des palmes ; sans lever les yeux de son ouvrage, il répondit : " Ce que tu vois là. " (Abba 52)
Un jour abba Dioscore pleurait sur lui-même dans sa cellule, tandis que son disciple se tenait dans une autre cellule. Quand celui-ci vint chez l’ancien, il le trouva donc pleurant et il lui dit : " Père, pourquoi pleures-tu ? " L’ancien répondit : " Je pleure mes péchés. " Alors son disciple lui dit : " Mais, Père, tu n’as pas de péchés. " Et l’ancien répondit : " Vraiment, mon enfant, se j’obtenais à voir mes péchés, trois ou quatre autres ne suffiraient pas à les pleurer. " (Abba 311)
Abba Antoine a dit : Quiconque n’a pas été tenté ne pourra entrer dans le royaume des cieux. Il est dit en effet : " Supprime les tentations, et pas un n’est sauvé. " (Abba 227)
Abba Jacques a dit : De même qu’une lampe éclaire une chambre obscure, ainsi la crainte de Dieu, quand elle vient dans un coeur d’homme, l’éclaire et lui enseigne toutes les vertus et les commandements de Dieu. " (Abba 246)
Abba Poemen a dit : Se jeter en présence de Dieu, ne pas s’estimer soi-même et rejeter derrière soi la volonté propre, sont les instruments de l’âme. (Abba 138)
Un frère dit a abba Théodore : " Dis-moi une sentence, car je suis perdu. " Avec effort l’ancien lui dit : " Je suis moi-même en péril, que pourrais-je te dire ? " (Abba 185)
Abba Antoine dit : Je vis tous les filets de l’ennemi déployés sur la terre, et je dis en gémissant : Qui donc passe outre ces pièges ? Et j’entendis une voix me répondre : l’humilité. (Paroles 16,6)
Un frère dit à abba Antoine : " Prie pour moi. " Le vieillard lui répondit : " Je ne te prendrai pas en pitié, ni Dieu non plus, su toi-même n’y mets pas du tien et ne supplies pas Dieu. " (Paroles 18,15)
On disait d’abba Macaire l’Égyptien que, remontant un jour de Scété avec un chargement de paniers, il s’assit accablé de fatigue et se mit à prier en ces termes : " Mon Dieu, tu sais bien que je n’en puis plus ! " Aussitôt il se trouva au fleuve. (Paroles 99, 12)
Abba Matoès dit : " Autant l’homme s’approche de Dieu, autant il se voit pécheur. En effet, Isaïe le prophète, voyant Dieu, se déclare misérable et impur. " (Paroles 108, 2)
Sources :
Abba - Dom Lucien Regnault, Abba, dis-moi une parole.
Éditions de l’Abbaye de Solesmes, 1984.
Paroles - Jean-Claude Guy, Paroles des anciens :
Apophtegmes des pères du désert.
Éditions du Seuil (Points/Sagesses, 1), 1976.
Introduction aux Pages Métanoïa