Prières et offices

L'Annonciation - Homélies et commentaires

Fresque de Léonide Ouspensky
Église des Trois Saints Hiérarques, Paris


HOMÉLIES ET COMMENTAIRES
    MÉDITATION SUR LA FÊTE AVEC LE PÈRE LEV GILLET
 
    L'ANNONCIATION
    SYNAXAIRE DE LA FÊTE PAR LE HIÉROMOINE MACAIRE

OFFICES ET LITURGIES

ICÔNE DE LA FÊTE


 

MÉDITATION SUR LA FÊTE
AVEC LE PÈRE LEV GILLET

 

La plus grande des fêtes qui se rencontre en cette période  de l’année [le Carême] est assurément la fête de l’Annonciation de la maternité divine faite par l’ange Gabriel à la Théotokos, la très sainte Vierge Marie [1]. Une phrase des chants de matines résume toute la signification de cette fête : " Le mystère éternel est révélé aujourd’hui ; le Fils de Dieu devient Fils de l’homme… ". L’Épître aux Hébreux, lue à la liturgie (2, 11-18), insiste sur ce que, du fait de l’Incarnation, " le sanctificateur et les sanctifiés ont tous même origine. C’est pourquoi il ne rougit pas de les nommer frères ". L’Évangile (Lc 1, 24-38) relate la révélation que Gabriel, à Nazareth, fit à Marie. La réaction de Marie, " comment cela se fera-t-il ?  ", N’est pas l’expression d’un doute, et en cela elle diffère de la réaction de Zacharie, lorsque la naissance de Jean lui fut prédite. Marie pose simplement une question respectueuse ; et, quand l’ange explique que le Saint-Esprit descendra sur elle et la couvrira de son ombre, Marie répond, avec l’humilité et l’obéissance qui caractérisent toute sa personne : " Je suis la servante du Seigneur ; qu’il me soit fait selon ta parole ".

La fête de l’Annonciation a en quelque sorte deux faces. L’une d’elles est tournée vers la Très Sainte Mère de Dieu. Elle concerne sa gloire et notre piété envers Marie. La déclaration de cette gloire et l’expression de cette piété trouvent leur forme parfaite dans la première phrase du message de l’ange : " Salut, pleine de grâce, le Seigneur est avec toi ". Nous ne pouvons mieux nous adresser à la Sainte Vierge qu’en répétant cette phrase avec vénération et tendresse. L’autre face du mystère de l’Annonciation est tournée vers les hommes. Dans la vie de tout chrétien, il doit y avoir des Annonciations divines, des moments où Dieu nous fait connaître sa volonté et son dessein à notre égard. Mais toutes ces Annonciations doivent s’unir et se fondre dans une Annonciation essentielle : l’Annonce que Jésus peut naître en nous, peut naître de nous – non point dans le sens où il fut conçu et mis au monde par la Vierge Marie, car il s’agit là d’un miracle unique et inégalable, mais dans le sens d’une prise de possession toute spirituelle et en même temps très réelle de notre personne par le Sauveur. Et puis rappelons-nous que toute Annonciation authentique est aussitôt suivie d’une Visitation : la faveur divine étendue sur nous doit immédiatement provoquer de notre part une démarche, une parole ou un acte de charité envers nos frères. Voilà pourquoi l’évangile des matines de l’Annonciation est le récit de la visite faite par Marie à Élisabeth. La Mère de Dieu, aussitôt après son entretien avec Gabriel, va porter la grâce à sa cousine et faire rayonner cette grâce sur Élisabeth et Jean.

NOTE

[1] C’est le Concile de Tolède, en 656, qui mentionne pour la première fois la fête de l’Annonciation. Le Concile in Trullo, en 692, parle de l’Annonciation comme d’une fête célébrée en Carême. Il semble probable que, si la solennité du 25 mars, a été fixée au VIIe siècle, les origines en remontent plus haut. Dans la première des notes du chapitre III de cet ouvrage, nous avons parlé de la manière dont les fêtes de Noël et de l’Annonciation ont été historiquement reliées l’une à l’autre. Si la fête du 25 mars tombe le vendredi-Saint, la mémoire de l’Annonciation est transférée au dimanche même de Pâques.

Extrait du livre L'An de grâce du Seigneur,
signé "Un moine de l'Église d'Orient",
Éditions AN-NOUR (Liban) ;
Éditions du Cerf, 1988.


L'ANNONCIATION

Fête liturgique : 25 mars

Historique

La date du 25 mars a été choisie par référence symbolique au 25 décembre. Primitivement, l'Annonciation de l'Archange Gabriel à la Vierge Marie se trouvait incluse dans le cycle de la Nativité. La tradition syrienne lui consacre encore les deux dimanches qui précèdent Noël.

En Occident, on la retrouve aujourd'hui à Milan dans le rite ambrosien sous le nom de Dimanche de l'Incarnation, tandis que le rite mozarabe en Espagne et au Portugal l'a fixée au 18 décembre, peut-être la première fête mariale en Orient et en Occident.

C'est à l'influence de Constantinople que la date du 25 mars doit son extension universelle. On l'y trouve déjà en 692 dans les Actes du Concile In Trullo.

Elle aurait été introduite en Occident par le Pape Léon II (681-683), qui était un Sicilien de culture grecque.


SYNAXAIRE DE LA FÊTE

par le Hiéromoine Macaire

En ce jour qui suit de peu l'équinoxe de printemps, alors que l'obscurité de la nuit, ayant atteint le terme de son extension, commence à céder la place à la lumière, l'Église célèbre la conception de Notre Seigneur Jésus-Christ et la descente, en ce monde obscurci par les ténèbres, du Soleil de Justice, qui a retourné le mouvement du temps et de l'histoire et, d'une descente vers la mort, en a fait une remontée vers le printemps définitif de l'éternité.

Racine et principe de toutes les autres fêtes du Seigneur, par lesquelles nous commémorons chaque année notre Rédemption, cette fête de l'Annonciation doit toujours être rigoureusement célébrée à la même date, car, selon une ancienne tradition, c'est au mois de mars que le monde fut créé par Dieu et c'est le 25 mars précisément qu'Adam, trompé par la promesse du serpent et voulant se faire dieu, transgressa le commandement divin et fut exilé du Paradis1. Il convenait donc que la guérison de notre nature s'accomplisse, telle une seconde création, par les mêmes moyens et en ces mêmes jours qui ont été ceux de notre chute. Et, de même que le genre humain avait été assujetti à la mort par la désobéissance d'Ève, au printemps du monde, il convenait qu'il en fût délivré au mois de mars par l'obéissance de la Vierge. Développant magnifiquement cette doctrine des correspondances dans l'Économie de la Rédemption, Saint Irénée de Lyon écrit à ce propos : « De même que celle-là (Ève) avait été séduite par le discours d'un ange, de manière à se soustraire à Dieu en transgressant sa parole, de même celle-ci (Marie) fût instruite de la bonne-nouvelle par le discours d'un Ange, de manière à porter Dieu en obéissant à sa parole ; et, de même que celle-là avait été séduite de manière à désobéir à Dieu, de même celle-ci se laissa persuader d'obéir à Dieu, afin que de la vierge Ève, la Vierge Marie devienne l'avocate : et, de même que le genre humain avait été assujetti à la mort par une vierge, il en fut libéré par une vierge, la désobéissance d'une vierge ayant été contrebalancée par l'obéissance d'une vierge »2.

Après notre chute, Dieu, prenant patience dans Sa miséricorde infinie, avait peu à peu préparé l'humanité, de génération en génération, par des événements heureux et malheureux, à la réalisation du Grand Mystère qu'Il tenait caché avant tous les siècles dans son Conseil trinitaire : l'Incarnation du Verbe. Alors qu'Il savait, bien à l'avance, qu'elle allait être la faute de l'homme et ses tragiques conséquences, c'est en ayant en vue le terme de ce mystère qu'Il avait pourtant créé la nature humaine, afin de s'y préparer une Mère3 qui, par la beauté de son âme immaculée, relevée de l'ornement de toutes les vertus, attira sur elle les regards du Tout-Puissant et devint la chambre nuptiale du Verbe, le réceptacle de Celui qui contient tout, le Palais du Roi du Ciel et le terme du dessein divin.

Six mois après la conception miraculeuse de celui qui devait être en toutes choses le Précurseur du Sauveur (Luc 1:17), Gabriel, l'Ange de la miséricorde (cf. 8 novembre), fut envoyé par le Seigneur à Nazareth en Galilée, auprès de la Vierge Marie qui, au sortir du Temple, avait été fiancée au juste et chaste Joseph, pour qu'il soit le gardien de sa virginité4. Surgissant soudain dans la maison sous une apparence humaine, un bâton à la main, l'Ange salua celle qui devait devenir la consolation des larmes d'Ève5 en disant : « Réjouis-Toi, pleine de grâce, le Seigneur est avec Toi! » (Luc 1:8). Devant cette étrange apparition la Vierge laissa tomber son fuseau6 et, toute troublée par ces paroles de l'incorporel, elle se demandait si cette annonce de joie n'était pas, comme pour Eve, une nouvelle tromperie de celui qui sait se transformer en ange de lumière (cf. II Cor. 11, 14). Mais l'Ange La rassura et Lui dit : Sois sans crainte, Marie, car Tu as trouvé grâce auprès de Dieu. Ne T'étonne pas de mon étrange aspect et de ces paroles de joie, alors que, trompée jadis par le serpent, ta nature a été condamnée à la douleur et aux gémissements, car moi, c'est la vraie joie que je suis venu T'annoncer et la délivrance de la malédiction de la première mère (cf. Genèse 3:16). Voici que Tu concevras et enfanteras un fils, en accomplissement de la prédiction du Prophète Isaïe qui disait : « Voici que la vierge concevra et enfantera un fils!" Et Tu l'appelleras du nom de Jésus, ce qui signifie Sauveur. Il sera grand, et sera appelé Fils du Très-Haut. »

A ces paroles inouïes, la Vierge s'exclama : « Comment cela serait-il possible, puisque je ne connais point d'homme? » Elle ne mettait pas en doute la parole divine par manque de foi, comme Zacharie qui avait été pour cela puni de mutisme (Luc 1:20), mais elle se demandait comment ce mystère pourrait bien se réaliser en elle, sans l'union nuptiale, devenue la loi de la reproduction du genre humain soumis à la corruption. Comprenant ses doutes, l'Ange ne la blâma pas, mais il lui expliqua le mode nouveau de cette naissance : « L'Esprit Saint viendra sur Toi, qui a été comblée de grâce en préparation de Sa venue, et la puissance du Très-Haut Te couvrira de Son ombre. » Puis, rappelant qu'Élisabeth, celle qu'on appelait "la stérile", venait de concevoir un fils dans sa vieillesse, il lui montra ainsi que là où Dieu le veut l'ordre de la nature est vaincu7, et il lui confirma que par Sa venue en elle le Saint-Esprit allait accomplir un miracle plus grand encore que la création du monde et, qu'abaissant les cieux, le Roi de l'univers, Celui qui contient tout, allait s'anéantir lui-même (Philippiens 2:7) par une ineffable condescendance, afin de demeurer en son sein, de s'y mêler en une union sans confusion à la nature humaine, et de se revêtir de sa chair, teinte en son sang virginal, comme une pourpre royale.

Inclinant alors humblement son regard à terre et adhérant de toute sa volonté au dessein divin, la Vierge répondit : « Je suis la servante du Seigneur, qu'il m'advienne selon Ta parole! »

Par ces paroles elle acceptait, et avec elle la nature humaine tout entière, la venue en elle de la puissance divine transmise par les paroles de l'Ange. Et c'est à cet instant même que s'accomplit la conception du Sauveur. Le Fils de Dieu devient Fils de l'Homme, une seule Personne en deux natures. Dieu se revêt de l'humanité et la Vierge devient en toute vérité Mère de Dieu (Théotokos), afin que, par cet échange des propriétés naturelles, les hommes, délivrés de l'enfer, puissent devenir fils de Dieu par la Grâce.

L'accomplissement de ce Mystère de l'Incarnation, caché même à la connaissance des Anges, ne fut donc pas seulement l'œuvre  du Père, dans Sa complaisance, du Fils qui descendit des cieux, et de l'Esprit qui recouvrit la Vierge de Son ombre, mais le Seigneur attendait que celle qu'il avait choisie entre toutes les femmes y prenne aussi une part active par son acquiescement libre et volontaire, de sorte que la Rédemption du genre humain fût l'œuvre  commune de la volonté de Dieu et de la foi de l'homme. Ce fut donc par une libre coopération (synergie) de l'humanité au dessein divin que s'est accompli ce Grand Mystère préparé depuis l'origine du monde, que Dieu devient homme pour que l'homme devienne dieu8, et que la Vierge, Épouse inépousée, est devenue pour notre nature renouvelée la source et la cause de tous les biens.

Autrefois entrevue en figures par les Prophètes comme le Buisson non-consumé (Genèse 3:14), comme la Montagne non-entaillée (Daniel), comme la Porte scellée par laquelle Dieu seul devait passer (Ezéchiel 44:2), la Mère de Dieu est l'Échelle vivante (cf. Genèse 28:10- 17) par laquelle Dieu est descendu et qui permet aux hommes de monter au ciel. Elle a ouvert au genre humain un nouveau mode d'existence : la virginité, grâce à laquelle le corps de tout homme, à Sa suite, est appelé à devenir le temple de Dieu (cf. 1 Cor. 3:16 ; 6:19).

Et la création entière, soumise jadis à la corruption par la faute de l'homme, était-elle aussi dans l'attente de ce "Oui!"' de la Vierge, qui annonçait le début de sa délivrance. C'est pourquoi le ciel et la terre réunis, forment aujourd'hui un cœur de fête avec les fils d'Adam, pour rendre gloire à Dieu en honorant la conception de Sa Mère inépuisée.


Notes
1 On rapporte également que c'est en ce mois que le peuple juif sortit d'Égypte et traversa la Mer Rouge à pied sec, que Notre Seigneur Jésus-Christ ressuscita des morts le 25 mars et que la résurrection générale et le Jugement dernier auront lieu aussi le même jour. Ce mois, qui était le premier de l'année chez les Juifs et qui évoque par son nom la perfection, récapitule donc tous les mystères de l'Économie divine, depuis la création jusqu'à la restauration de toutes choses.
2 Contre les hérésies V, 19, 1 (SC 153, 255).
3 C'est l'enseignement de Saint Nicolas Cabasilas dans son discours sur l'Annonciation. 8 (Patrologia Orientalis, 19).
4 Cf. la notice du 21 novembre du calendrier orthodoxe.
5 Cf. L'Hymne Acathiste, qui fut primitivement un hymne pour la Fête de l'Annonciation et qui est chanté solennellement le samedi de la Cinquième semaine du Carême. Dans la tradition grecque il est en outre chanté partiellement chaque soir des quatre premiers vendredis de Carême. Dans les Monastères on le récite tous les jours aux complies, et nombre de fidèles orthodoxes le connaissent par cœur et aiment à le réciter plusieurs fois pendant la journée, car la salutation de l'Ange est devenue l'expression de la joie et de la gratitude de tous les Chrétiens envers la Mère de Dieu.
6 D'après l'Evangile apocryphe de Saint Jacques elle avait été chargée par les Prêtres de filer la pourpre écarlate pour le voile du Temple. Ce détail a été conservé dans l'iconographie orthodoxe.
7 S. Grégoire le Théologien. Sur tout ceci voir aussi la notice du 26 décembre du calendrier orthodoxe.
8 Saint Irénée ; Saint Athanase.

 SOURCE : Le Synaxaire. Vie des Saints de l’Église orthodoxe - par le Hiéromoine Macaire. Monastère de Simonos Pétra au Mont Athos.


 

Dernière modification: 
Jeudi 11 juillet 2024