Pères et mères dans la foi

Saint Nicolas Velimirovitch

Évêque de Zicha et d’Ochrid

Saint Nicolas Velimirovitch (1)  Saint Nicolas Velimirovitch (2)  Saint Nicolas Velimirovitch (3)  Saint Nicolas Velimirovitch (4)


Quatre icônes de Saint Nicolas Velimirovitch


VIE DE SAINT NICOLAS VELIMIROVITCH

SAINT NICOLAS VELIMIROVITCH ET LE STARETS SILOUANE

LE STARETS SILOUANE : UN HOMME D’UN GRAND AMOUR

« PRIÈRES PRÈS DU LAC »

« BÉNIS MES ENNEMIS, SEIGNEUR »


SAINT NICOLAS VELIMIROVITCH

Évêque de Zicha et d’Ochrid

Saint Nicolas Velimirovitch, aîné de neuf enfants, naquit le 23 décembre 1880. Ses parents, Dragomir et Katarina, étaient des fermiers qui vivaient dans le petit village de Lelitch en Serbie occidentale. Lorsqu’il était enfant, il accompagnait souvent sa mère au monastère de Chélije, distant de cinq kilomètres, où ils assistaient aux offices. Ce furent les conseils et l’exemple de sa mère qui posèrent les fondations de son développement spirituel, comme il le reconnut lui-même plus tard.

Il fut malade, lorsqu’il était enfant, et n’eut jamais une robuste constitution. Plus tard, il ne correspondit pas aux critères d’admission à l’école militaire. Il avait de brillantes capacités intellectuelles, ce qui lui permit d’entrer au séminaire Saint-Sava à Belgrade – avant même que d’avoir achevé l’école préparatoire. Lorsqu’il obtint son diplôme, en 1905, il fut sélectionné pour poursuivre ses études à l’étranger. C’est ainsi qu’il obtint un doctorat à l’université de Berne en 1908, avec un ouvrage intitulé " La foi en la Résurrection du Christ, comme dogme fondamental de l’Église apostolique ". L’année suivante, il soutint une autre thèse doctorale à l’université d’Oxford en Angleterre.

De retour en son pays, il fut très gravement atteint de dysenterie. Il émit le vœu que si le Seigneur lui donnait la guérison, il consacrerait le reste de son existence à son service. L’année suivante, il entrait au monastère de Rakovitsa, près de Belgrade. Le même jour, il était ordonné prêtre. L’année suivante, il étudia en Russie, afin de se préparer à enseigner au séminaire de Belgrade. Il écrivit des cours de philosophie, logique, histoire et de langues étrangères – il s’exprimait couramment en sept langues –, et il rédigea une anthologie d’homélies. Ces dernières montrent le don qu’il avait pour exprimer les pensées les plus profondes en un langage accessible à tous.

Lors du déclenchement de la première Guerre mondiale, l’archimandrite Nicolas fut envoyé en mission diplomatique en Angleterre, où il intervint avec succès en faveur des Serbes. Son diplôme de doctorat d’Oxford lui valut d’être invité à donner une conférence à l’Abbaye de Westminster. Un évêque anglican se rappelait plus tard : " L’archimandrite Nicolas Velimirovitch est venu, et en trois mois, il laissa une impression qui dure jusqu’à ce jour. Sa vision de l’Église comme la famille de Dieu – précisément l’inverse de la conception d’un " Empire divin ", brise en éclats l’accusation de césaro-papisme que la pensée occidentale adresse à l’Orthodoxie orientale ". L’archimandrite Nicolas se rendit ensuite en Amérique. Il vint en aide non seulement aux émigrants serbes, mais encore à des milliers de Croates et de Slovènes.

Il revint en Serbie en 1919 et fut consacré évêque de Zicha ; par la suite il fut transféré à Ochrid. Il prêcha la Foi, aida les pauvres, établit des orphelinats. Il encouragea le mouvement " Bogomljcki Pokret ", qui incitait à la prière, à la lecture de la Bible, et à la confession et à la communion fréquentes. Sous l’influence spirituelle de l’évêque Nicolas, le mouvement s’étendit et contribua au renouveau de la vie monastique en Serbie. Il séjourna un an en Russie et il allait chaque année au Mont-Athos. Les capacités de l’évêque Nicolas étaient également reconnues à l’étranger. En 1921, il fut invité en Amérique. En six mois, il donna plus de cent conférences, collecta des fonds pour les orphelinats, et posa les bases pour l’organisation de l’Église serbe en Amérique.

L’évêque Nicolas retourna six ans plus tard en Amérique, à l’invitation de différents mouvements et associations. Après avoir parlé et prêché pendant trois mois, en différentes églises et universités, il retourna en Serbie, tout en s’arrêtant brièvement en Angleterre. Là, il parla prophétiquement des signes avant-coureurs d'une autre guerre meurtrière.

Au début des années 1930, il écrit ses remarquables et célèbres Prières près du lac, spirituellement très proche de ceux qu’il rencontra à cette période au Mont-Athos, le starets Silouane et le père Sophrony. Chaque fois que l’évêque Nicolas venait à l’Athos, il se hâtaient de voir le starets en premier. C’est l’évêque Nicolas qui ordonna le père Sophrony diacre. Au décès de saint Silouane, saint Nicolas publia dans une revue missionnaire serbe une nécrologie intitulée : " Un homme d’un grand amour ".

Le 6 avril 1941, les troupes allemandes envahirent la Yougoslavie, et le gouvernement capitula aussitôt. Un grand nombre de Serbes furent massacrés en de terribles atrocités commises par les forces de l’Axe et par les Oustachis, une organisation terroriste croate qui collabora avec les Nazis afin d’obtenir leur appui politique. 750,000 hommes, femmes et enfants furent massacrés, et des milliers furent envoyés dans les camps de la mort en Allemagne.

L'évêque Nicolas fut arrêté en 1941, suites aux critiques qu’il avait émis contre les Nazis. Il fut mis en résidence surveillée au monastère de Ljubostir Vojlovici, jusqu’en septembre 1944. Ensuite, il fut envoyé, avec le Patriarche Gavrilo, au camp d’extermination de Dachau. Là, ils vécurent toutes les horreurs que les prisonniers purent connaître en cet endroit.

À quelqu’un qui lui demandait si les souffrances des camps " détruisent la vie spirituelle ou la rendent vivante ", l’Évêque Nicolas répondit : " Vous êtes assis dans le coin et dites encore et encore : "Je suis poussière, je suis cendres ; prends mon âme." Et soudain votre âme est soulevée et voit Dieu face à Face. Mais vous ne pouvez pas le supporter et vous Lui dites : "Je ne suis pas prêt, je ne peux pas, renvoie-moi." Et ainsi, une fois de plus, vous êtes assis là pour des heures et des heures, répétant : "Je suis poussière, je suis cendres ; prends mon âme." Et encore une fois, Dieu vous saisit vers le haut. Si c’était possible, je voudrais changer le reste de ma vie pour une heure de plus à Dachau ". À quoi Mgr Nicolas ajoute : " Et lorsque tu te penches sur des cendres froides, celles-ci sont transfigurées et reçoivent un visage... Permets-moi juste de voir ton visage encore plus... et encore plus de ton visage.. ". Le camp fut enfin libéré par les troupes américaines en mai 1945.

Pendant ce temps, le maréchal Tito consolidait son pouvoir communiste en Yougoslavie, écrasant toute opposition et persécutant l’Église. Bien que l’évêque Nicolas désirât revenir en son pays, il savait que s’il le faisait, il serait réduit au silence. Il décida donc, comme le firent des milliers de réfugiés serbes, de rester à l’étranger, afin de pouvoir servir plus efficacement son peuple.

L’évêque Nicolas arriva en Amérique en 1946. En dépit de sa santé, gravement affectée par les épreuves extrêmes du camp de Dachau, il partagea son temps en de nombreuses activités : des voyages, des conférences, des cours, et l’écriture. Il rédigea un synaxaire intitulé Le Prologue d’Ochrid, dont les quatre volumes sont considérés comme un classique de la spiritualité. Il passa trois ans à enseigner au séminaire Saint- Sava à Libertyville en Illinois, avant de s'établir au monastère Saint-Tikhon, en 1951, à Johnstown en Pennsylvanie. Il y resta jusqu’à son décès le 5/18 mars 1958.

Le chapitre final du parcours terrestre de l’évêque Nicolas ne fut en nulle manière affecté par le fait qu’il était âgé de plus de soixante-dix ans. Il enseignait au séminaire, dont il devint le doyen, puis le recteur. Il fut le père spirituel de nombreux séminaristes et moines. Il fut professeur invité au séminaire Saint-Vladimir à Crestwood en l’État de New-York. Il reçut d’innombrables visiteurs, qu’il encourageait avec des propos remplis de vie spirituelle. Lorsqu’il se retirait le soir, c’était pour écrire – ou pour prier.

La prière fut une constante dans la vie de l’évêque Nicolas. C’est en position de prière qu’il fut trouvé dans sa chambre à sa mort. Des chrétiens du monde entier se rassemblèrent pour ses funérailles dans la cathédrale orthodoxe serbe de Saint-Sava à New-York. Il fut enterré au monastère de Saint-Sava à Libertyville. L’évêque Nicolas avait exprimé le désir d’être inhumé en son pays natal. Vingt-cinq ans plus tard, le 27 avril 1991, ses reliques furent transférées au monastère de Chetinje en Serbie, en un endroit qui lui avait été réservé depuis longtemps, auprès du tombeau de son disciple, l’archimandrite Justin Popovitch.

Le 19 mai 2003, le saint Synode de l’Église serbe a décidé de canoniser l’évêque d’Ohrid et de Zicha Nicolas Velimirovitch en inscrivant son nom dans le calendrier des saints de l’Église orthodoxe. Les dates de commémoration sont le jour de son décès, le 5/18 mars, et celle du transfert de ses reliques d'Amérique en Serbie, le 20 avril/3 mai.

Adapté par le Higoumène Georges (Leroy)


Tropaire, Ton 8 :

Prédicateur du Christ ressuscité, tu es un nouveau Chrysostome, * tu es une lyre spirituelle qui résonne au souffle de l'Esprit * fierté et ornement du peuple des moines, * joie et gloire des prêtres et prédicateur du repentir, * évêque et intercesseur, guide des serviteurs du Christ et des amis de Dieu, * avec tous les saints qui illuminèrent la terre de Serbie, * prie l’Ami des hommes de donner la paix et l’unité au monde entier.

 Kondakion, Ton 3 :

Saint Nicolas, tu occupas à Zicha le trône de saint Sava, * et par l’Évangile, tu instruisis et illuminas le peuple de Dieu. * Tu fus pour beaucoup la voie du repentir et de l’amour du Christ, * en captivité tu enduras de terribles souffrances suivant l’exemple de ton Maître ; * pour tout cela, ô saint, nous te glorifions, * Nicolas, ami de Dieu et bienfaiteur de nos âmes. 


 SAINT NICOLAS VELIMIROVITCH

ET LE STARETS SILOUANE

" Je ne sais pas exactement ce qui s’est passé entre eux, mais l’évêque Nicolas aimait venir souvent au Mont-Athos et, à chaque visite, il s’empressait de voir saint Silouane, raconte le père Sophrony. Le starets était très simple et il ne parlait pas à tout le monde de ce qu’il avait écrit ; on ne peut vraiment juger quelqu’un que sur ses paroles. Deux évêques l’estimaient : Mgr Benjamin de Russie - qui est mort comme higoumène du monastère de Pskov, un vieux couvent qui devait avoir un évêque à sa tête - et Mgr Nicolas qui était métropolite. Ce dernier avait une -vénération pour le starets Silouane, qui n’aimait pas cela. Un jour, il était allé à la librairie avec le starets. Il tendait chaque livre qu’il achetait à Silouane, pour que celui-ci le mette dans une caisse. Il voulait ainsi que chaque ouvrage soit béni en passant par les mains du starets. Celui-ci était toujours obéissant, mais cela le gênait et, dans sa gêne, silencieux jusque là, il dit en voyant le livre de saint Macaire le Grand : "Il est grand !" Et l’Évêque Nicolas lui répondit : "Il y a ici plus grand que saint Macaire..."

" Après, chaque fois que l’évêque Nicolas venait à l’Athos, il se hâtait de voir le starets en premier, avant tous les higoumènes. Il le prenait par l’épaule, et les gens - ceux qui avaient une fonction administrative dans le monastère - ne comprenaient pas. Certains pensaient même : "Il y a des fous." Car, même si on ne pouvait accuser la conduite du starets, qui était irréprochable, on émettait des doutes...

" En fait, l’évêque Nicolas avait une immense dette de reconnaissance envers le starets Silouane. Il était venu pour la première fois au Mont-Athos alors qu’il traversait de grandes difficultés spirituelles, et le starets l’avait aider à discerner et à résoudre son problème. La même chose s’était produite pour moi : personne n’avait pu me donner une réponse. Le père Stratonique, célèbre starets du Caucase, admirait lui aussi Silouane : il avait le don de la prière et de la parole, mais le starets avait répondu à une question dont il ignorait la réponse.

Dans un article sur la première édition du livre du père Sophrony sur le starets Silouane, l’évêque Nicolas écrivait :

" Si quelqu’un visite le Mont Athos et regarde à la douceur des moines, il doit penser que leur vie est ennuyeuse et sans but. Extérieurement, on a cette impression parce que très peu de gens peuvent deviner le combat incessant qui se déroule dans leur âme. Quelle bataille surnaturelle et invisible, non seulement contre les principautés, contre les puissances des ténèbres, mais aussi, au moins pour ceux qui commencent, contre la chair et le sang, contre les désirs du corps et les passions !

" Dans la deuxième partie du livre, le père Silouane écrit comment cette lutte l’amena au désespoir et presque au suicide. La Mère de Dieu lui apparut dans son agonie et le purifia des désirs impurs de la chair et du sang. Le Christ lui apparut et lui donna le pouvoir de vaincre les pensées terrestres et les mauvais esprits. Et ainsi, après un quart de siècle de lutte intérieure, le combattant remporta la victoire ; le chercheur de Dieu devint le "connaissant Dieu, l’apprenti, le maître."

" Le starets Silouane fut aussi mon maître. Une fois je lui demandai : "Père Silouane, je suppose que votre prière mentale est distraite par tous ces gens qui viennent à votre magasin pour acheter des icônes, des croix et d’autres articles. Ne serait-il pas mieux pour vous d’aller au désert de Karoulia et d’y vivre en paix - comme ces ermites que sont le père Théodose, le prince Parthény, Dorothée, Kallinique -, ou de vous installer dans une grotte comme le père Gorgonios ?" - "Je vis déjà dans une grotte, me répondit Silouane. Mon corps est une grotte pour mon âme et mon âme est une grotte pour le Saint-Esprit. Et j’aime servir le peuple de Dieu sans sortir de ma grotte."

" Avec tout son empressement à servir chaque personne, avec toute sa merveilleuse humilité et son affectueuse bienveillance, le starets Silouane parlait avec autorité des choses divines. Il parlait de Dieu avec une étonnante intimité, comme un ami parlerait d’un ami. "Je connais Dieu : il est aimable, doux et serviable", disait-il. Son amour, avec des prières remplies de larmes, a recouvert les péchés des pécheurs, corrigé ceux qui font le mal, réconforté les découragés, guéri les malades et calmé les tempêtes. On peut trouver le témoignage de tout cela dans ce livre ".

En écho à cette recension, l’évêque Nicolas dit aussi un jour : " Les saints ont parcouru le chemin le plus long que l’être humain puisse traverser : celui qui va de l’enfer jusqu’au Paradis ".

Reproduit de l’article de sœur Pélagie
(monastère Saint-Jean-Baptiste en Angleterre),
" Chrysostome serbe, Nicolas Velimirovich,
philosophe du Saint-Esprit ",
revue Buisson Ardent, Cahiers Saint-Silouane-
l’Athonite
, no. 4, 1998.
 


LE STARETS SILOUANE :
UN HOMME D’UN GRAND AMOUR

par saint Nicolas Velimirovitch

Cet article nécrologique de l’évêque Nicolas Velimirovitch fut publié dans la revue serbe Missionnaire en 1938, après la mort du starets Silouane. Éloge prophétique du grand starets, qui laissait déjà entrevoir la sainteté de Silouane, bien avant la publication des écrits du saint.

Donne le repos, Seigneur, au moine Silouane, membre de la communauté du monastère Saint-Pantéléïmon à la Sainte Montagne.

De ce merveilleux père spirituel, on peut simplement dire : il était une âme remplie de douceur. Je ne suis pas le seul à avoir fait l’expérience de la douceur de son âme : chaque pèlerin de la Sainte Montagne qui est entré en contact avec lui l’a expérimentée.

Silouane était grand, solide, avec une longue barbe noire. Au premier regard, son apparence n’avait rien d’attrayant pour un étranger ; cependant, une seule conversation avec lui suffisait à attirer l’amour. " Le Seigneur nous aime d’une façon inexprimable ", disait à chacun le père Silouane ; et à ces mots, ses yeux se remplissaient toujours de larmes. Ses yeux étaient rouges à force de pleurer. Avec les gens, il parlait le plus souvent de l’amour de Dieu. Le père Silouane consolait et encourageait avec l’amour de Dieu celui qui se plaignait de quelque souffrance ou de quelque tentation : " Le Seigneur sait que tu souffres, mais son amour brille sur toi comme le soleil sur le monde. N’aie pas peur : c’est pour ton bien ".

Il n’était pas sévère devant les péchés des autres, aussi grands qu’ils fussent. Il parlait de l’amour incommensurable de Dieu envers les pécheurs et il amenait le pécheur à se juger lui-même sévèrement. " Si nous nous arrêtions de juger Dieu, nous cesserions de juger sa création, les hommes en particulier, disait Silouane les yeux remplis de larmes. Mais nous jugeons Dieu dans toutes les difficultés de la vie, c’est pourquoi nous jugeons aussi toutes ses créatures.

" Nous condamnons aussi Dieu de ce que nous ne ressentons pas l’amour divin. Moi-même j’ai agi ainsi. Un jour, je suis parti du monastère en direction de Daphni. Je me suis égaré et j’errais au milieu des haies de buis. La nuit tombait. Je me mis en colère. En fait, j’étais en colère contre Dieu. Je criais : "Seigneur, cela ne te fait rien que je sois perdu et que je périsse ! Sauve-moi". À ce moment, j’entendis une voix : "Va toujours à droite". Toute mon âme se mit à trembler. Il n’y avait pas âme qui vive. Je me mis en route vers la droite et tout le temps à droite, jusqu’à ce que j’arrive à Daphni. Toute cette nuit-là, je la passai en pleurs. Moi, l’indigne, je ressentis la présence du Dieu Vivant, son amour. Après cela, je n’ai laissé aucune adversité s’élever entre moi et l’amour de Dieu ".

Silouane nous a aussi parlé d’un jeune érudit venu à la Sainte Montagne pour " chercher Dieu ". Il n’avait pas dit à l’higoumène qu’il ne croyait pas en Dieu, mais seulement qu’il souhaitait rester quelques mois au monastère pour se reposer et pour avoir un conseil spirituel. L’higoumène le confia à un père spirituel pour qu’il s’occupe de lui. Le jeune homme lui confessa immédiatement qu’il ne croyait pas en Dieu, mais qu’il était venu à la Sainte Montagne pour chercher Dieu. Le père spirituel se mit en colère ; il prit peur et commença à crier, disant au jeune homme à quel point il est terrible de ne pas croire en Dieu, le Créateur, et qu’il n’y avait pas de place dans les monastères pour les incroyants. Le jeune homme se prépara donc à quitter le monastère. Le père Silouane le rencontra et engagea une conversation avec lui. Lorsque le jeune homme lui eut expliqué ce qui l’avait tourmenté et le " pourquoi " de sa visite à la Sainte Montagne, le père Silouane lui répondit doucement : " Mais cela n’a rien de terrible. C’est fréquent chez les jeunes. Cela m’est arrivé aussi. Quand j’étais un jeune homme, j’ai hésité, j’ai douté, mais l’amour de Dieu a illuminé mon esprit et adouci mon coeur. Dieu te connaît et te voit ; il t’aime sans mesure. Avec le temps, tu vas le ressentir. Cela s’est passé comme cela avec moi ". À ces mots, le jeune homme commença à s’affermir dans la foi en Dieu et même il resta au monastère.

Une autre fois, un moine se plaignit au père Silouane qu’il avait le sentiment de ne pouvoir être sauvé à la Sainte Montagne et que, pour cela, il avait décidé de partir et de retourner dans le monde. Le père Silouane pleura, puis lui dit : " Cette pensée, parfois, m’est venue à moi aussi, mais j’ai prié Dieu de m’éclairer. J’ai redoublé mes prières et l’amour de Dieu m’a donné ces pensées : "Tant d’hommes saints ont plu à Dieu, se sont sauvés eux-mêmes et ont sauvé les autres à la Sainte Montagne, et toi tu n’y arrives pas ?" "

Un autre moine se plaignit que l’higoumène ne l’aimait pas. Le père Silouane lui répondit : " Mais toi, aime-le. Toi, prie pour lui de tout ton coeur, chaque jour, et dis : "Moi, j’aime mon higoumène, moi j’aime mon higoumène." Et lorsque l’amour pour ton higoumène commencera à s’enflammer en toi, alors, l’higoumène commencera à t’aimer.

Ce merveilleux père spirituel était un simple moine mais un homme riche en amour pour Dieu et pour son prochain. Des centaines de moines venus de toute la Sainte Montagne allaient à lui pour être réchauffés par l’incandescence de son amour. Les moines serbes de Chilandari et des ermitages aimaient particulièrement le père Silouane. Ils voyaient en lui un vrai père spirituel qui les faisaient revivre par son amour. Pour très longtemps, ils se souviendront de l’amour du père Silouane et de ses sages avis.

J’ai été, moi aussi, beaucoup aidé par le père Silouane. Je sentais qu’il priait pour moi. Chaque fois que je visitais la Sainte Montagne, je me dépêchais de le rejoindre. Il travaillait durement au monastère. Il était économe au magasin et il travaillait avec les caisses, les sacs, les tonneaux et tout ce qui s’entassait dans les dépôts.

Une fois, je lui dis que les moines russes s’inquiétaient beaucoup de la tyrannie exercée contre l’Église de Dieu par les bolcheviques. À cela, il répondit : " Au commencement, moi aussi j’ai été troublé, mais après de multiples prières me vinrent les pensées suivantes : "Le Seigneur aime indiciblement tous les hommes. Il connaît la fin et la durée de toutes choses. Il a permis la souffrance du peuple russe pour un bénéfice futur que je ne peux ni comprendre, ni anticiper. Il ne me reste que la prière et l’amour. Colère et cris contre les " sans Dieu " de guérissent pas la situation ".

Et il y a bien des choses encore que j’ai pu entendre soit du père Silouane lui-même, soit à son sujet par d’autres personnes. Mais qui pourrait rassembler tout cela et le mettre par écrit ? Le livre de sa vie est émaillé des perles de sagesses et de l’or de l’amour. C’est un livre immense et incorruptible. Maintenant il est fermé et présenté au Juge éternel et juste. Celui-ci dira à l’âme qui l’a tant aimé sur terre : " Viens, mon fidèle serviteur Silouane, entre dans la joie de ton Seigneur ". Amen. Que Dieu fasse qu’il en soit ainsi. (Traduit du serbe)

Reproduit de la revue
Buisson Ardent, Cahiers Saint-Silouane-
l’Athonite
, no 4 (1998).


« Prières près du lac »

par saint Nicolas Velimirovitch

Avis au lecteur : Les textes qui suivent sont des prières-poèmes dont vous pourrez goûter la douceur et la force, pénétrer les profondeurs et effleurer les espaces infinies en adaptant un rythme de lecteur assez lent et méditatif, afin de laisser l’âme de ces textes toucher votre âme et, dans le silence, vous révéler les secrets que seul l’Amour peut murmurer, en secret. Nous reproduisons ici une traduction des deux premières de cent prières, écrites par le saint évêque sur les bords du lac d’Ochrid au début des années 1930.

 PRIÈRE 1 • QUI EST-CE QUI ME REGARDE ?

Qui est-ce qui me regarde
à travers l’ensemble des étoiles du ciel
et des créatures qui peuplent la Terre ?
Couvrez-vous les yeux, ô étoiles et créatures ;
n’abaissez pas votre regard sur ma nudité ;
la honte me tourmente bien assez
par mon propre regard sur moi-même !

Qu’y a-t-il à voir ?
Quoi d’autre qu’un arbre de vie,
maintenant réduit
à une ronce en bord de route,
qui se pique autant qu’elle pique les autres ;
quoi d’autre, sinon une flamme céleste
recouverte de boue,
une flamme qui ne donne aucune lumière,
mais qui ne s’éteint pas.

Laboureurs, ce n’est pas votre labour
qui importe,
mais bien le Seigneur qui regarde.
Chanteurs, ce n’est pas votre chant
qui compte
mais bien le Seigneur qui écoute.
Dormeurs, ce n’est pas votre sommeil
qui importe,
mais bien le Seigneur qui éveille.
Ce ne sont pas les poches d’eau
dans les rochers en bordure du lac
qui importent,
mais le lac lui-même.

Qu’est-ce que le temps qui passe
pour le genre humain,
sinon cette vague qui vient mouiller
le sable brûlant de la rive,
puis regrette d’avoir quitté le lac,
quand, ce faisant, elle s’est asséchée ?

Ô étoiles, ô créatures,
ne posez pas vos yeux sur moi,
mais posez-les sur le Seigneur ;
lui seul a le don de Vue :
Regardez-le et vous vous verrez vous-mêmes,
dans votre propre maison.
Que voyez-vous quand vous me regardez ?
Un portrait de votre exil ?
Un miroir de vos existences éphémères ?

Ô Seigneur, mon beau voile
aux séraphins d’or brodés,
recouvre ma face,
comme le fait le voile d’une veuve.
Reçois mes larmes
dans le foisonnement des peines
de toutes tes créatures.

Ô Seigneur, toi ma beauté,
viens et visite-moi,
afin que je n’aie plus honte de ma nudité,
et que les nombreux regards assoiffés
posés sur moi
puissent rentrer chez eux rassasiés.

PRIÈRE II • LE NID DE VERS

 Qui m’a placé sur ce nid de vers ?
Qui m’a enseveli dans la poussière,
au voisinage des serpents,
comme appât pour les vers ?
Qui m’a rejeté de la haute montagne
me destinant à devenir compagnon
des hommes sanguinaires et sans Dieu ?

Mon péché et ta justice, ô mon Seigneur :
Mon péché s’étend
depuis la création du monde ;
il court plus vite que ta justice.

Je compte les péchés
qui me suivent tout au long de ma vie,
de celle de mon père
et depuis le début des temps,
et je dis :
en vérité la justice du Seigneur
se nomme miséricorde.

Je porte les blessures de mes pères,
des blessures que je préparais moi-même,
alors que j’étais encore
dans le sein de mes pères,
et aujourd’hui toutes ces blessures
apparaissent sur mon âme,
comme les taches sur la peau de la girafe,
comme un manteau
fait de scorpions féroces qui me piquent.

Aie pitié de moi Seigneur,
ouvre les portes du barrage
qui retient le fleuve céleste de ta grâce,
lave-moi de la lèpre qui m’afflige,
afin que purifié de cette lèpre
je puisse proclamer ton nom
devant les autres lépreux,
sans qu’ils se moquent de moi.

Au moins relève-moi d’une tête
au-dessus du miasme pourri de ce nid de vers,
afin que je puisse respirer le parfum céleste
et revenir à la vie.
Au moins relève-moi à la hauteur
d’un palmier,
afin que je puisse rire au nez des serpents
qui s’en prennent à mes talons.

Ô Seigneur, si de toute ma vie sur terre
je n’ai engendré qu’une seule bonne action,
pour l’amour de cette seule bonne action,
délivre-moi du compagnonnage
des hommes sanguinaires et sans Dieu.
Ô Seigneur, mon espérance dans le désespoir ;
Ô Seigneur, ma force dans la faiblesse ;
Ô Seigneur, ma lumière dans les ténèbres ;
Place un seul doigt sur mon front
et je serai relevé.
Ou, si mon impureté te rebute,
laisse un seul rayon
de la lumière de ton royaume
se poser sur moi et me relever.

Relève-moi de ce nid de vers,
Ô mon Seigneur Bien-Aimé !

Traduit de la version anglaise
par Denis Marier


« Bénis mes ennemis, Seigneur »

prière de saint Nicolas Velimirovitch

Bénis mes ennemis, Seigneur ;
ainsi que moi-même je les bénis et ne les maudis pas.

Mes ennemis m’ont poussé vers toi plus que mes amis.
Car mes amis m’ont attaché à la terre,
alors que les ennemis m’ont libéré de la terre
et ils ont détruit toutes mes ambitions mondaines.
Mes ennemis ont fait de moi un étranger en ce monde
et un habitant superflu de la terre.
Ainsi qu’une proie trouve un abri plus profond que l’animal non traqué,
ainsi moi-même j’ai trouvé l’abri le plus sûr,
étant réfugié sous ton Tabernacle,
là où ni amis ni ennemis ne peuvent tuer mon âme.

Bénis mes ennemis, Seigneur,
ainsi que moi-même je bénis mes ennemis et je ne les maudis pas.

Eux, plus que moi-même, ont confessé mes péchés au monde ;
ils m’ont puni, lorsque j’hésitais à me punir moi-même ;
ils m’ont tourmenté, lorsque je cherchais à fuir les souffrances ;
ils m’ont critiqué, lorsque je me flattais ;
ils m’ont craché à la figure, lorsque j’étais arrogant.

Bénis mes ennemis, Seigneur,
ainsi que moi-même je bénis mes ennemis et je ne les maudis pas.

Quand je me croyais sage, ils m’ont appelé stupide ;
quand je me croyais puissant, ils se sont moqués de moi ;
quand je prétendais diriger les gens, ils m’ont relégué à l’arrière-plan ;
quand je m’empressais de m’enrichir, ils m’en ont empêché de main forte ;
quand je souhaitais dormir paisiblement, ils m’ont réveillé de mon sommeil ;
quand je voulais me construire une maison
pour une vie longue et tranquille,
ils l’ont démolie et m’en ont chassé.
Mes ennemis m’ont véritablement détaché de la terre
et ils ont tendu mes mains vers la frange de ton vêtement.

Bénis mes ennemis, Seigneur,
ainsi que moi-même je bénis mes ennemis et je ne les maudis pas.

Bénis-les et multiplie-les ;
multiplie-les et rends-les encore plus acharnés contre moi,
afin que ma fuite vers toi soit sans regard en arrière,
afin que toute ma confiance dans les hommes soit dispersée
comme fil d’araignée dans le vent ;
afin que la paix totale commence à régner sans partage en mon âme ;
afin qu’en mon cœur meurent mes fautes jumelles, l’arrogance et la colère ;
afin que je puisse amasser tout mon trésor dans le ciel ;
afin que je puisse être libéré de mon aveuglement,
qui m’a tant enlacé dans un effrayant tissu d’illusions.

Mes ennemis m’ont appris à connaître ce que peu savent :
nous n’avons d’autres ennemis que nous-mêmes.

Il haït ses ennemis, celui seul qui n’a pas reconnu
qu’ils ne sont pas des ennemis, mais des amis impitoyables.
Il m’est difficile à dire qui m’a fait le plus de bien ou de mal :
mes amis ou mes ennemis.

Ainsi, Seigneur, bénis et mes amis et mes ennemis.
L’esclave maudit les ennemis, car il ne comprend pas.
Mais le fils les bénit, car il comprend.
Car le fils sait que ses ennemis ne peuvent atteindre à sa vie ;
ainsi il marche libre au milieux d’eux
et il prie Dieu pour eux.

Dernière modification: 
Samedi 28 janvier 2023