Vie spirituelle

Visite virtuelle du Mont Athos : Pérégrinations d'un familier de la Sainte Montagne

Drapeau de la Sainte Montagne   Drapeau de la Sainte Montagne

La Mère de Dieu, Higoumène du Mont Athos

La Mère de Dieu,
« Higoumène du Mont Athos »


CARTE DU MONT ATHOS
LES PÉRÉGRINATIONS D’UN FAMILIER DE LA SAINTE-MONTAGNE
LES VINGT MONASTÈRES DU MONT ATHOS ET LES PRINCIPAUX SKITES
NOMBRE DE MOINES AU MONT ATHOS

LA SAINTE MONTAGNE - ΑΓΙΟΝ ΟΡΟΣ

Carte du Mont Athos

Itinéraire de Bertrand Vergely
――  bus (de Salonique)   - - - - bateau    • • • • • • à pied


LES PÉRÉGRINATIONS D’UN FAMILIER

DE LA SAINTE-MONTAGNE

par Bertrand Vergely


Visite virtuelle du Mont Athos


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La montée vers le monastère fut d’abord comme l’appel d’un « Katmandou ». Mais l’approche est devenue comme une propédeutique du désert.

Athos. Ce nom est entré tôt dans ma vie. Enfant, ma mère m’emmenait voir un ami moine, le père Sophrony. Il était russe. Il avait séjourné vingt-deux ans au mont Athos, où il était devenu le disciple du starets Silouane, l’un des plus grands saints orthodoxes du XXe siècle. Obligé de se soigner, il était revenu dans le monde. Il vivait à Sainte-Geneviève-des-Bois, dans un donjon. Ces visites étaient exquises. Ce spirituel qui fut l’ami du peintre Kandinsky faisait rayonner douceur, attention, noblesse.

Adolescent, je me rendis un jour à une conférence de Jacques Lacarrière sur le mont Athos. J’y vis des images qui devaient devenir familières. Celles du désert, cette partie rocailleuse et sèche, là où la montagne Athos domine la mer de ses deux mille mètres. Monastères venus du bout du monde, comme des confins de l’histoire. Certains, véritables forteresses médiévales surveillant la mer, telles des sentinelles vigilantes face aux incursions des pirates. D’autres, blottis dans l’intérieur des terres au milieu des champs et des forêts, comme des joyaux dans un écrin de verdure. Des ermitages aussi. Perchés sur le sommet de falaises escarpées tombant à pic dans une mer immensément bleue. Un monde dévoré de soleil et de feu. Un monde d’hommes à l’ascension du ciel. Un monde sans femmes, mais pas sans féminité, ni sans amour ni sans compassion. Témoins, les petites chapelles disséminées partout, où le voyageur exténué peut s’arrêter, boire de l’eau fraîche et apaiser la fournaise de son cœur en se laissant regarder par le visage des saints peints sur des icônes.

Une année après avoir eu mon bac, je tombai en arrêt sur un article de magazine. Entre un article sur le vin de Bourgogne et un autre sur les fines tables du Loir-et-Cher, il y était question du mont Athos, qualifié de Tibet chrétien. Les photos étaient fascinantes. C’était l’époque des chemins de Katmandou. Je compris que l’Athos serait mon pèlerinage initiatique vers l’Orient, mon Bénarès, mon fleuve sacré, ma source purificatrice.

Je rejoignis donc le nord de la Grèce, en commençant à pratiquer ce qui, depuis trente ans, est devenu mon rituel de l’arrivée. D’abord, Salonique et son atmosphère orientale. Ses grands immeubles face à la mer, son bazar annonçant la Turquie. La fraîcheur de ses grands cafés le long de la baie à l’heure de la sieste. […] La station de bus pour la Chalcidique, ce trident jeté dans la mer à 100 km à l’est de Salonique, dont la pointe nord est le mont Athos. Une pointe de 60 km de long sur 10 km de large, avec vingt monastères, dix sur sa côte sud, dix sur sa côte nord. Sublime confusion de visages, dès la cohue de la gare routière, racontant la Macédoine et l’Orient. […] Les trois heures de bus menant à Ouranopolis (la « ville du ciel «), dernier point habité par les hommes avant le territoire des moines. […] Le départ en bateau à 8 heures pour le mont Athos où l’on n’accède que par la mer. Des pèlerins. Enveloppés. Des moines. Émaciés. Les camions de blé et de bois sur le pont. Pas de cris. Des chuchotements plutôt. Dans la paix du matin et des eaux calmes, des plages désertes dominées par des collines boisées, puis le premier monastère avec son port, Zographou (en grec, « l’écriture de vie »). [carte] Monastère bulgare, enfoui sous les cyprès. Et puis, d’autres monastères, Dochiariou, Xénophontos, Pantéléimon, le grand monastère russe où séjourna Silouane.

Enfin Daphni, le port de l’Athos. Et cette impression immédiate : le Moyen Âge, mot pour dire « le souffle de la tradition ». Et ces mots d’accueil écrits sur une pancarte : « Chers pèlerins, bienvenue à la Sainte Montagne, le jardin de la Vierge. Soyez respectueux, comme notre père Moïse, qui s’est déchaussé avant d’aller parler à Dieu au sommet du mont Sinaï, car cette terre est une terre sacrée. »

Une fois atteint le port, notre voyageur choisit comme rituel du premier jour un « encerclement » corps à corps de la presqu’île sacrée.

On peut visiter l’Athos en s’arrêtant dans un monastère, afin de se laisser creuser par le silence, le repos, le rythme liturgique. On peut aussi le visiter à plusieurs en empruntant les caïques qui longent la côte, de monastère en monastère. Au fil de mes périples, une troisième voie s’est imposée à moi. Faire le tour de la presqu’île athonite à pied, un chapelet de laine à la main. Pour vivre une solitude en mouvement. Pour lier amitié avec le cosmos. L’Athos enseigne à chacun les voies de sa rencontre. Il révèle par quel lien on va lui être uni. Ce lien s’est dévoilé à moi. Un lien de feu, purifiant l’homme venu du monde de toutes ses impuretés. Un lien de pied et non de tête, laissant monter les énergies de la vie à partir de la terre. Un lien de concentration. Par la prière. Par le Verbe mille fois invoqué, « Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi, pécheur ». Invitation faite aux forces célestes, afin que la vie d’en haut vienne habiter dans la vie d’en bas. Cette vie m’a indiqué ce qui est devenu mon itinéraire.

D’abord, quitter le bateau du matin, au port de Zographou, le monastère bulgare [carte]. De là, emprunter la voie qui mène de la côte sud à la côte nord. Marcher sur un chemin séculaire, empierré de main d’homme, au milieu des fougères et des chênes verts. Persévérer jusqu’au monastère serbe de Chilandari, ce qui veut dire le monastère des mille, en souvenir des mille saints de Serbie. Goûter le calme de la cour, la beauté de son église, où reposent saints et rois de Serbie, le charme balkanique des façades rouges et blanches. Savourer l’accueil du père hôtelier, le café, le raki, le loukoum et le grand verre d’eau que celui-ci apporte à tout arrivant, sous les portraits de la famille royale de Serbie. Parler avec le père Métrophane, l’une des figures du monastère. Se souvenir que les Serbes sont patriotes. L’Église a été leur ciment. Elle leur a permis de faire face aux invasions turques, aux massacres perpétrés par les Croates et les nazis, à la dictature des communistes et de Milosevic. Puis marcher vers Esphigménou [carte], monastère des zélotes, ces orthodoxes parmi les orthodoxes. Rigoureux. Parfois subtils, comme ce moine rencontré un jour. « Vous dites que l’habit ne fait pas le moine ? Vous avez tort. Cela aide. »

Marcher d’ Esphigménou à Vatopédi, l’un des trois monastères « royaux » de l’Athos, avec la grande Lavra à l’extrême est, et Iviron sur la côte sud. Monastère imposant, pouvant recevoir 500 pèlerins. Monastère éclectique avec ses moines venus des quatre coins du monde. De Chypre. D’Amérique, d’Australie. Il faut plusieurs heures pour aller à Vatopédi. Tenir sous un soleil de plomb. Escalader des collines. Descendre dans des ravins. Emprunter le lit de torrents asséchés. Franchir d’antiques ponts romains. Entrer dans le monastère comme on entre dans un palais. Beauté des vêpres dans l’église majestueuse en fin d’après-midi, quand les cigales font un bruit assourdissant. Doxa patri, kai ghiô, kai aghiô pnevmati. « Gloire au Père et au Fils et au Saint-Esprit ». Le service est soigné. Les moines chantent superbement. Douceur du soir. Vibration apaisée de la nuit au milieu des collines noires. Juste le grelot d’une mule au loin. « Une immense bonté tombait du firmament », écrit Hugo dans Booz endormi.

Dieu s’apprend par le corps. C’est ce qu’enseigne l’Athos. Car, l’être entier qui ne se dit que par le corps est la seule voie d’accès à Dieu. Celui-ci qui est tout exige tout. Corps et âme. D’où le sens de la vie monastique. Les veilles. Les jeûnes. La prière continuelle. Il s’agit d’apprendre à se tenir en Dieu. Tout entier. Quand on s’y essaie, ne serait-ce qu’un peu, la contrepartie est magnifique. On découvre un corps nouveau. On fait corps avec tout, Dieu devient alors palpable. Il se respire. Il se mange. Il rend tout intime, car il est l’intime. Il est beauté. Saveur. Senteur. Comme le mélange de soleil, de lavande et de thym qui parfume les pierres des chemins de l’Athos.

Olivier Clément a raison. Le Christ n’est pas venu réprimer le désir, mais le transfigurer. C’est le sens de la communion. Le Christ se mange. Car il est l’intime allant dans l’intime. Il est noce de Dieu et de l’homme, du ciel et de la terre. Une noce fastueuse, que tout homme peut être amené à vivre, s’il libère son cœur. En vivant. En faisant corps avec Dieu. En n’ayant pas peur de comprendre que Dieu est noce et que la noce véritable est Dieu.

La Sainte Montagne disparaîtra-elle un jour sous les coups du tourisme et de la modernité ? Non. Car celui qui l’aime y demeure à jamais.

Durant des années, aller de Vatopédi à Stavronikita [carte], le long de la côte nord, m’a été éprouvant. Il n’y avait qu’un sentier glissant dans les sous-bois qui mettait mes pieds en feu. Un jour, à ma surprise, une route pleine de poussière remplaça le sentier. Construite par les bûcherons afin de laisser passer les camions de bois, principale ressource de certains monastères, celle-ci fait quasiment le tour de la presqu’île. Les panoramas qu’elle découvre sont splendides. La largeur de la route est parfois impressionnante. Une véritable « autoroute ». Étrange saignée dans la montagne jadis vierge.

« L’Athos que nous avons connu ne reviendra plus », me confia un jour un ami. C’est vrai. J’ai découvert, en 1972, un Athos sans routes, sans voitures, sans électricité, sans douches ni sanitaires. Un vieux bus déglingué reliait Daphni, sur la côte sud, à Karyès, dans l’intérieur des terres, la capitale du mont Athos, avec son église, ses deux cafés-épiceries sentant la saumure, la résidence du gouverneur, les ermitages abritant les représentations officielles de chaque monastère de l’Athos. Tout était long, rude et chaud. Mais quel charme !

Aujourd’hui, finis les lampes à pétrole, les sentiers de bûcheron qui vous font errer dans des clairières inconnues et les toilettes surréalistes résumées à un trou pestilentiel dominant un précipice. Finie la sueur que l’on garde cinq jours sur soi faute de savoir où se laver. Finie l’image du moine crasseux qui a tant collé à la réputation athonite. Le marcheur harassé peut prendre une douche dans une salle de bains impeccable et lire ses livres préférés de spiritualité byzantine dans une bibliothèque informatisée.

La modernité a débuté avec l’hygiène. Elle est entrée au mont Athos. Au grand dam des anciens, qui préfèrent leurs mules aux combinés Ford ou aux hors-bord de certains ermites, prêts parfois, contre monnaie sonnante et trébuchante, à transporter quelques pèlerins rechignant à la marche, afin de financer la construction de leur ermitage. La Sainte Montagne disparaîtra-t-elle un jour ? Le tourisme est plus pernicieux que les barbares.

Mais l’Athos a des alliés invisibles et des amis visibles. Il ne dit pas non aux femmes. Il dit oui à l’inviolable. Tout ne s’approprie pas. C’est ce que veut dire la chasteté. Nous en avons besoin. Elle protège le monde entier, hommes et femmes confondus. L’Athos rend un service inestimable au monde, par son retrait, par Sa prière continuelle, par sa vie sainte. Il rend palpable le fait que le monde divin est bien au monde réel et non une idée, puisqu’en lui des hommes en vivent et s’en nourrissent. Si demain, sous prétexte de « s’ouvrir au monde », sa clôture était brisée, il n’arriverait pas simplement ce qui est arrivé aux Météores, ces fantastiques monastères perchés sur des pitons rocheux au milieu de la plaine de Thessalie. On ne serait pas confronté au triste spectacle d’une vie mystique réduite à l’état de décor pour touristes nonchalants, ne comprenant plus ce qu’ils viennent voir, parce qu’il n’y a plus personne pour le vivre. La crise du monde occidental s’approfondirait encore davantage, les médiations pour faire sentir que le spirituel est réel étant désormais absentes.

Stavronikita. Ce diamant sur la côte nord, petit château fort arrimé par des coulées de béton sur un rocher en forme de radeau afin qu’il ne s’écroule pas dans la mer. L’accueil de mon ami Ambroise : « Un jour, je suis allé visiter la Sainte Montagne. J’y suis resté. Ici, les moines ne lisent pas les Pères. Ils les vivent. Il n’y a pas, d’un côté, la foi, de l’autre, la raison. Il y a la raison vivante, la vie une en Christ. »

Moi aussi, je suis resté pour toujours à l’Athos. Un jour, il devait être 14 heures, j’arrivais au port de Stavronikita. Deux moines et deux novices écaillaient du poisson fraîchement pêché. Dans le monde, on aurait bavardé durant cette tâche ménagère. Eux chantaient un hymne à la Mère de Dieu « Salut, épouse inépousée ».

L’Athos au loin se mit à rayonner de gloire et de lumière. La vie entière étincela comme un premier matin du monde. Tout homme a un jour où il dit oui au monde divin. Oui à la vie invisible. Oui à ce qui le comprend sans qu’il puisse le comprendre. J’ai dit oui.

 Fais tous les péchés du monde, mais reviens sur l’Athos. C’est l’étrange enseignement recueilli, un jour; de la bouche d’un saint ermite.

Dans la cellule du moine, il y avait une table et un siège comme on en voit dans les églises grecques, tout en hauteur avec des accoudoirs et une planche qu’on peut rabattre pour s’asseoir Si l’on ne veut pas rester debout accoudé sur sa chaise. Pas de lit. Quand il avait besoin de se coucher, il allongeait une couverture par terre.

Le but du monachisme est de vivre de la vraie vie, la vie en Christ. C’est la raison pour laquelle les moines dorment peu, trois ou quatre heures, et mangent peu. Leur repos est ailleurs. Leur nourriture aussi. Ce qui les rend très vigoureux et très toniques. Chez eux, pas de cernes sous les yeux. Des traits lisses au contraire. Quand on a l’esprit unifié, on n’est pas fatigué. Seul le désordre mental épuise.

Il existe de nombreux ermitages à l’Athos. La plupart se trouvent néanmoins dans la partie appelée le « désert » [Karoulia - carte], à l’extrême est, sous la montagne Athos, entre 500 et 1000 mètres au-dessus de la mer. Falaises abruptes plongeant dans la mer bleue. Forêt profonde. Au détour d’un chemin, ici ou là, une cabane en ciment avec sa chapelle. Un vieux moine qui vous offre un grand verre d’eau fraîche. Evloguite ! - O Kyrios ! « Bénis, père. – Que Dieu te bénisse. » Des communautés de chantres ou de peintres d’icônes. Un climat subtil. Artiste.

Y a-t-il encore des ascètes vivant dans des grottes auxquelles on n’accède que par des échelles de chaînes ? J’ai rencontré un jour un moine qui s’en allait vers l’un d’entre eux, un grand panier de tomates à la main. Il a refusé de chercher à savoir ce qu il en est de l’extraordinaire et des miracles. Les moines ne disent rien. Car, selon eux il n’y a qu’un seul miracle qui vaille : un cœur bon, humble et compatissant.

Pourtant un jour j’ai rencontré les « grands ». Les saints. Ceux dont on parle comme de légendes vivantes. Ceux que l’on vient voir comme on venait voir saint Séraphin de Sarov du temps de la Sainte Russie. Ceux au contact desquels on rencontre pour un instant la vie divine. Des pèlerins grecs, sur la route, me dirent : « Venez avec nous, nous allons voir papa Éphrem. » Vingt minutes plus tard, je mangeais des noisettes en buvant de l’eau avec un bon vieillard rieur, tout blanc et tout simple. « Quand le père Éphrem dit sa liturgie, me confiera plus tard mon ami Macaire de Simonos Pétra [auteur du Synaxaire, Vie des saints de l’Église orthodoxe], les anges descendent du ciel pour venir la dire avec lui ». À la Sainte Montagne, ce n’est pas une image. Parfois, ce ne sont pas les anges qui descendent du ciel, mais les démons qui remontent de l’enfer. Le combat spirituel a lieu chaque jour. Il arrive parfois que l’on entende un moine crier sa peur dans la nuit.

J’ai rencontré aussi Paissios. Petit homme frêle, venu du fond de l’Anatolie, en Turquie. On ne voyait pas le blanc de ses yeux, ceux-ci étaient profonds comme des galaxies. J’ai cru que c’était le jardinier du monastère, tant il était simple et humble. Chaque samedi, il sortait de son ermitage pour se rendre à la liturgie. Il se mettait dans le fond de l’église, communiait, puis repartait pour la semaine vers sa cellule où, parfois, l’attendaient des dizaines de visiteurs. Quand tel ou tel lui demandait de prier pour la réussite de tel examen ou de telle affaire, il priait mais il ajoutait : « Pourquoi te contentes-tu de si peu ? »

Paissios ne m’a dit qu’une seule chose « Fais tous les péchés du monde, mais n’oublie pas de venir au mont Athos ». Paroles énigmatiques. Paroles humoristiques. Pour dire qu’il fallait être ni étriqué ni oublieux de la vie divine ? « Dieu pardonnera tous les péchés sauf un seul. Oublier que l’homme est d’essence royale. « C’est ce que dit la Bible. C’est pour cela sans doute aussi que vivent les moines. Quand on est d’essence royale, on se dépouille de tout ce qui n’est pas royal.

 Appelé à la divinité, l’homme est par nature sensible à la beauté. Une dimension à laquelle la tradition orthodoxe donne toute sa place.

La vie monastique orthodoxe est simple. Tout est fait pour qu’elle le devienne et qu’elle le reste. D’abord, grâce au sens même du mot moine. En grec, monachos. Le monos. L’ « un ». Moine ne veut pas dire solitaire mais unifié. Alors que l’homme divisé ne sait pas choisir entre l’homme et Dieu qu’il tend à opposer, l’homme unifié vit ensemble l’humain et le divin, à l’image du Christ, homme et Dieu à la fois. « Pas plus homme que Dieu ni plus Dieu qu’homme, me dira un jour l’higoumène Basile, mais autant homme que Dieu et Dieu qu’homme. »

L’humanité est appelée à la divinité. Cela veut dire non pas sacrifier son humanité, mais la part de soi qui vit sans Dieu, afin de vivre une totalité inouïe, celle du rassemblement de la vie, de la terre jusqu’au ciel, de l’humain jusqu’au divin. Le beau n’est pas là pour flatter esthétiquement le goût des hommes. Il est là pour apporter une connaissance ontologique vivante, en faisant se rencontrer le sensible de la terre et l’extraordinaire du ciel. Ce que la beauté réalise en étant le point de rencontre entre le sensible et l’extraordinaire, sous la forme d’un « sensible extraordinaire » et d’un « extraordinaire sensible.

L’esprit de l’Orthodoxie réside tout entier dans une initiation à la beauté ; celle-ci se réalise dans la vie liturgique. Ainsi, l’église comme bâtiment transfigure l’espace ; la liturgie, le temps de la personne et sa vie ; les icônes, les yeux ; les chants, les oreilles ; l’encens, le nez ; l’huile, la peau et les organes ; et la communion avec le Christ, le corps intime allant jusqu’au corps inconscient dans lequel réside le corps « surconscient » de chacun, que la tradition appelle le « corps glorieux ».

Tout ce qui est extraordinaire a pour but de devenir sensible. Tout ce qui est sensible a pour but de devenir extraordinaire. Cela explique bien des choses. Pourquoi la vie liturgique est si belle et si longue à la fois. Pourquoi aussi le recueil de l’enseignement des Pères sur la vie ascétique s’intitule Philocalie, « amour de la beauté ». Pourquoi, enfin, tout est si charnel, si délicatement « érotique « du fait d’un éros ineffable, venu d’ailleurs. C’est la raison pour laquelle, en tout cas, la vie du moine n’est pas une fuite, mais une œuvre qui concerne l’humanité entière. […]

Quand un moine prie, il ne fait pas « sa « spiritualité. Il s’efforce de se mettre à la hauteur de « la « spiritualité. Pour la plus grande grâce de tous. Car, quand il y parvient, il réalise ce que le Christ est venu réaliser dans le monde. Réconcilier Dieu et l’homme. Et donc changer la nature humaine. Un moine travaille sur l’être, l’être divin travaillant sur lui. Doucement. Dans l’intime. Si plus personne ne priait dans la solitude, la nature divine de l’humanité ne trouverait plus à s’incarner. Nous serions encore plus pauvres que nous ne le sommes. Le moine qui prie donne, de ce fait, à foison aux démunis ontologiques que nous sommes.

Il arrive que des chrétiens ne le comprennent plus. Ils pensent que l’Église ferait faire des progrès à l’humanité en priant moins et en agissant plus auprès des pauvres. C’est oublier qu’il n’y a pas que la pauvreté économique La misère morale, ontologique et spirituelle existe aussi. C’est faire l’erreur de vouloir mettre l’Église dans le monde et non le monde dans l’Église. Le mont Athos est donc bien à sa place, quand il laisse venir le monde à lui au lieu d’aller vers le monde. Faisant entrer le monde dans la beauté, il redonne sa couronne au monde. 

Sur les pentes de l’Athos, on vient acquérir la paix du cœur. Et laisser cette paix traverser la vie et le monde, en allant là où elle l’a décidé.

Le mont Athos, sous sa forme chrétienne, est apparu au Xe siècle après Jésus-Christ, lorsque saint Athanase a fondé le monastère de la grande Lavra. La Sainte Montagne a toujours attiré les spirituels. Déjà, durant l’Antiquité, des gymnosophistes, ces yogis grecs, s’y retiraient afin de méditer sur ses pentes boisées. Plutarque en parle. Puis, des petites communautés de moines chrétiens s’y installèrent, avant qu’Athanase ne vienne leur donner une organisation originale. L’Athos a connu toutes les vicissitudes de l’histoire. Tous ses retournements imprévisibles. Au XVIIIe siècle, les Turcs expulsèrent les moines qui s’y trouvaient. Les églises furent transformées en écuries. Au XIXe siècle, avec l’indépendance grecque, l’Athos s’est à nouveau rempli. À Pantéléimon, le grand monastère russe situé près de Daphni, port officiel, on a compté jusqu’à trois mille moines. Des caravanes de pèlerins reliaient la Russie à l’Athos. […]

La route allant de Stavronikita à Prodromos [grand skite roumain] est somptueuse [carte]. Elle longe une côte sauvage en passant par de grands monastères : Iviron, Philothéou, Karakalu, Lavra. Sur une plage, fièrement dressée, une tour génoise. Vestige de la présence de moines catholiques jusqu’au XIIIe siècle. Non loin, un pont romain, une voie romaine, que plus personne n’emprunte. Une source d’eau qu’Athanase aurait fait jaillir.

Celui-ci a vécu à dix minutes de Prodromos, dans le lieu le plus stupéfiant qui soit. Une grotte située entre ciel et mer, à deux cents mètres au-dessus des flots. On y accède par un escalier de trois cents marches taillé dans la roche. L’endroit est vertigineux. Tout est accroché sur une paroi verticale. Il y a tout juste de la place pour une plate-forme à l’entrée de la grotte, qui se trouve au milieu de la paroi. Celle-ci supporte une minuscule cabane ainsi qu’une chapelle. L’autel a été creusé dans la montagne. Trois crânes veillent à l’entrée. Le silence qui règne dans cette église à moitié troglodytique, suspendue au-dessus d’une mer plombée par le soleil, est impressionnant. Il emmène au cœur de soi-même.

Des générations de moines ont entretenu un dialogue infini avec Dieu ainsi qu’avec l’horizon, dans ce précipice que le cri d’une mouette perdue rend parfois effrayant. Je pense à saint Grégoire Palamas. Il a vécu non loin. Au-dessus de Lavra. C’est là qu’il a composé ses Triades pour la défense des saints hésychastes. Vision géniale du christianisme que l’on ignore tant. Attitude intérieure. Tranquillité d’âme. Celle-ci est plus profonde que la foi. Car elle en est le signe lumineux. On ne peut pas être chrétien et inquiet. « Christ est ressuscité ! Que peut-il vous arriver ? ». Parole du père Pétronios. D’où le sens du monachisme et de la vie en Christ. Acquérir la paix du cœur en racontant à chacune des cellules de son corps que le Christ a vaincu la mort. Et laisser cette paix traverser la vie et le monde, en allant là où elle a décidé de nous emmener.

Devenir un homme calme qui pacifie les cœurs par sa lumière intérieure. Accomplir ainsi le programme que la liturgie nous propose, lorsque dans la profondeur du chant qui précède la présentation du saint calice, il est dit : « Nous qui mystiquement représentons les chérubins, déposons tous les soucis du monde ».

À la fin, il n’y aura qu’un chant. Le chant infini de la vie enchantée. Entre les deux, il y a le chant d’Athanase et des moines de Simonos Pétra.

Avec ses grandes façades blanches et ses six étages de balcons en bois surplombant un ravin couvert de garrigues plongeant dans une mer frissonnant quatre cents mètres plus bas, Simonos Pétra ressemble au Potala [palais des Dalaï-Lama] qui domine Lhassa, la capitale du Tibet.

Une légende veut que deux moines, Simon et Pierre, cherchant à bâtir un monastère, se soient arrêtés un soir sur un piton rocheux défiant la mer. Ils n’avaient qu’une carafe d’eau et des loukoums pour le dîner. Est-ce la fatigue ? La carafe se renversa et l’eau avec. Ils allaient devoir affronter la soif toute la nuit. C’était compter sans la divine providence. Lorsqu’ils ramassèrent la carafe, elle était pleine d’eau. Ils comprirent le message. Là où l’eau ne se renverse pas, l’esprit n’est pas renversé. Ils débutèrent, le lendemain, la construction du futur monastère.

Chaque année, je quitte Prodromos au lever du jour, afin de me rendre à Simonos Pétra [carte]. La journée va être rude, le soleil accablant. Il faut partir tôt. J’arriverai au monastère vers quatre heures. Mon ami Macaire m’accueillera. La vie parlera d’ombre et de fraîcheur, d’amitié et d’hospitalité. En attendant, cela aura été la fournaise dans des sentiers transformés en tunnels de chaleur suffocante, où il n’est pas possible de poser une main sur une pierre sans se brûler.

J’aurai marché dans la forêt, entre Prodromos et Sainte-Anne, la capitale des ermites et des ascètes. « Evloguite ! O kyrios ! Apo pou ? (D’où viens-tu ?) Gallia ! (France !). Orthodoxos ? Il y a des orthodoxes en France ? » La rencontre aura été brève. Presque furtive. Mais intense. Lui, sur sa mule. Venant d’on ne sait où, pour aller on ne sait où. La force tranquille. La vraie. « Adieu, Père. « Kalo taxidi. (Bon voyage) ».

Sainte-Anne est au milieu des pins et des crottes de mule. L’église y est belle comme une âme profonde. Les jours de fête, le sol est jonché de lauriers roses. L’air embaume le basilic, la fleur qui, dit-on, poussa aux pieds de la croix du Christ. Descendre vers Saint-Paul. Remonter vers Dionysiou. Redescendre vers Grigoriou. Remonter vers Simonos Pétra. À certains moments, il fait autour de cinquante degrés. La montagne n’est plus que feu et lumière. Simonos Pétra m’attend. Je pense à Émilianos, son higoumène, un prince de l’Église. « Une colonne allant de la mer jusqu’au ciel », telle fut la vision d’un saint ascète qui demanda un jour à Dieu : « Qui est Émilianos ? »

Athanase est le meilleur chantre de l’Athos. Quand il est devenu moine à Simonos Pétra, son père l’a suivi. Celui-ci s’appelle désormais le père Galaktion, Galatée. Sa mère et sa sœur sont devenues moniales à leur tour. À Ormilia. Dans le plus pur style de la tradition byzantine. Il était courant que les rois se fassent moines et que les couples, après avoir éduqué leurs enfants, finissent leur vie au monastère. Le soir, durant les vêpres, lorsque Athanase entonne les Kyrie eleison qui répondent aux invocations du diacre devant l’iconostase, pour le salut du monde, j’oublie mes dix heures de marche. Je vole.

Il n’y a pas un, mais deux chœurs, qui se répondent de part et d’autre de l’église. Entre les deux, le moine chargé du bon ordonnancement des vêpres fait un aller-retour continuel, un livre de chants à la main. Tout est ainsi balancement. Écho infini. Ressassement éternel d’une vague sonore peignant les rivages de la vie.

Au commencement était le chant infini de la vie enchantée. Et à la fin, il n’y aura qu un chant. Le chant infini de la vie enchantée. Entre les deux, comme une mémoire des origines et comme une préfiguration des temps à venir, il y a le chant d’Athanase et des moines de Simonos Pétra. Pour la première fois, je comprends le mot de fraternité. Mieux qu’une équipe. Plus que des amis. Une énergie. L’éclat d’une humanité neuve. L’élan d’un monde enfin réconcilié.

L’humanité est invitée à collaborer avec Dieu. Cette collaboration, la liturgie, fait de chacun de nous un coparticipant aux énergies divines.

Une agrypnie est une fête qui dure toute la nuit, de 8 heures le soir au matin à 10 heures. C’est un temps durant lequel on ne dort pas. Agripnia veut dire en grec « absence de sommeil ». Cette fête a lieu pour commémorer le saint patron ou la sainte patronne d’un monastère, pour célébrer les grandes fêtes de l’année (la Nativité, la Résurrection, la Pentecôte, la Dormition de la Vierge) ou pour honorer tel saint ou sainte, dont les reliques sont conservées derrière le saint autel. Superbe symbolique consistant à fonder l’Église, corps des vivants, sur les os des saints, corps sanctifiés.

Les meilleurs chantres de la Sainte Montagne s’y rendent, par petites délégations de moines, venus par bateau, par mule ou à pied. Un jour, en arrivant à la skite de Sainte-Anne, j’ai vu un écriteau sur le portail fermé, avec juste ces mots : « Nous sommes tous à la fête de saint Paul. » […]

Le début d’une agrypnie est toujours impressionnant. Durant une demi-heure, les moines chantent une salutation à la Mère de Dieu, en se répondant de chœur en chœur dans l’église bondée. Khairé ! Khairé ! (Salut ! Salut !) Au milieu de la nuit, l’intensité croît encore, quand commencent les Terirem, qui peuvent durer une heure, sous les lustres qui se balancent, en souvenir de la danse du roi David devant. les Tables de la Loi. Les « Terirem » désignent le chant que la Vierge chantait, dit-on, en berçant le Christ. Ceux-ci ne veulent pas dire autre chose que « la, la, la ». Grâce à eux, on passe aisément le cap des deux heures du matin. On peut aller dormir, bien sûr, quand on veut. Ou s’étendre dehors sous les fenêtres ouvertes de l’église laissant passer le chant des moines, tandis qu’au loin la lune sereine tresse un chemin de lumière sur les eaux calmes et sombres de la mer.

À la fin d’une agrypnie, après la liturgie épiscopale du matin, tout le monde a une belle lumière dans les yeux. On se sent pour quelques instants cet « homme aux semelles de vent », dont parlait Verlaine pour désigner Rimbaud. Légèreté de tels instants.

Chacun possède en lui une énergie qu’il ne soupçonne pas. Notre corps, on le sait, récapitule l’évolution qui, elle-même, contient l’énergie primordiale d’où tout est né il y a des milliards d’années. On ne sait pas cependant délivrer cette énergie. Le banquet mystique qu’est une agrypnie y parvient. En se laissant porter par une nuit de chant, le temps s’abolit. La subjectivité impatiente se dissout pour faire place à ce qui n’a ni début ni fin l’éternité. Ce pour quoi nous sommes faits, ce à quoi le Christ nous a initiés et que la patristique a magistralement compris peut commencer à se réaliser faire ressortir sur un plan surconscient la vie inconsciente que nous possédons en nous.

L’humanité est invitée à collaborer avec Dieu. Cette collaboration porte le beau nom de liturgie. Œuvre commune, la liturgie réalise ce programme. Elle fait de chacun un coparticipant aux énergies divines, dont le devenir s’actualise au cours de son déroulement. D’où l’importance de la vie liturgique. Celle-ci est une science. « La » science. Chacun y est dénoué, délivré de tous ses blocages intérieurs, afin d’être relié à sa dimension royale et divine.

De l’extérieur à l’intérieur et de l’intérieur au supérieur, disaient les médiévaux, pour résumer ce que la sagesse veut dire. Une transformation. C’est ce qu’une liturgie réalise. Une « metanoïa ». Un retournement de l’intelligence conduisant à la surintelligence. Et avec ce retournement, la révélation d’une nouvelle inouïe. Le monde n’est ni vide ni muet. Il est vivant et cette vie est une liturgie.

Sur l’Athos, la notion de liturgie cosmique n’est plus une idée, mais une réalité. On a envie de se redresser. De vivre debout.

Simonos Pétra donne l’impression d’être un grand monastère. En fait, tout est resserré. Si bien que l’on peut entendre le chœur des moines dans l’église de sa cellule. À cinq heures du matin, cela est saisissant. Le chant devient un cierge qui veille dans la nuit. Un vent glacial souffle sur les balcons. Cela contraste avec la fournaise du jour. L’Athos se détache au loin, impassible dans la brume du matin. Un moine bat la simandre, le son résonne dans toute la montagne. La notion de liturgie cosmique n’est plus une idée, mais une réalité. La tenue des prêtres dans l’église a quelque chose d’admirable. La droiture des âmes se lit dans la droiture des corps. L’homme verticalisé est lui aussi une réalité.

« Qu’un homme se lève et des centaines se lèveront autour de lui. » Cette vérité devient palpable. On a envie de se redresser. De vivre debout. L’homme noble dont parle Maître Eckhart, parle à l’homme noble qui se trouve dans le cœur de chacun. Il est réveillé par la retenue (en grec nepsis), cette tenue dans la tenue qui libère l’énergie profonde que chacun possède en lui, en la rassemblant. Il s’agit là de l’œuvre de la prière. Celui qui prie est un ouvrier du ciel.

« Oui, car le christianisme n’est pas une religion, mais la vérité ». Parole de l’higoumène Basile. Pour dire que le Christ, Dieu en acte, Dieu vivant, n’est pas un personnage historique fondateur d’un mouvement spirituel, mais le fond de toute réalité.

On sait que l’univers est un grand cerveau organisateur. On sait moins que la conscience est surconscience, éveil au plan supérieur de la source et de l’accomplissement, de l’alpha et de l’oméga. Le Christ fut cette surconscience manifestée. Il l’est encore. Pour chacun. Pour toute chose.

Le jour s’est levé. La Sainte Montagne est inondée de paix et de douce lumière. Le père hôtelier a servi des cafés et de l’eau fraîche. Sur un balcon, face à la mer, derniers échanges avec Macaire. Nous sommes d’accord. Ce n’est pas l’Église qu’il faut ouvrir. Elle l’est. C’est le monde. Je quitte le monastère nourri. Débordant. Sensation de danser sur les nuages. La route en lacets qui va de Simonos Pétra à Daphni est fraîche [carte]. Arrivé à Daphni, il est savoureux de boire une bière glacée. Mais ce geste alourdit déjà. On revient vite dans le monde. Trop vite...

Il est midi. Le bateau arrive d’Ouranopolis. Une grande barge à fond plat. Une horde de pèlerins en descend, au milieu de moines qui se saluent, de camions de bois, de ciment ou de blé. Les partants croisent les arrivants. Dans une semaine, ils seront à leur tour allégés. Les sentiers brûlants et la prière dans les églises sombres et fraîches les auront épurés, affûtés. Ils connaîtront eux aussi la joie de l’homme verticalisé, l’ineffable douceur de l’homme de lumière.

Le monde ne sera plus un obstacle. Ils en comprendront le sens. Il faut qu’il y ait un monde, une vie visible, tout ce qui existe et qui fait notre quotidien. Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu, souligne Irénée de Lyon. Il a voulu que l’invisible devienne visible et son projet est que le visible accède au métavisible.

La corne du bateau retentit pour appeler les retardataires. L’année dernière, des dauphins ont accompagné le retour de leur danse. Cette année, peut-être... ? La Sainte Montagne disparaît peu à peu dans la brume de chaleur qui monte. La journée promet d’être ardente. Le pont est calme. Chacun emporte avec lui un peu d’hésychia, de douce tranquillité. Je repense aux derniers mots de Macaire : « La vie du moine est une vie angélique. La vie du monde à venir. On priera pour toi, et pour le monde. Tou chronou (À l’année prochaine). Kalo cheimôna (Bon hiver). »

Supplément au SOP no 270, 2002.
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LES VINGT MONASTÈRES DU MONT ATHOS
ET LES PRINCIPAUX SKITES

 

MONASTÈRE / SKITE

DATE DE FONDATION

 LANGUE

FÊTE

Grande Laure (Lavra) 963 Grec S. Athanase l'Athonite
  - 5 juillet
     Saint Jean Baptiste   Roumain  
     Kavsokalyvia   Grec  
     Sainte Anne Majeure   Grec  
     Saint Anne Mineure
 
  Grec  
Iviron 976 Grec Dormition
 - 15 août
     Saint Jean Baptiste
 
  Grec  
Vatopédi après 972 Grec Annonciation
 - 25 mars
     Saint Dimitrios   Grec  
     Saint André ou Serrai
 
  Grec  
Philotheou avant 992 Grec Annonciation
 - 25 mars
Xeropotamou c. 1030 Grec 40 Martyrs de Sébaste
 - 9 mars
Esphigménou début XIe s. Grec Ascension
Dochiariou avant 1046 Grec Archanges Michel et Gabriel
 - 8 novembre
Saint Paul c. 1050 Grec Présentation au Temple
 - 2 février
     Saint Dimitrios
    ou Lakkoskete
  Roumain  
     Nouveau Skite
 
     
Karakalou c. 1070 Grec Ss Pierre et Paul
 - 29 juin
Xenophontos c. 1070 Grec S. Georges
 - 23 avril
     Annonciation
 
  Grec  
Konstamonitou c. 1086 Grec S. Étienne
 - 27 décembre
Koutloumousiou 1081-1118 Grec Transfiguration
 - 6 août
     Saint Pantéleimon
 
  Grec  
Saint Pantéleimon avant 1169 Russe/slavon S. Pantéleimon
 - 27 juillet
     Bogoroditsa
      (Mère de Dieu)
 
  Russe/slavon  
Chilandari 1197 Serbe/slavon Présentation de la Vierge Marie
 - 21 novembre
Zographou c. 1270 Bulgare/
slavon
S. Georges
 - 23 avril
Pantokrator avant 1363 Grec Transfiguration
 - 6 août
     Prophète Élie
 
  Grec  
Simonos Pétra 1363 Grec Nativité du Christ
 - 25 décembre
Dionysiou 1375 Grec S. Jean Baptiste
 - 24 juin
Grigoriou 1341-91 Grec S. Nicholas
 - 6 décembre
Stavronikita 1541 Grec S. Nicholas
 - 6 décembre

 


NOMBRE DE MOINES AU MONT ATHOS

Différentes sources donnent de chiffres différents pour le nombre total de moines au Mont Athos, surtout dans les dix dernières années. Le nombre de moines a certainement baissé dramatiquement au cours de la première moitié du XXe siècle, pour atteindre le creux de la vague en 1971, à l'époque où certains prédisaient la disparition du monachisme vivant de la Sainte Montagne. Depuis, le nombre de moines ne cesse d'augmenter :


ANNÉE MOINES
1903 7 432
1913 6 345
1971 1 145
1972 1 146
1984 1 555
2001 2 276

Pour plus d'informations sur les moines du Mont Athos, voir l'article de Georgios I. Mantzaridis, "Athonite Monasticism at the Dawn of the Second Millennium". Source : http://www.culture.gr/2/21/218/e21813.html (et ailleurs sur internet).


Dernière modification: 
Samedi 1 avril 2023