Présentation au Temple de la Vierge Marie - Icône de la fête
École crétoise
XVe - XVII siècle
Léonide Ouspensky et Vladimir Lossky
Léonide Ouspensky et Vladimir Lossky
La Présentation de la Mère de Dieu au Temple
La Présentation ou Entrée de la Mère de Dieu au Temple (21 novembre) n'est pas une des plus anciennes fêtes de l'Église. Néanmoins, elle existait déjà à la fin du VIIe siècle, puisque saint André de Crète l'avait connue à Jérusalem à cette époque. Elle fut introduite à Constantinople, semble-t-il, un siècle plus tard, sous le patriarche saint Taraise. Elle ne fut adoptée en Occident qu'à l'époque du pape Grégoire XI qui la célébra pour la première fois à Avignon en 1374.
Comme la fête de la Nativité de la Mère de Dieu, celle de la Présentation au Temple a été créée par la Tradition de l'Église qui utilisa les apocryphes pour faire ressortir ici en la personne de la Vierge choisie se consacrant au service de Dieu - " l'accomplissement de l'économie du Créateur». Le mystère de cette fête mariale que l'on peut comparer à la Dormition, nous mène au Trésor même de la Tradition; l'Église rompt le silence des Écritures et nous montre les voies incompréhensibles de la Providence, qui prépare le réceptacle du Verbe; " la Mère prédestinée avant tous les siècles », " annoncée par les Prophètes », introduite aujourd'hui dans le Saint des saints comme un " Trésor caché de la Gloire de Dieu ».
Le thème du Temple est développé dans la liturgie et l'iconographie de la Présentation. C'est le temple rebâti par Zorobabel, moins glorieux que celui de Salomon. La tradition rabbinique nous dit : " Cinq choses qui existaient dans le premier temple ont disparu dans le deuxième : le Feu du Ciel, l'Huile d'onction, l'Arche d'alliance, le Saint-Esprit, l'Urim et le Thummim1. » Le Saint-Esprit abandonne le Temple pour parler par les prophètes. Mais Il donnera au Temple de la loi une gloire incomparablement plus grande que celle de l'ancienne alliance, en introduisant dans le Saint des saints la Vierge qui donnera naissance à " Jésus, devenu pour l'éternité grand prêtre selon l'ordre de Melchisedech » (He 20).
Celui qui accueille la Vierge sainte, le prêtre Zacharie, le futur père du Précurseur, unit en sa personne les deux traditions - sacerdotale et prophétique. S'il permet à la Vierge, contrairement à la loi, d'aller au-delà du second voile, c'est qu'il voit en elle la nouvelle arche d'alliance " l'Arche vivante ». " À l'entrée de la Mère de Dieu, les anges s'étonnèrent : "comment la Vierge entre-t-elle dans le Saint des saints ? " » (Vêpres, stichère du ton 4, 9e ode du canon) : le projet divin de l'Incarnation reste incompréhensible " aux principautés et aux puissances célestes » qui ne connaîtront que par le moyen de la Croix " le mystère caché depuis les siècles en Dieu » (Ep 3, 9-10). C'est la préparation secrète de l'humanité du Christ : dans le Temple de Jérusalem, la Vierge choisie va se préparer à devenir plus tard " le Temple de son Corps », qui sera détruit et ressuscitera le troisième jour. Le thème du Temple, dans la fête de la Présentation de la Mère de Dieu, nous fait entrevoir celui de l'Église - Corps du Christ. Assimiler la Mère de Dieu à l'Arche d'alliance donne un sens marial au verset du psaume 84, chanté aux Vêpres de la Dormition :
« Lève-Toi, Seigneur, pour entrer dans ton repos, Toi et l'Arche de ta sainteté. » Nombreux sont ceux qui, depuis Origène, ont utilisé le symbolisme qui compare les trois parties du Temple aux trois degrés de la vie spirituelle - purification, illumination, union - auxquels correspondent les trois livres de Salomon : Proverbes, Ecclésiaste, Cantique des cantiques. La cour du Temple correspond à la vie active, dont le but est d'acquérir la libération des passions. Le voile du « Saint » (la seconde partie du Temple) ouvre la voie de la « contemplation naturelle », connaissance de Dieu dans la création, le « Saint des saints » correspond à la contemplation proprement dite, ou connaissance de Dieu dans le Logos2. Nous retrouvons les trois parties du Temple dans l'iconographie de la Présentation de la Mère de Dieu. Ainsi, dans notre icône, la scène se déroule dans la cour intérieure du Temple, près de l'entrée du« Saint ». Le prêtre Zacharie, revêtu de ses ornements sacerdotaux, se tient devant le voile du " Saint », sur la première marche de l'escalier (les quinze marches du Temple, qui correspondent aux quinze " Psaumes des montées »). Au-dessous, la Vierge, étendant les bras vers Zacharie, commence à monter les marches qui mènent au Saint des saints. On la voit de nouveau, ayant déjà atteint le sommet, assise sur la plus haute marche, près de la porte du Saint des saints où un ange vient lui porter assistance. C'est le degré de la contemplation, le « pré-engagement avec Dieu », le point de départ du chemin de l'union durant lequel la Vierge sera " nourrie du pain du ciel ». La Vierge, représentée deux fois sur notre icône, ne ressemble en rien à une enfant, malgré sa petite taille qui indique sa jeunesse (elle a trois ans). Elle est déjà une personne accomplie : la Mère de Dieu, vêtue du maphorion, telle qu'elle apparaît, par exemple, dans les icones de l'Annonciation. D'ailleurs, saint Grégoire de Nysse dit que le Cantique des cantiques correspond à la maturité spirituelle - l'âge de la vie contemplative " qui introduit l'âme clans les sanctuaires divins(3)».
Derrière la Vierge, au centre de la cour, saint Joachim et sainte Anne avancent vers le prêtre Zacharie, lui présentant leur Fille. Ils sont suivis de jeunes filles, qui " avec des cierges à la main » (Vêpres, stichère du ton 1) accompagnent la Vierge consacrée à Dieu. À la différence de sainte Anne et de la Mère de Dieu, elles sont tête nue. Sur notre icône, une seule des filles a le même âge que la Vierge, mais avec un aspect enfantin en accord avec sa petite taille(4). L'arrière-plan représente les bâtiments du Temple. Il est curieux de noter que le Saint des saints est représenté comme une église russe avec des coupoles en forme de bulbe.
1. Cantique des cantiques; Rabba 8, dans H. L. STRACK et P. BILLERBECK, Kommentar zum Neuen Testament aus Talmud und Midrasch, vol. II, p. 133.
2. ORIGÈNE : Sur le Psaume 17 7, P. G. 12, col. 1581
3. Commentaire du Cantique des cantiques. P. G. ++. col. 768 A et 772 A.
4. Selon un manuel d'iconographie publié à Noygorod au XVI siècle, sept vierges devaient précéder Joachim et Anne, les autres restant derrière eux.
Source : Léonide Ouspensky et Vladimir Lossky,
Le Sens des icônes, Paris, Le Cerf, 2004, pp. 141-143.
Cette fête de la Présentation de Marie au Temple est tardive dans l’histoire. Ce n’est qu’au 8e siècle qu’elle est introduite dans l’Église. L’origine de cette fête est le Protévangile de Jacques où au chapitre VII est décrit l’entrée au Temple de Marie accompagnée de ses parents Anne et Joachim. Rappelons que cet écrit est un apocryphe du IIe siècle, non retenu dans le canon des Écritures Saintes. D’ailleurs, les Évangiles ne font aucune référence à cet épisode de la vie de Marie.
Description de l’icône de Novgorod
L’icône traduit la scène telle que décrite dans l’écrit apocryphe: l’enfant, âgée de trois ans, est représentée comme une adulte par son habillement, seule sa taille fait référence à son jeune âge. Anne et Joachim, entourés de vierges, accompagnent la petite Marie vers le Temple et la présentent au grand prêtre, souvent identifié à Zacharie, celui qui deviendra le père de Jean le Baptiste. Les cierges portés par les vierges figurent par avance la lumière qui sortira de Marie et illuminera les ténèbres.
Saint Jean Damascène écrit en s’adressant à Marie:
Ce n’est pas pour vous que vous êtes née; vous avez reçu la vie pour concourir au salut de l’univers et réaliser avec Dieu l’éternel décret de l’Incarnation du Verbe.
Une préparation à la Nativité de Jésus
Le sens spirituel de cette fête est en lien intime avec la Nativité de Jésus que nous célébrons à Noël. D’ailleurs, lorsque la fête de la Présentation de Marie au Temple fut introduite au 8e siècle, elle a été placée délibérément au début du carême de la Fête de la Nativité de Jésus en guise d’ouverture et de préparation. En approfondissant la signification de ce lien entre les deux fêtes, nous nous ouvrons davantage à ce grand mystère de l’Incarnation et à ses répercussions dans nos vies aujourd’hui.
Pourquoi la Tradition a-t-elle conservé cette fête?
Un élément de réponse est la relation entre Marie, la Mère de Dieu, et le Temple de Jérusalem car Celui à qui elle donnera naissance est le Temple vivant du Père. Jésus lui-même s’est identifié au Temple lorsqu’il a dit: “Démolissez ce temple et en trois jours je le relèverai” (Jn 2,19). Celle de qui naîtra le Fils de Dieu entre donc dans le Temple de Jérusalem pour devenir également un temple. Elle se prépare à recevoir le Mystère du véritable Temple en elle, mystère de la Présence divine qui deviendra humaine en sa chair.
Pour nous également, toute rencontre avec Jésus demande une préparation. Une mise à l’écart est nécessaire pour que l’Esprit Saint, qui a besoin d’un espace silencieux, puisse nous révéler la Présence du Dieu-Trinité dans notre temple intérieur. “Si quelqu’un m’aime, nous promet Jésus, il observera ma parole et mon Père l’aimera; nous viendrons à lui et nous établirons en lui notre demeure” (Jn 14,23).
Source : https://reclusesmiss.org/wp/presentation-de-marie-au-temple/