Foi orthodoxe

Introduction à la foi orthodoxe

Commentaire du Symbole de Nicée-Constantinople

par le père Lev Gillet « Un Moine de l'Église d'Orient »


Christ en Gloire (Andrei Roublev)

Christ en Gloire
Andrei Roublev - École de Moscou, XVe siècle

Publié dans La Voie : Bulletin de la Communauté orthodoxe française, Paris, 1930.

Nous espérons rendre service à un certain nombre de lecteurs en consacrant toute cette livraison de la Voie (Bulletin de la Communauté orthodoxe française) à une catéchèse élémentaire ayant pour base la confession de foi dite " de Nicée- Constantinople ", à cause des conciles qui en ont arrêté les termes que nous chantons à chaque Liturgie dans nos églises. Nous avons évité le plus possible le langage technique et la discussion théologique. On voudra bien se rappeler qu’il ne s’agit ici qu’une introduction très sommaire à la foi orthodoxe. [Préface de l'auteur.]


JE CROIS EN UN SEUL DIEU, LE PÈRE TOUT-PUISSANT,
CRÉATEUR DU CIEL ET DE LA TERRE,
ET DE TOUTES LES CHOSES VISIBLES ET INVISIBLES.

Nous confessons qu’il y a un principe immatériel et infini, source et plénitude de l’être, et ce principe nous l’appelons Dieu. Je suis celui qui suis (Ex 3,14). Je suis l’alpha et l’oméga, le premier et le dernier (Ap 1,8;18). Source et plénitude de l’être, Dieu est aussi la source et la plénitude de toute perfection morale, et, comme toute perfection aboutit à l’amour, c’est en termes d’amour que nous pouvons le mieux concevoir Dieu : Dieu est amour (1 Jn 4,16). Personne n’a jamais vu Dieu ; si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous (1 Jn 4,12). Il ne faut donc pas concevoir Dieu comme une sorte d’homme ou de surhomme, mais comme un principe spirituel, comme l’Amour infini.

Dieu a créé « le ciel et la terre », c’est-à-dire l’univers entier, tout ce qui existe. Créer doit être pris ici dans un sens tout spirituel et spécial. La matière, la vie, l’esprit sont des formes de l’être ; c’est de l’être communiqué, donné par Dieu, lequel est la source de tout être. La création par Dieu n’est pas une sorte de fabrication matérielle : elle est un acte intérieur de Dieu, elle se passe dans la conscience divine. Nous sommes en Dieu sans nous confondre avec Dieu : il est l’être qui se donne, et nous sommes l’être reçu. En lui nous vivons, nous nous mouvons et nous sommes (Ac 17,28).

Dieu a créé par amour. Il aime et crée par le même acte. Dieu a fait l’homme intelligent et libre pour que l’homme à son tour pût aimer. Tous les phénomènes de l’univers sont une manifestation de l'activité divine.

Il n’y a pas, sur ce point, de contradiction entre la science et la foi. La foi en la création n’est pas attachée à telle ou telle théorie cosmologique. C’est à la science qu’il appartient d’examiner librement des problèmes tels que l’âge de notre planète, la formation du système solaire, la genèse et l’évolution des espèces vivantes. Quels que soient les résultats atteints par la recherche scientifique, ces résultats ne peuvent aller contre notre foi. Celle-ci se borne à affirmer que Dieu-Amour est l’origine, le sens, et la fin de tout ce qui existe.

L’activité créatrice de Dieu ne s’exprime-t-elle que par l’univers visible et les êtres vivants qui le peuplent ? Nous n’avons pas le droit de la restreindre ainsi. D’une part, la tradition hébraïque, suivie par la tradition chrétienne, nous parle d’êtres immatériels qui sont les ministres de la bonté et de l’amour divins : les « anges ». D’autre part, ces mêmes traditions objectivent et personnifient la puissance des ténèbres dans certains esprits mauvais. Comme nous le voyons, le symbole de Nicée-Constantinople ne précise rien à ce sujet, mais confesse, outre les « choses visibles », l’existence des « choses invisibles ».

Les prophètes hébreux et surtout le Christ lui-même nous ont appris à considérer Dieu comme un Père avec lequel chacun de nous peut entretenir une relation personnelle et vivante : Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait (Mt 5,48). Ces rapports avec notre Dieu et notre Père ont reçu leur plus haute expression dans la prière que Jésus Christ nous a enseignée :

Notre Père qui est aux cieux, que ton nom soit sanctifié, que ton règne arrive, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. Donne-nous aujourd'hui notre pain substantiel, remets-nous nos dettes comme nous remettons aussi à nos débiteurs, et ne nous soumets pas à l'épreuve, mais délivre-nous du malin (Mt 6,9-13).

ET EN UN SEUL SEIGNEUR JÉSUS CHRIST,
FILS UNIQUE DE DIEU, NÉ DU PÈRE
AVANT TOUS LES SIÈCLES,
LUMIÈRE DE LUMIÈRE, VRAI DIEU DE VRAI DIEU,
ENGENDRÉ NON CRÉÉ, CONSUBSTANTIEL
AU PÈRE, PAR QUI TOUT A ÉTÉ FAIT.

Le Père se fait connaître à nous par son Fils. Nous sommes tous des fils de Dieu, mais quelqu’un est « le » Fils de Dieu, dans un sens unique et exceptionnel. Ce Fils, ce médiateur n’a pas été créé ou adopté. Il procède du Père par naissance spirituelle. Celui qui nous appelons Fils, c’est la Parole, le Verbe ou la Pensée éternelle du Père : Au commencement étaient la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu. Elle était au commencement avec Dieu. Toutes choses ont été faites par elle et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans elle. En elle était la vie (Jn 1,1-4). La Parole de Dieu est pour nous « le Seigneur », le maître, le guide suprême, la Lumière. Cette lumière, qui, venant dans le monde, éclaire tout homme... À tous ceux qui l’ont reçue, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu (Jn 1,9-12).

La Parole de Dieu n’est pas une abstraction, mais une réalité vivante. Elle s’est montrée à nous sous une forme humaine et réelle, en la personne de Jésus de Nazareth, que nous appelons Christ (« oint ») et Messie (« envoyé »). La conscience chrétienne des premiers siècles s’est efforcée de préciser, dans le langage de la métaphysique grecque d’alors, les rapports du Père et de Jésus. Puisque Jésus est l’incarnation de la Parole de Dieu, l’expression et la manifestation du Père, puisqu’en lui seul nous saisissons le Père (Celui qui m’a vu a vu le Père (Jn 14,9)), l’Église confesse que Jésus, le Fils, est « consubstantiel au Père » ; et, tout en proclamant qu’il est vrai homme, elle l’adore comme vrai Dieu.

QUI POUR NOUS, HOMMES, ET POUR NOTRE SALUT
EST DESCENDU DES CIEUX,
S’EST INCARNÉ DE L’ESPRIT SAINT
ET DE LA VIERGE MARIE, ET S’EST FAIT HOMME.

Et la Parole a été fait chair et elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité (Jn 1,14). C’est cette union de la Parole de Dieu avec une nature humaine, en la personne de Jésus, que nous appelons le mystère de l’Incarnation. Traduisant en termes humains ce mystère ineffable, qui dépasse la pensée théologique et philosophique comme il échappe à l’investigation historique et, voulant exprimer l’intuition profonde, éprouvée par la conscience chrétienne, d’une pureté unique qui entoure la venue parmi nous du Fils de Dieu, l’Église professe que la naissance du Christ fait exception aux conditions ordinaires de la vie de la chair, et elle a formulé la doctrine de la « conception virginale » par l’opération du « souffle » divin ou « Saint-Esprit ».

La Parole s’est faite chair « pour nous et pour notre salut ». En effet, le plan divin avait été profondément troublé. L’humanité, usant de sa liberté, s’était détournée du Dieu-Amour pour suivre les voies du bonheur égoïste. Cette infidélité première, ce « péché originel », avait introduit dans le monde la souffrance et la mort, tant physiques que spirituelles. Il fallait vaincre le mal, réconcilier ce qui était séparé, sauver ce qui était perdu. Il fallait diviniser la nature humaine. Telle était l’oeuvre de salut réservée à la Parole faite chair.

IL A ÉTÉ CRUCIFIÉ POUR NOUS SOUS PONCE PILATE,
A SOUFFERT ET A ÉTÉ ENSEVELI.

L’oeuvre de salut accomplie par le Christ a revêtu divers aspects. Jésus, au cours de sa vie terrestre, a surmonté la tentation. Il a guéri les âmes et les corps. Il a prêché le « royaume de Dieu » ; il appelait dans ce royaume les souffrants, les pauvres, les persécutés, les purs de coeur. Il enseignait que le « royaume » consiste dans la réalisation de ce double précepte : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme et de toute ta pensée, et ton prochain comme toi-même (Lc 10,27). Et il disait lui-même ce qu’aucun prophète n’avait dit auparavant : Je suis la voie, la vérité et la vie (Jn 14,6). En résistant à la tentation, en guérissant, en pardonnant, en annonçant la « bonne nouvelle », déjà le Christ nous sauvait. Mais il a voulu accomplir jusqu’aux suprêmes exigences de son amour pour nous : Il n’est pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime (Jn 15,13).

Sa mort sur la croix nous a « rachetés », non dans un sens juridique ou commercial, comme si le Père réclamait une expiation sanglante du péché humain, mais parce que l’acte intérieur d’amour et d’offrande dont le crucifiement était l’expression visible réparait, et bien au-delà, toute révolte des hommes contre le Père et provoquait dans nos coeurs une réponse de conversion. La croix, que Jésus a voulue pour lui-même, est devenue le signe et la condition nécessaire de toute vie chrétienne : Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il prenne sa croix et me suivre (Lc 9,23).

ET IL EST RESSUSCITÉ LE TROISIÈME JOUR
SELON LES ÉCRITURES.

Après qu’il eut souffert, il leur apparut vivant et leur en donna plusieurs preuves, se montrant à eux pendant quarante jours et parlant des choses qui concernent le royaume de Dieu (Ac 1,3). La conviction des disciples, que la pierre du tombeau n’avait pas enseveli à jamais leur Maître et son oeuvre, est devenue la foi de toute l’Église. Celle-ci proclame qu’il ne faut pas chercher parmi les morts celui qui est vivant (Lc 24,5). Le fait de la Résurrection ne peut être ni démontré, ni nié sur le plan purement historique, et il ne peut même pas être pleinement « réalisée » par la pensée humaine. C’est un mystère. Mais la réalité de ce mystère est atteinte par la foi et par l’expérience spirituelle, tant individuelle que collective. La certitude et la joie de la Résurrection sont le coeur de la piété orthodoxe : « Christ est ressuscité des morts ! Par la mort il a vaincu la mort ; à ceux qui sont dans les tombeaux il a donné la vie » (Tropaire de Pâques).

ET IL EST MONTÉ AUX CIEUX
ET SIÈGE À LA DROITE DU PÈRE.

Les deux symboles physiques d’une ascension « au ciel » et d’une session à la droite de Dieu signifient, d’une part que le Christ a pris glorieusement possession de ce « royaume » qu’il a annoncé et où il nous a donné l’espoir d’entrer nous-mêmes (le royaume est la vie éternelle dans le Dieu-Amour). D’autre part, qu’il occupe dans le royaume al place unique qui, auprès du Père, est réservée au Fils : Tu es mon Fils bien-aimé ; en toi j’ai mis toute mon affection (Lc 3,22).

ET IL REVIENDRA EN GLOIRE
JUGER LES VIVANTS ET LES MORTS ;
SON RÈGNE N’AURA POINT DE FIN.

Les Évangiles et l’Apocalypse décrivent la venue du Christ avec puissance et une grande gloire (Mt 24,30), à l’heure où vous n’y penserez pas (Mt 24,44), - et les morts furent jugés selon leurs oeuvres (Ap 20,42). Si certains détails de ces descriptions contiennent une large part de symbolisme, ce serait aller contre toute la tradition chrétienne que de voir dans le « second avènement » et le jugement une simple image. Mais il ne faut pas se représenter une sorte de procès judiciaire. L’homme lui-même se juge et détermine son sort selon que, volontairement et sciemment, il s’est détourné ou approché du Dieu-Amour. La vie éternelle ne fait que manifester le libre choix de chaque homme, inscrit dans ses sentiments et dans ses actes. Ce monde passera ; toutes choses seront faites nouvelles (Ap 21,5) ; et alors le royaume sera instauré à jamais.

ET EN L’ESPRIT SAINT, SEIGNEUR,
QUI DONNE LA VIE, QUI PROCÈDE DU PÈRE,
QUI EST ADORÉ ET GLORIFIÉ AVEC LE PÈRE ET LE FILS,
QUI A PARLÉ PAR LES PROPHÈTES.

Je prierai le Père, et il vous donnera un autre Consolateur, afin qu’il demeure éternellement avec vous, l’Esprit de vérité... Le Consolateur, l’Esprit Saint, que le Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses... Quand le Consolateur sera venu, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans toute la vérité (Jn 14,16,26;15,13). Cet Esprit ou « souffle » du Père, envoyé sur les hommes par le Fils, a rempli les Apôtres et continue à sanctifier ceux qui vivent dans la foi et l’amour. Nous l’appelons « Seigneur », comme le Fils, parce que lui aussi est notre maître et notre guide. Il nous vivifie, car toute notre vie spirituelle dépend de ce « souffle ». Il est la manifestation visible du Père dans les âmes, de même que le Fils a été sa manifestation extérieure et visible. On ne peut séparer le Père de sa Parole et de son Souffle ; on ne peut diviser le Dieu-Amour et scinder en lui le principe transcendant (le Père), la révélation objective (le Fils), l’action immanente (l’Esprit). C’est pourquoi le Père, le Fils et l’Esprit sont conjointement « adorés et glorifiés », comme étant une même essence divine en trois hypostases ou sujets. Cette formulation théologique est due aux premiers conciles, qui, sous le nom de Sainte Trinité, ont essayé d’exprimer le mystère du Père qui se manifeste à nos yeux par son Fils et vivant dans nos âmes par son Esprit.

L’Esprit Saint a « parlé par les prophètes ». Nous entendons par là que les saintes Écritures, les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament, ont été rédigés par les hommes sous l’inspiration divine. Cette inspiration porte sur le contenu religieux et moral de la Bible. Elle ne confère pas aux écrivains des livres sacrés aucune infaillibilité en chronologie, histoire, cosmographie etc., matières où ils ont partagé les idées de leur temps. La Bible constitue une préparation pédagogique progressive à la venue du Christ et au règne de l’Esprit. On peut dire qu’une préparation parallèle s’opérait dans les nations païennes par certains progrès de la pensée, de sorte que Dieu n’a laissé aucun peuple dénué de toute lumière. On a le droit d’appliquer les méthodes critiques de l’histoire et de la philologie, avec la pleine liberté qu’exige la science, à tout ce qui, dans la Bible, est susceptible d’une vérification de fait, d’une constatation positive. Mais le contenu spirituel des saintes Écritures ne relève d’aucune interprétation particulière. Son interprétation appartient à l’Église, parlant sous l’action de l’Esprit.

EN L’ÉGLISE, UNE, SAINTE,
CATHOLIQUE ET APOSTOLIQUE.

Le mot « Église » signifie « rassemblement » et « élection ». Chaque communauté chrétienne primitive se nommait « assemblée d’élus » ou église. La totalité des croyants formait l’Église, au sens général, en non plus local et particulier, de ce mot. Les Apôtres déjà se préoccupaient d’organiser solidement les communautés chrétiennes. Les communautés de l’âge apostolique présentaient les mêmes traits généraux que les communautés chrétiennes modernes : chacune était un groupe de « fidèles », persévérant dans la doctrine des Apôtres, la fraction du pain et la prière (Ac 2,42), sous la présidence d’un intendant (épiskopos, « évêque »), entouré d’anciens (presbyteroi, « prêtres ») et de serviteurs (diakonoi, « diacres »). Ces fonctions subsistent toujours parmi nous. Mais il ne faut pas concevoir cette échelle de fonctions ou hiérarchie comme constituant une autorité extérieure, transcendante au corps des fidèles. Il n’y a dans l’Église aucune autorité « extérieure ». Un concile oecuménique lui-même, groupant tous les évêques, n’est que l’expression de la conscience religieuse des fidèles en un temps donné et il ne devient une norme que dans la mesure où cette conscience l’accepte.

L’infaillibilité est immanente à l’unanimité des fidèles ; la révélation de la vérité est une réponse à notre amour fraternel. C’est pourquoi la tradition « orthodoxe » - celle à laquelle nous nous rattachons - n’admet ni les doctrines romanes sur l’autorité dans l’Église et en particulier sur le pouvoir du Pape, ni certaines conceptions protestantes d’après lesquelles la recherche et la découverte de la vérité religieuse seraient chose purement individuelle.

Outre la prière privée, la relation personnelle et intérieure à Dieu, il y a la prière en commun, la sanctification collective qui s’opère au sein de la communauté. De là les formes extérieures, les rites, qui n’ont d’ailleurs rien d’absolu, mais sont soumis à une évolution historique.

La tradition orthodoxe professe qu’une communion existe entre les saints glorifiés et nous-mêmes ; nous ne les adorons pas, mais nous pouvons nous adresser à Dieu par leurs prières et nous recommander à leur intercession. En vénérant la mémoire de Marie, Mère du Seigneur, celle des Apôtres, des martyrs et des autres saints, en honorant leurs images et leurs reliques, c’est à Dieu, qui s’est manifesté en eux, que l’on rend hommage : ce n’est donc pas une idolâtrie.

La vie collective de la communauté chrétienne s’exprime surtout par les « mystères », symboles matériels efficaces au moyen desquels nous participons aux dons divins, non d’une manière mécanique ou magique, mais à condition que l’esprit humain assimile ces dons par la foi et l’amour. Le mystère central, le mystère même de l’Église et de son unité, est le « mystère de la cène » ou eucharistie : mangeant le pain rompu et buvant la coupe de vin sur lesquels l’Église a prié, nous communions, d’une manière non charnelle, mais réelle, au corps et au sang du Christ, au sacrifice de sa mort, et à tous nos frères et soeurs qui sont ses membres.

Le mariage chrétien indissoluble, par lequel deux êtres forment une créature nouvelle en Christ, est aussi un mystère exprimant l’unité de l’Église, un embryon d’Église.

L’Église du Christ est une et universelle ; elle s’étend à tous les hommes, à tous les temps, à tous les lieux ; sa foi est celle qui a été reçue toujours, partout, par tous ; elle ne pense et ne vit qu’unanimement : c’est ce qu’exprime le mot « catholique », qui n’est pas le monopole de la confession romaine. L’Église est sainte, non en ce sens que tous ses membres sont effectivement saints, mais parce que la sainteté est la vocation de tous et que l’Église possède et offre tous les moyens de sanctification. L’Église est apostolique, parce qu’elle se réclame de la tradition des Apôtres et parce que, par le mystère de l’imposition des mains au moyen duquel se transmet tout office pastoral, elle remonte jusqu’à eux. L’Église comprend bien des hommes qui lui sont en apparence étrangers ou hostiles. Tout homme fidèle à la mesure de lumière qui lui a été donnée participe à la grâce, à la vie du Christ, lors même qu’il ne connaîtrait pas le Christ ; ces âmes d’une pleine bonne volonté, quelles que soient leurs ignorances ou leurs négations, sont des membres invisibles de l’Église. Celle-ci déborde tout cadre visible. Aussi ne faut-il pas concevoir l’Église comme une organisation juridique, sous le seul aspect temporel. L’Église, dans sa plus profonde réalité, est, selon les paroles de Paul, le corps du Christ (1 Co 12,27), et selon l’Apocalypse, l’épouse du Christ (Ap 21,9).

JE CONFESSE UN SEUL BAPTÊME
POUR LA RÉMISSION DES PÉCHÉS.

Tout péché consiste à violer le sens divin de la vie, qui est amour. Dans la révélation faite jadis au peuple hébreux, le Décalogue indiquait quels étaient les péchés, en énonçant les prescriptions positives suivantes : adorer Dieu seul ; ne point prendre son Nom en vain ; observer les jours de sanctification ; honorer le père et la mère ; ne point tuer ; ne point dérober ; ne point commettre adultère ; ne point porter de faux témoignage ; ne point convoiter. L’Apôtre Jean rattache tout péché à l’une des trois « concupiscences » : désirs de la chair, désirs de possession, orgueil (1 Jn 2,16). Ce sont trois formes d’égoïsme, d’affirmation du moi séparé de Dieu. Tous ceux-là pèchent, qui, soit en pensée, soit en parole, soit en acte, violent le précepte du Christ : aimer Dieu de tout son coeur ; aimer son prochain comme soi-même (Lc 10,27).

Le pécheur ne peut redevenir juste par ses propres mérites ou par ses oeuvres (prière, miséricorde, ascèse etc.), quoique les oeuvres soient un signe nécessaire de justification. Il est justifié gratuitement par la participation à la vie du Christ : Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi (Ga 2,20). Mais il faut mourir au péché - que ce soit notre péché volontaire et conscient, ou la faute originelle dont nous sommes non coupables, mais solidaires - et naître à la vie nouvelle en Christ. Le mystère du baptême est le signe efficace de cette nouvelle naissance : Si quelqu’un ne naît de l’eau et de l’Esprit, il ne peur entrer dans le Royaume de Dieu... Allez, enseignez toutes les nations, les baptisant... (Jn 3,5; Ma 28,19). Ce n’est point que l’eau ait un pouvoir magique ; mais le baptême d’eau auquel Jésus s’était soumis lui-même auprès de Jean le Baptiste était un symbole de pénitence et de purification, et Jésus veut marquer que l’on ne peut recevoir le baptême de l’Esprit si l’on n’a reçu préalablement le baptême de pénitence.

Le baptême est le signe extérieur nécessaire de l’appartenance à l’Église ; mais, nous l’avons dit, l’Église a aussi des membres invisibles qui n’ont pas reçu le baptême de l’eau. En accordant sa grâce, Dieu n’est limité par aucune condition matérielle. Selon l’ancienne tradition de l’Église, le mystère du « don du Saint Esprit », renouvellement de la grâce de la Pentecôte, est lié au baptême et se confère aussitôt après, sous la forme d’une onction, le « mystère de la chrismation ».

La vie en Christ, reçue au baptême, peut se perdre par des péchés ultérieurs. Le pécheur peut alors (et chaque fois) se purifier par un nouveau baptême, non plus d’eau, mais d’esprit, qui est le « mystère de la pénitence ». C’est le mystère du pardon divin accordé à la repentance du coeur, comme l’Évangile nous en offre des exemples. D’après la discipline orthodoxe actuelle, le mystère de la pénitence, en sa forme extérieure, suppose la confession des ses fautes graves faite devant un ministre de l’Église délégué par celle-ci (devant un ministre et non à un ministre, car la confession s’adresse à Christ, et le ministre n’est qu’un témoin), puis l’absolution donnée au nom du Christ par le ministre mandataire de l’Église.

Enfin, un autre mystère qui remet les péchés est celui de « l’onction des malades », conformément aux paroles de l’Apôtre Jacques : Si quelqu’un est malade parmi vous, qu’il appelle les anciens de l’Église et qu’ils prient sur lui, l’oignant d’huile au nom du Seigneur ; et la prière de la foi sauvera le malade, et le Seigneur le relèvera ; et, s’il a commis des péchés, ils lui seront remis. (Jc 5,4-5).

Nous confessons un seul baptême, car il n’y a qu’un baptême et qu’une rémission des péchés : le baptême et la rémission institués par Christ.

J’ATTENDS LA RÉSURRECTION DES MORTS
ET LA VIE DU SIÈCLE À VENIR.

Si dans cette vie seulement, nous espérons en Christ, nous sommes plus misérables que tous les hommes. Mais maintenant Christ est ressuscité d’entre les morts, prémices de ceux qui dorment. Comme en effet, la mort est venue par un homme, ainsi, par un homme, la résurrection des morts. Car, de même qu’en Adam tous sont morts, ainsi, en Christ, tous seront vivifiés... Le dernier ennemi sera détruit : la mort (1 Co 15,20,22,26).

Alors le Roi dira à ceux qui sont à sa droite : Venez, les bénis de mon Père ; héritez du royaume qui vous a été préparé depuis la création du monde (Ma 24,34).

Bien-aimés, nous sommes maintenant les enfants de Dieu, et ce que nous serons n’a pas encore été manifesté. Nous savons que, quand cela apparaîtra, nous serons semblables à Dieu, car nous le verrons tel qu’il est (1 Jn 3,2).

Alors le Roi dira à ceux qui sont à sa gauche : Retirez-vous de moi, maudits, dans le feu éternel (Ma 24,41).

Hors d’ici les chiens, les empoisonneurs, les impudiques, les serviteurs des idoles, et quiconque aime et fait le mensonge... Et celui qui n’a pas été trouvé inscrit dans le livre de vie a été envoyé dans l’étang de feu (Ap 22,15 ; 20,15).

Nous entrevoyons, quoique comme au travers d’un voile, ce que pourra être pour ceux qui se tiennent à la droite du roi - ceux qui ont cherché le royaume de Dieu - la vie du siècle à venir. Il nous est plus difficile de nous représenter le sort de ceux qui meurent, par leur propre choix, séparés de Dieu. Nous l’avons déjà dit : ce n’est pas Dieu qui les juge, qui les condamne. La mort, comme une conséquence logique, les fixe dans l’état qu’ils ont choisi eux-mêmes. Mais comment Dieu peut-il permettre que leur choix s’égare d’une telle manière ? La conscience religieuse moderne rejette de plus en plus l’idée d’une torture et d’un feu matériels destinés aux damnés. Mais l’idée d’une séparation éternelle d’avec Dieu et de la souffrance morale qui l’accompagne nous est-elle de beaucoup plus acceptable ? Il est vrai que, en fait, nous ne pouvons dire de personne qu’il a été ou sera damné. Mais que, en droit, la possibilité de la damnation subsiste, ne serait-ce que comme une limite logique, n’est-ce point, pour notre confiance en la bonté du Père, une épreuve et un scandale douloureux ? On a proposé à cette énigme des solutions diverses. On a parlé d’une annihilation des âmes pécheresses, d’une séparation radicale entre le péché (en quelque sorte ontologique) qui serait éternellement condamné et le pécheur qui serait sauvé, d’un pardon ultime qui serait accordé aux pécheurs. Plutôt que de recourir à des hypothèses invérifiables, il vaut mieux maintenir comme des avertissements solennels les paroles de l’Évangile, sans chercher à en épuiser le sens ou à en interpréter les symboles ; il faut, d’autre part, admettre que ces paroles recouvrent un mystère, actuellement inaccessible et qui ne nous sera révélé que dans la vie éternelle ; il faut enfin nous rappeler que, si Dieu est amour, la solution du mystère ne peut être qu’une solution d’amour et que la Miséricorde infinie autorise des espérances infinies.

La tradition orthodoxe admet que les prières des fidèles vivants peuvent venir en aide aux âmes de ceux qui sont morts unis à Dieu mais incomplètement purifiés de leurs fautes.

Quand tout aura été soumis au Fils, alors le Fils lui-même sera soumis à celui qui lui a tout soumis, afin que Dieu soit tout en tous (1 Co 15,28)

Amen ! Viens, Seigneur Jésus ! (Ap 22,20).

Ce commentaire du Symbole de Nicée-Constantinople
par le père Lev Gillet, le « Moine de l’Église d’Orient »,
a été publié dans La Voie : Bulletin de la Communauté
orthodoxe française,
à Paris en septembre 1930.
Le père Lev était à ce moment le recteur de cette paroisse.
Les circonstances de la composition de ce texte sont signalées
dans la biographie du
père Lev par Elisabeth Behr-Sigel,
Lev Gillet "Un moine de l’Église d’Orient" :
Un libre croyant universaliste, évangélique et mystique
.
Voir en particulier les pages 170-171 et 230-236.


 

Dernière modification: 
Samedi 22 avril 2023