Vie spirituelle

Introduction aux Pages Amour divin - Amour humain

Le Buisson Ardent

Amour divin - Amour humain


Mère de Dieu et Christ Sauveur


Icônes de l'iconostase de la cathédrale
Saint-Pierre-et-Saint-Paul, Montréal, Québec


Introduction aux Pages Amour divin - Amour humain
Logo des Pages Amour divin - Amour humain
À chacun je voudrais donner mon âme par sainte Marie de Paris
L'Amour au cœur du Christianisme par Paul Ladouceur
Plan des Pages Amour divin - Amour humain
Le Pardon des péchés par l'Amour
Je jette mon âme à leurs pieds par sainte Marie de Paris
L'Univers est composé d'Amour
Nos auteurs / Pour aller plus loin

Dans un monde où l’amour est trop souvent soit manquant soit déformé au point où l’on ne sait plus reconnaître l’amour véritable, dans un monde où l’amour souvent semble absent même dans les religions, dans un monde où, pour beaucoup, la religion devient un prétexte pour la violence, nous souhaitons avec ces Pages sur le thème Amour divin - Amour humain réaffirmer la place centrale, essentielle, incontournable, de l’Amour dans le christianisme.

Jésus nous dit : « Je suis venu jeter un feu sur la terre et comme je voudrais que déjà il fût allumé ! » (Lc 12, 49). En quoi consiste ce feu ? Le feu, c’est l’Amour, et le feu brûle devant le trône de Dieu (cf. Ap 8,5 ; Lv 16,12 ; Éz 10,2). C’est le fleuve de l’Amour de la Sainte Trinité qui se répand sur la terre. D’abord un fleuve d’Amour, non point un fleuve de châtiment, en lequel tous sont appelés à s’immerger. Car saint Jean l’Évangéliste écrit : Dieu est Amour (1 Jn 4,8) et c’est en cet Amour que consiste le devoir et le devenir de l’humanité.

Par ces pages nous souhaitons avant tout faire connaître les multiples expressions de l’Amour divin et de l’amour humain chez les écrivains orthodoxes du XXe siècle. Notre choix de textes, cependant, dépasse le cadre chrétien pour inclure quelques écrits sur l’amour représentatifs d’autres traditions spirituelles : l’islam, le bouddhisme et l’hindouisme. Car si l’amour tient la place d’honneur parmi les thèmes principaux du christianisme, chaque grande tradition spirituelle de l’humanité souligne la prééminence de l’amour. En fait, plusieurs de nos auteurs, par exemple les évêques Georges Khodr et Kallistos Ware ainsi que les pères Lev Gillet, Dumitru Staniloae et Alexandre Men, sont connus pour leur ouverture œcuménique et interreligieux.

Nos textes sont représentatifs d’une vaste gamme d’écrits du XXe siècle sur l’Amour : spirituels, théologiques, pastoraux ; parmi les auteurs se trouvent des évêques, des prêtres mariés, des moines et des moniales, des théologiens laïcs. Nous vous invitons à poursuivre ces lectures à l’aide de la page « Nos auteurs / Pour aller plus loin » ici-bas.


Le Buisson ArdentLe logo de ces Pages Amour divin - Amour humain représente le Buisson Ardent. Dans l'épisode du livre de l'Exode (Ex 3), Dieu se révèle à Moïse depuis un buisson qui brûle mais qui n'est pas consumé par les flammes. De même, l'amour divin pour chaque personne humaine est un « feu dévorant » qui ne consume pas pour autant la personne, mais lui laisse toute sa liberté. Notre image provient de la couverture du livre du père Lev Gillet The Burning Bush, qui contient le texte d'une retraite prêchée en Angleterre sur le thème du Buisson Ardent. Voir la page Le Seigneur-Amour par le père Lev Gillet.


 À chacun je voudrais donner mon âme

À chacun je voudrais donner mon âme
pour que mangent les affamés,
soient couverts les nus, se désaltèrent les assoiffés
et que les sourds entendent la Nouvelle.
Du ciel qui tonne au murmure de la brise,
tout me commande : « Donne jusqu’au dernier sou. »
De la plénitude grave d’une expérience sacrée
mon âme est pleine à déborder.
Et j’ai oublié : s’il y a parmi la multitude
ce que tous appellent « moi »,
il n’y a plus que planement d’amour, et pauvreté,
et pulsation de la totalité.

Sainte Marie de Paris
(Mère Marie Skobtsov)
 


L'Amour au cœur du Christianisme

par Paul Ladouceur


La place centrale de l’amour dans le christianisme est fondée sur la vie et les paroles du Christ : l’amour est le seul vrai commandement évangélique. Au légiste qui le questionne sur le commandement le plus important la Loi – il s’agit ici de la Loi mosaïque, donc en fait l’Ancien Testament tout entier – Jésus répond : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit : voilà le plus grand et le premier commandement. Le second lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. À ces deux commandements se rattache toute la Loi, ainsi que les Prophètes (Mt 22,36-41). Par cette réponse Jésus réunit les deux Testaments dans la continuité d’un seul message, l’amour. L’amour est donc non seulement au plein centre du christianisme, mais il est aussi le devoir et le devenir de l’humanité.

C’est dans cet esprit que nous nous réjouissons de la première encyclique du pape Benoît XVI Deus caritas est – Dieu est amour – dont le point de départ se trouve dans la première épître de saint Jean l’Évangéliste, épître consacrée essentiellement à l’amour divin, dans ses deux sens, amour de Dieu pour l’humanité et amour des hommes pour Dieu. Ces pages sur le thème de l’amour a été conçu bien avant la publication de l’encyclique Deus caritas est, car nous avons voulu avant tout faire connaître les multiples expressions de l’amour chez les écrivains orthodoxes du XXe siècle. En guise d’introduction, nous voulons simplement rappeler les plus importants fondements néo-testamentaires sur l’amour en tant que cœur du christianisme, de la vie chrétienne.

Si Jésus a exprimé au légiste d’une façon magistrale ce que Dieu attend de l’homme, maintes autres événements de sa vie illustrent non seulement l’amour concret envers ceux en détresse, mais ils soulignent les implications du « commandement de l’amour ». Au Pharisien qui invite Jésus à manger et chez qui une femme s’introduit, une pécheresse connue, qui oint les pieds de Jésus d’un parfum dispendieux et les lave de ses larmes, Jésus répond lorsque son hôte passe un jugement – intérieur – sur Jésus à cause du geste de la femme : « Tu vois cette femme ? dit-il à Simon. Je suis entré dans ta maison, et tu ne m’as pas versé d’eau sur les pieds ; elle, au contraire, m’a arrosé les pieds de ses larmes et les a essuyés avec ses cheveux. Tu ne m’as pas donné de baiser ; elle, au contraire, depuis que je suis entré, n’a cessé de me couvrir les pieds de baisers. Tu n’as pas répandu d’huile sur ma tête ; elle, au contraire, a répandu du parfum sur mes pieds. A cause de cela, je te le dis, ses péchés, ses nombreux péchés, lui sont remis parce qu’elle a montré beaucoup d’amour » (Lc 7,44-47).

L’enseignement de Jésus sur l’amour pose une exigence des plus difficiles pour les hommes, qui ont l’habitude de faire des distinctions dans l’amour : aimer celui-ci ou celle-la, ne pas aimer un autre, détester ou haïr un autre. Ce n’est pas la nature de l’Amour divin ; Dieu aime tous et toutes, toute sa Création. Jésus nous demande de dépasser les limites de l’amour conditionnel inhérent à notre situation d’exil du Royaume de Dieu, afin justement de pouvoir jouir du Royaume, même en cette vie. L’exigence la plus terrible de Jésus est celle de l’amour des ennemis : Vous avez entendu qu'il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Eh bien ! moi je vous dis : Aimez vos ennemis, et priez pour vos persécuteurs, afin de devenir fils de votre Père qui est aux cieux (Mt 5,43-45) ; et encore : Je vous le dis, à vous qui m'écoutez : Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent, bénissez ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous diffament. A qui te frappe sur une joue, présente encore l'autre ; à qui t'enlève ton manteau, ne refuse pas ta tunique. A quiconque te demande, donne, et à qui t'enlève ton bien, ne le réclame pas. Ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le pour eux pareillement. Que si vous aimez ceux qui vous aiment, quel gré vous en saura-t-on ? Car même les pécheurs aiment ceux qui les aiment. Et si vous faites du bien à ceux qui vous en font, quel gré vous en saura-t-on ? Même les pécheurs en font autant. Et si vous prêtez à ceux dont vous espérez recevoir, quel gré vous en saura-t-on ? Même des pécheurs prêtent à des pécheurs afin de recevoir l'équivalent. Au contraire, aimez vos ennemis, faites du bien et prêtez sans rien attendre en retour. Votre récompense alors sera grande, et vous serez les fils du Très-Haut, car il est bon, Lui, pour les ingrats et les méchants. Montrez-vous compatissants, comme votre Père est compatissant. Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés ; ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés ; remettez, et il vous sera remis. Donnez, et l'on vous donnera ; c'est une bonne mesure, tassée, secouée, débordante, qu'on versera dans votre sein ; car de la mesure dont vous mesurez on mesurera pour vous en retour (Lc 6,27-38).

Lors de son discours à la Dernière Cène avec ses Apôtres, Jésus revient encore et encore sur le thème de l’amour ; l’amour de l’homme pour ses frères et ses sœurs est un reflet de l’amour de Dieu pour les hommes : Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez en mon amour… Voici quel est mon commandement : vous aimer les uns les autres comme je vous ai aimés… Nul n’a plus grand amour que celui-ci : donner sa vie pour ses amis… Ce que je vous commande, c’est de vous aimer les uns les autres (Jn 15, 9-17).

Dans la grande prière « sacerdotale » pour ses disciples, qui termine ce discours, Jésus exprime le terme de l’amour, la finalité de l’homme et la raison de sa venue sur la terre :

Je ne prie pas pour eux seulement, mais aussi pour ceux qui, grâce à leur parole, croiront en moi, afin que tous soient un. Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu’eux aussi soient en nous, afin que le monde croie que tu m’as envoyé. Je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée, pour qu’ils soient un comme nous sommes un : moi en eux et toi en moi, afin qu’ils soient parfaits dans l’unité, et que le monde reconnaisse que tu m’as envoyé et que tu les as aimés comme tu m’as aimé. Père, ceux que tu m’as donnés, je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi, afin qu’ils contemplent ma gloire, que tu m’as donnée parce que tu m’as aimé avant la fondation du monde. Père juste, le monde ne t’a pas connu, mais moi je t’ai connu et ceux-ci ont reconnu que tu m’as envoyé. Je leur ai fait connaître ton nom et je le leur ferai connaître, pour que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux et moi en eux (Jn 17,20-26).

Le dernier texte évangélique que nous voulons évoquer est l’échange entre Jésus et Pierre après la Résurrection, où Jésus demande trois fois à Pierre s’il l’aime : Jésus dit à Simon-Pierre : « Simon, fils de Jean, m'aimes-tu plus que ceux-ci ? » Il lui répondit : « Oui, Seigneur, tu sais que je t'aime. » Jésus lui dit : « Pais mes agneaux. » Il lui dit à nouveau, une deuxième fois : « Simon, fils de Jean, m'aimes-tu ? » - « Oui, Seigneur, lui dit-il, tu sais que je t'aime. « Jésus lui dit : « Pais mes brebis. » Il lui dit pour la troisième fois : « Simon, fils de Jean, m'aimes-tu ? » Pierre fut peiné de ce qu'il lui eût dit pour la troisième fois : « M'aimes-tu ? », et il lui dit : « Seigneur, tu sais tout, tu sais bien que je t'aime. » Jésus lui dit : « Pais mes brebis. « (Jn 21, 15-17).

Avant d’être un échange qui aurait une incidence sur le rôle de Pierre dans le collège des apôtres, le récit souligne avant tout, encore une fois, l’exigence de l’amour : la vocation de l’homme est d’abord d’aimer Dieu, hier, aujourd’hui, demain. Si l’amour de Dieu envers les hommes est constant, il n’en n’est pas ainsi pour l’amour des humains : nous pouvons aimer aujourd’hui, mais pas demain. Chaque jour Jésus nous demande : M’aimes-tu ? Chacun jour, comme Pierre, il nous incombe de répondre : Oui, Seigneur, tu sais que je t'aime.

On peut voir dans le texte grec de cet échange une exigence d’amour encore plus élevée. La première et la deuxième fois que Jésus demande à Pierre : M’aimes-tu ?, le texte grec utilise le mot agapas, du substantif agapè, mot habituellement désigné pour exprimer l’Amour divin. Pierre répond avec le mot philo, du substantif philia, qui exprime l’amour humain. À la troisième échange, Jésus utilise le mot phileis et Pierre répond de nouveau avec le mot philo. On peut voir dans ce choix de verbes dans le texte grec un appel à un amour pour Jésus, pour Dieu, plus élevé que l’amour entre les hommes : Jésus nous invite à l’aimer, à aimer Dieu, avec le même amour que Dieu nous aime – Jésus nous avait déjà invité, dans le sermon sur la montagne, à être parfaits comme votre Père céleste est parfait (Mt 5,48).

Le magnifique « hymne à l’amour » de saint Paul l’exprime clairement le rôle que doit avoir l’amour dans la vie spirituelle du chrétien :

Quand je parlerais les langues des hommes et des anges, si je n’ai pas l’amour, je ne suis plus qu’airain qui sonne ou cymbale qui retentit. Quand j’aurais le don de prophétie et que je connaîtrais tous les mystères et toute la science, quand j’aurais la plénitude de la foi, une foi à transporter des montagnes, si je n’ai pas l’amour, je ne suis rien. Quand je distribuerais tous mes biens en aumônes, quand je livrerais mon corps aux flammes, si je n’ai pas l’amour, cela ne me sert de rien. L’amour est longanime ; l’amour est serviable ; il n’est pas envieux ; l’amour ne fanfaronne pas, ne se gonfle pas ; il ne fait rien d’inconvenant, ne cherche pas son intérêt, ne s’irrite pas, ne tient pas compte du mal ; il ne se réjouit pas de l’injustice, mais elle met sa joie dans la vérité. L’amour excuse tout, croit tout, espère tout, supporte tout. L’amour ne passe jamais. Les prophéties ? elles disparaîtront. Les langues ? elles se tairont. La science ? elle disparaîtra. Car partielle est notre science, partielle aussi notre prophétie. Mais quand viendra ce qui est parfait, ce qui est partiel disparaîtra. Lorsque j’étais enfant, je parlais en enfant, je pensais en enfant, je raisonnais en enfant ; une fois devenu homme, j’ai fait disparaître ce qui était de l’enfant. Car nous voyons, à présent, dans un miroir, en énigme, mais alors ce sera face à face. À présent, je connais d’une manière partielle ; mais alors je connaîtrai comme je suis connu. Maintenant donc demeurent foi, espérance, amour, ces trois choses, mais la plus grande d’entre elles, c’est l’amour (1 Co 13,1-13).

Le fondement théologique de l’enseignement chrétien sur l’amour est clair et simple ; saint Jean l’exprime admirablement : Dieu est amour (1 Jn 4, 8). Il ne suffit pas de dire « Dieu aime » – l’homme « aime », mais Dieu est l’Amour même et l’homme ressemble Dieu le plus parfaitement par l’amour. Saint Jean l’exprime ainsi :

Bien-aimés, aimons-nous les uns les autres, puisque l’amour est de Dieu et que quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu. Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu, car Dieu est Amour. En ceci s’est manifesté l’amour de Dieu pour nous : Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde afin que nous vivions par lui. En ceci consiste l’amour : ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c’est lui qui nous a aimés et qui a envoyé son Fils en victime de propitiation pour nos péchés. Bien-aimés, si Dieu nous a ainsi aimés, nous devons, nous aussi, nous aimer les uns les autres (1 Jn 4, 7-11).

Plus loin, saint Jean tire la conclusion de la leçon d’amour entre Dieu et l’homme, l’homme et Dieu : l’amour de l’homme pour Dieu doit se manifester dans l’amour pour son prochain :

Quant à nous, aimons, puisque Dieu nous a aimés le premier. Si quelqu’un dit : « J’aime Dieu » et qu’il déteste son frère, c’est un menteur : celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, ne saurait aimer le Dieu qu’il ne voit pas. Oui, voilà le commandement que nous avons reçu de lui : que celui qui aime Dieu aime aussi son frère. Quiconque croit que Jésus est le Christ est né de Dieu ; et quiconque aime celui qui a engendré aime celui qui est né de lui. Nous reconnaissons que nous aimons les enfants de Dieu à ce que nous aimons Dieu et que nous pratiquons ses commandements. Car l’amour de Dieu consiste à garder ses commandements (1 Jn 4, 19-5, 3).

Dieu a créé l’homme, et l’univers pour l’homme, dans un élan de la surabondance de l’amour divin. Il a doté l’homme d’éléments qui reflètent toute la création, matérielle et spirituelle – les Pères appellent l’homme un « microcosme » – et Dieu a doté l’homme de caractéristiques divines, dont deux en particulier : une nature personnelle et la liberté. L’amour humain, à l’instar de l’amour divin, se situe en premier lieu dans le cadre de ces mêmes dimensions. Mais en même temps, comme nous le suggère saint Paul – et un grand nombre de saints – l’amour du chrétien doit s’étendre à toute la création : La création en attente aspire à la révélation des fils de Dieu : si elle fut assujettie à la vanité - non qu'elle l'eût voulu, mais à cause de celui qui l'y a soumise - c'est avec l'espérance d'être elle aussi libérée de la servitude de la corruption pour entrer dans la liberté de la gloire des enfants de Dieu. Nous le savons en effet, toute la création jusqu'à ce jour gémit en travail d'enfantement. Et non pas elle seule : nous-mêmes qui possédons les prémices de l'Esprit, nous gémissons nous aussi intérieurement dans l'attente de la rédemption de notre corps (Ro 8,19-23).

Dieu est Amour et l’homme est appelé non seulement à s’unir à Dieu, mais à « devenir Dieu ». Les Pères de l’Église depuis saint Irénée de Lyon (IIe siècle) ne cessent de répéter : « Dieu s’est fait homme afin que l’homme devienne Dieu ». C’est la doctrine de la « déification » (théosis), le centre de l’anthropologie de Pères. L’homme est donc appelé à devenir lui aussi amour. Le christianisme ne connaît pas de plus théologie plus élevée, ni d’enseignement plus profond, que l’amour. Toute la vie spirituelle découle de l’amour.

Si les chrétiens n’ont pas toujours répondu à l’appel incessant du christianisme à l’amour, ce n’est pas par manque de clarté dans les paroles du Christ ni dans l’enseignement des apôtres, des Pères de l’Église et des saints de tous les temps.

Dans le Nouveau Testament, Dieu se révèle comme une Unité en Trois Personnes : c’est le mystère essentiel du christianisme. Dieu est un par nature, mais il n’est pas le monade des philosophes : il est une Trinité de personnes divines, dont les relations sont caractérisées par un amour infini, dépassant toutes les notions humaines de l’amour et même de la « perfection de l’amour ». Dans le moment infini de Dieu, l’amour circule sans cesse, dans un mouvement que les Pères appellent « circumincession ». C’est à la fois le modèle de l’amour humain et la finalité de cet amour, car Dieu invite l’homme à participer à la vie, à l’amour intime et infini de la Sainte Trinité elle-même.


 PAGES AMOUR DIVIN - AMOUR HUMAIN

Le Seigneur-Amour par le père Lev Gillet
L’Approche orthodoxe de l’amour humain par Christos Yannaras
Saint Silouane l’Athonite : De l’Amour
Sur l’Amour par le père Joseph l’Hésychaste
Aime ton prochain comme toi-même par Mgr Georges Khodr
Dieu est Amour par le père Dumitru Staniloae
La Prière pour autrui est la plus élevée par le père Alexandre Men
Seul l’amour peut vaincre la séparation par le père Alexandre Men
L’Union avec Dieu par Mgr Kallistos Ware
Le Sacrement du frère par le père Cyrille Argenti
Amour, sexualité et mariage par Sophie Stavrou

L’Amour dans l’Islam, le Bouddhisme
et l’Hindouisme : Textes choisis

Le Miséricordieux – Le Coran
Le Seigneur de la Compassion – Méditation de Tchenrézi
La Voie de l’amour - Djalâl-Od-Dîn Rûmî
Le Chemin de l’amour – Swâmi Vivekânanda
Le Trésor caché – Ibn Arabi
Sûtras de l’amour divin – Nârada
Je t’ai appelé – Ibn Arabi

VOIR AUSSI LES PAGES

« MARIAGE ET VIE CHRÉTIENNE DANS LE MONDE »


LE PARDON DES PÉCHÉS PAR L’AMOUR

Jésus dit : Ses nombreux péchés ont été pardonnés: car elle a beaucoup aimé. Mais celui à qui on pardonne peu aime peu… Et il dit à la femme: Tes péchés sont pardonnés…. Ta foi t’a sauvée, va en paix. (Lc 7, 47-50).

Comment l’amour peut-il pardonner les péchés ? L’amour peut tout faire, car l’Amour est fort comme la mort (Ct 8,6), l’amour brise la puissance du péché comme celle de la mort. L’amour fait partie du repentir ; le repentir n’est pas seulement les larmes pour ses fautes, l’ascèse, la longue mine ; le repentir peut aussi être et doit être la joie dans la certitude que le Christ a pris nos péchés sur lui par la Croix ; nos manquements sont morts avec lui sur la Croix ; et ils sont remplacés par la Résurrection, et la Résurrection, c’est la suprême fête de la joie. L’amour de Dieu pour les hommes est signifié par la Croix et la Résurrection : alors l’amour est vainqueur du péché. C’est en aimant que je me joins au Christ et qu’il efface mon péché. Ai-je été infidèle à mon conjoint ou ma conjointe ? Ai-je blessé mon prochain par mes paroles, mes actes ? Ai-je pris le bien de mon voisin ? Ai-je semé le désaccord, été égoïste, me suis-je mis en colère ? L’amour en Christ peut effacer tout cela. Si j’ai manqué à mes devoirs – manqué à l’amour – dans une relation, et s’il n’est pas possible de revenir en arrière dans cette relation et la refaire, il est possible de faire pénitence pour ces fautes dans une autre relation d’amour. La femme pécheresse – on ne connaît pas son péché – fait pénitence en l’exprimant par ses larmes et ses gestes de tendresse envers Jésus, mais ces gestes sont le signe d’un amour pur qu’elle a pour Jésus, et c’est cet amour qui est le vrai repentir, non pas les larmes ou tout autre geste extérieur. Jésus le dit clairement : Ses nombreux péchés ont été pardonnés: car elle a beaucoup aimé. L’amour vrai, pur, profond, qui ne cherche pas soi-même, mais l’autre, l’amour de Dieu, du prochain, des ennemis, sollicite le pardon divin, qui ne manque de venir, car Dieu est amour, celui qui demeure dans l’amour demeure en Dieu et Dieu demeure en lui(1 Jn 4, 16).


Je jette mon âme à leurs pieds

Je jette mon âme à leurs pieds 
La douleur d’autrui est brûlante.
Ils trempent dans l’eau la mie de pain
Amer est le miel de leur labeur.
Salle commune d’hôpital
Où quelqu’un meurt à l’instant ;
Comptoir d’un bar où un autre
Boit le lourd oubli des années.
Pesante angoisse sans chemin, 
Travaille et tue-toi à la peine ; 
Nul au monde ne te montrera 
La voie large qui mène en haut.
Tribu insensée, où vas-tu ?
D’usine en fabrique, et après ?
Écoute, au ciel des chocs d’armures,
Bruits d’ailes, lances, tonnerres...
Le combat n’a pas lieu sur terre 
Mais au-dessus de l’existence ;
Devant les armées flamboie 
L’Archistratège éblouissant.

Sainte Marie de Paris
(Mère Marie Skobtsov)


L’UNIVERS EST COMPOSÉ D’AMOUR

Il y a un dizaine d’années, vers 1994, un ami m’a raconté un songe qu’il a eu. Des êtres spirituels – on imagine des anges – l’avaient pris par la main pour le faire monter au-delà de la terre, très haut, très loin, dans un lieu inconnu. Là, un maître lui avait enseigné que l’univers était composé d’amour. Les détails du personnage qui enseignait et du lieu étaient perdus, mais mon ami se souvenait d’avoir dit clairement à la fin de l’enseignement : « Maintenant je comprends, tout l’univers, même la matière, est une forme d’amour ». Puis on le ramenait vers la terre. Ce rêve avait marqué mon ami et il s’en souvint bien longtemps, chose exceptionnelle, car généralement il ne se souvenait jamais de ses rêves. Par la suite justement, il en fut troublé : Qu’est-ce cela voulait dire au juste, que l’univers était composé d’amour, que même la matière était amour ? Comment la matière peut-elle être amour, une qualité ou un acte spirituel ou psychologique qui se rapporte aux relations entre deux êtres personnels ? Du point de vue rationnel, l’enseignement n’avait pas de sens, contredisait la science… ou ouvrait-il une porte vers une autre vision du monde,le monde pénétré, vivifié, même la matière que nous croyons être « inerte », sans vie, par les énergies divines, en l’occurrence l’amour, énergie divine par excellence, car « Dieu est Amour » (1 Jn 4). Mon ami restait perplexe, incapable de sonder d’avantage ce mystère. Mais la mémoire du songe ne lui quittait pas, même après de longues années, et en particulier, il se souvenait de la clarté de l’enseignement et de la certitude avec laquelle il avait dit : « Maintenant je comprends, même la matière est une forme d’amour ».


NOS AUTEURS / POUR ALLER PLUS LOIN

Argenti, (Père) Cyrille (1918-1994) : Prêtre orthodoxe français d’origine grecque, il a desservi d’abord la paroisse grecque de Marseille, puis il a été recteur de la paroisse francophone Saint-Irénée à Marseille. Humble et doux de cœur, grand pasteur, ses principaux écrits sont réunis dans le livre N’aie pas peur (Cerf/Le sel de la terre, 2002).

Djalâl-Od-Dîn Rûmî (1207-1273) : Mystique et poète persan, né à Khorâsân (aujourd’hui en Iran), décédé à Konya (Turquie moderne), qui devint le centre principal du soufisme, école mystique de l’islam. Il fonda les derviches tourneurs et est considéré comme un des principaux représentants et interprètes du soufisme.

Gillet, (Père) Lev (1893-1980) : Moine français entré en communion avec l’Église orthodoxe en 1928, l’humble " Moine de l’Église d’Orient " - son de plume - a accompli des ministères les plus divers à Paris (1928-1938) et à Londres (1938-1980). Prédicateur et écrivain spirituel inspiré, sa biographe Élisabeth Behr-Sigel le caractérise comme " un libre croyant universaliste, évangélique et mystique ". Voir les Pages Père Lev Gillet.

Ibn Arabi (1165-1240) : Philosophe, mystique et poète arabe, né en Andalousie (Espagne) et décédé à Damas. Auteur d’une conception mystique de la vie humaine, qui eut une influence considérable sur le soufisme.

Joseph l’Hésychaste (1898-1959) : Moine grec du Mont-Athos, un des principaux auteurs du « renouveau monastique » de la Sainte Montagne dans la deuxième moitie du XXesiècle, notamment par l’influence de ses enfants spirituels dans les différents monastères. Voir sa biographie L’Ancien Joseph l’Hésychaste (Cerf) et ses Lettres (L’Âge d’Homme).

Khodr, (Mgr) Georges : Métropolite du Mont-Liban, un des chefs de fil du renouveau de l’Église antiochienne depuis les années 1950 ; participant actif aux dialogues œcuméniques et interreligieux. Nombreux écrits en arabe et en français – voir ses livres aux éditions Cerf/Le sel de la terre.

Ladouceur, Paul : Orthodoxe québécois, membre de la paroisse Saint-Benoit-de-Nursie (Montréal) et de la communauté orthodoxe Saint-Séraphim-de-Sarov (Rawdon, Québec), responsable du site web Pages Orthodoxes La Transfiguration, et du Bulletin Lumière du Thabor ; auteur de Rencontre avec l’Orthodoxie et de la version anglaise Living Orthodoxy.

Marie de Paris (Sainte) (Mère Marie Skobstov) (1891-1945) : Poète, artiste, théologienne, écrivain russe exilée en France dès 1924. Mariée deux fois, mère de trois enfants, elle devint moniale en 1932 et se dévoua aux pauvres et aux malheureux. Arrêtée en 1942 pour ses activités en faveur des juifs, déportée en Allemagne et décédée au camp de Ravensbrück, elle fut canonisée en 2004. Voir les Pages Sainte Marie de Paris, en particulier ses écrits La piété évangéliqueLe second commandement de l'Évangile et De l'imitation de la Mère de Dieu.

Men, (Père) Alexandre (1935-1990) : Prêtre russe, prédicateur et père spirituel qui attira à l’Église beaucoup de jeunes et d’intellectuels en quête d’une authentique vie spirituelle. Auteur de plusieurs livres édités en premier lieu à l’étranger, dont une magnifique vie de Jésus, Jésus, Maître de Nazareth (Nouvelle Cité) et une histoire religieuse de l’humanité. Assassiné le 9 septembre 1990, alors qu’il était devenu une personnalité très en vue de la « nouvelle Russie ». Voir les Pages Alexandre Men et ses livres aux éditions Cerf/Le sel de la terre.

Nârada : Grand saint hindou des temps anciens, il figure dans les Purâna et le Mahâbhâratatextes importants datant d’avant l’époque chrétienne. Considéré comme un grand adorateur de Dieu, on lui attribue certains hymnes du Rigveda.

Silouane l’Athonite (Saint) (1866-1938) : Moine russe du Mont Athos, grand spirituel et starets, qui vécut dans l’humilité et l’obscurité. Sa sainteté fut reconnue par quelques-uns de son vivant, notamment par son disciple l’Archimandrite Sophrony, qui le fit connaître par son livre Starets Silouane, Moine du Mont Athos (Présence). Voir les Pages Saint Silouane l'Athonite et Archimandrite Sophrony, en particulier la page L’Amour des ennemis.

Staniloae, (Père) Dumitru (1903-1993) : Prêtre roumain, un des plus important théologiens orthodoxes du XXe siècle. Emprisonné six ans (1958-1964) par le régime communiste, il est l’auteur de plusieurs écrits importants sur saint Grégoire Palamas, la sotériologie, la théologie mystique et la théologie dogmatique, ainsi que d’une Philocalieen douze volumes.

Stavrou, Sophie : Orthodoxe française, elle enseigne le grec à l’Institut de théologie orthodoxe Saint-Serge à Paris.

Vivekânanda (Swâmi) (1863-1902) : Le plus important disciple de Râmakrishna, saint hindou du XIXe siècle. Il participa au Parlement mondial des religions à Chicago en 1893 et fonda ou inspira par la suite de nombreuses sociétés Vedânta en Occident. Voir ses écrits sur les différents types de yoga (voie ou pratique hindoue) édités chez Albin Michel.

Ware, (Mgr) Kallistos : Orthodoxe anglais, évêque du Patriarcat œcuménique, ancien professeur d’études de l’Orient chrétien à Oxford. Un des auteurs et conférenciers orthodoxes contemporains les plus appréciés, à la fois dans les milieux anglophones et francophones. Voir ses livres en français aux éditions Cerf/Le sel de la terre ; aux Pages Orthodoxes, voir Étrange et pourtant familière : Ma voie vers l'Orthodoxie (portrait autobiographique), La voie du repentirDe la mort et de la résurrectionLa puissance du Nomet Le rôle du père spirituel.

Yannaras, Christos : Théologien laïc grec, un des plus éminents représentants du renouveau théologique en Grèce dans la deuxième moitie du XXe siècle. Fondateur d’une remarquable revue Synoro et participant actif du mouvement Nea Orthodoxia (Nouvelle Orthodoxie), auteur de nombreux livres en grec, dont certains traduits en français : La Foi vivante de l’Église (Cerf), Vérité et unité de l’Église (Axios), et Dieu est amourLiberté de la morale et Philosophie sans rupture (Labor et Fides).


 


Dernière modification: 
Jeudi 8 septembre 2022