Père Lev Gillet

Père Lev Gillet « Un Moine de l'Église d'Orient »

Père Lev Gillet : « Communion dans le Messie »

Afin de situer dans le parcours du père Lev Gillet les textes qui suivent, le lecteur peut consulter en particulier la section « Le "Dialogue avec Tryphon" » à la page Le pèlerin sans frontières - Vie du père Lev Gillet.

LE « DIALOGUE AVEC TRYPHON » DU PÈRE LEV GILLET :
    LEV GILLET ET PAUL LEVERTOFF


PRÉFACE DU VOLUME « JUDAISM AND CHRISTIANITY :
    ESSAYS PRESENTED TO THE REV.PAUL P. LEVERTOFF »

QUESTIONS CONCERNANT LA CHÉKINAH

DE LA VIE INTÉRIEURE DU FIDÈLE JUIF


LE « DIALOGUE AVEC TRYPHON »

DU PÈRE LEV GILLET :

LEV GILLET ET PAUL LEVERTOFF

À l’automne de 1937, père Lev Gillet se rendit à Londres en vue de s’y installer. Son principal contact à ce moment-là était le révérend Paul Levertoff, juif devenu prêtre anglican[1]. À l’âge de 18 ans, Paul Levertoff, né en Russie en 1879 de parents juifs, « accepte le Christ », sans pour autant se détacher de ses racines juives. Après la première guerre, il s’installe en Angleterre et est ordonné prêtre dans l’Église anglicane. Il aspire à « une expression sémitique du message chrétien – un message, à son avis, trop unilatéralement coulé dans le moule de la pensée grecque »[2]. Paul Levertoff réunit autour de lui d’une communauté judéo-chrétienne, il élabore une liturgie judéo-chrétienne pour l’usage de sa communauté, il fait des recherches sur des aspects ignorés ou mal connus du judaïsme, puis, avec la montée de l’antisémitisme en Allemagne et en Autriche sous les nazis, il tente de sensibiliser les chrétiens britanniques à la menace qui pèse sur les juifs. Au moment où père Lev Gillet prend contact avec lui en 1937, Paul Levertoff s’apprête à ouvrir un « foyer » pour des juifs et des chrétiens d’origine juive fuyant le nazisme.

Le père Lev Gillet est déjà familier avec le milieu judéo-chrétien de Paul Levertoff, de par ses contacts à Paris dans la communauté juive, en particulier par sa connaissance qui date d’environ 1933 d’Aimé Pallière. Aimé Pallière était un catholique devenu interprète et porte-parole du judaïsme conçu comme religion universelle. Accepté dans les milieux juifs, Aimé Pallière écrit et prêche sur « l’essence spirituelle du judaïsme », par exemple, sur le thème du « Serviteur souffrant » du second Isaïe, thème repris et approfondi par père Lev, non seulement dans ses écrits sur le « Dieu souffrant », mais aussi comme leitmotiv de toute sa méditation, ses homélies et ses écrits sur « l’Amour sans limites ».

Paul Levertoff propose une collaboration avec père Lev dans le cadre du foyer pour les réfugiés juifs et judéo-chrétiens qui doit s’installer dans le East End de Londres. Sans doute influencé par le foyer de mère Marie (Skobtsov) à Paris, où père Lev a habité et œuvré à coté de mère Marie pendant trois ans, père Lev accepte la proposition de Paul Levertoff, sujet à l’accord de son supérieur ecclésiastique, le métropolite Euloge (Georgievski). Mgr Euloge accorde sa bénédiction, voyant un avantage à l’installation d’un de ses prêtres en Angleterre dans le cadre du dialogue orthodoxe-anglican auquel l’évêque est particulièrement attaché.

En février 1938, père Lev s’installe à Londres, devenant warden du foyer créé par Paul Levertoff. Père Lev aime les jeunes réfugiés du foyer, dont beaucoup poursuivent des études, d’autres l’apprentissage de métiers. Relativement libre même avec ses responsabilités au foyer, père Lev amorce une vaste étude sur les rapports entre le judaïsme et le christianisme, dont le résultat le plus important sera, en particulier, le livre Communion in the Messiah, publié à Londres en 1942, en plein guerre mondiale[3]. Père Lev s’occupera du foyer jusqu’au printemps de 1940, quand les autorités britanniques internent les jeunes, considérés comme citoyens de pays avec lesquels le Royaume-Uni est en guerre, dans un camp dans les îles anglo-normandes, puis les envoient en Australie. L’habitation où était situé le foyer est complètement détruite au cours des bombardements aériens allemands de l’été et l’automne 1940.

En 1939, les amis de Paul Levertoff décident de publier un livre d’essais en son honneur sur le thème général du judaïsme et du christianisme[4]. On demande au père Lev Gillet, à peine en Angleterre depuis un an, d’agir comme « Editor » (directeur de publication) du volume. Le livre réunit dix textes, écrits pour la plupart par des théologiens anglicans, avec une courte Préface et un essai en français de père Lev, « Questions concernant la Chékinah ». Ce texte, remanié, fait partie du chapitre III de Communion in the Messiah, « Judaism and the Christian Creed ». Il semble que « Questions concernant la Chékinah » soit le seul écrit en français de père Lev issu du « dialogue avec Tryphon ».


PRÉFACE DU VOLUME

« JUDAISM AND CHRISTIANITY : ESSAYS PRESENTED

TO THE REV.PAUL P. LEVERTOFF » (1939)

À l’occasion du soixantième anniversaire du Dr Paul Levertoff, quelques-uns de ses amis ont rassemblé les essais qui suivent comme signe de leur admiration pour lui et pour la cause à laquelle il a dédiée sa vie.

Deux des contributeurs au livre sont décédés. Le Canon Gouge est mort peu après la parution dans la revue The Church and the Jews de l’essai reproduit ici. L’essai de Mgr Frere, publié également dans cette revue, n’a pas été rédigé en vue de ce livre, mais eu égard à son amitié de longue date avec le Dr Levertoff, nous avons cru juste d’inclure ici ces lignes, qui datent vers la fin de sa vie. Nous rendons un hommage respectueux à la mémoire de ces deux grands ecclésiastiques anglicans.

Les pages qui suivent parlent longuement du Dr Levertoff et des problèmes judéo-chrétiens et il n’est donc pas nécessaire que nous entamions ces sujets ou que nous les présentions au lecteur. Mais il convient cependant de souligner une question. Les amis de Dr Levertoff sont parfois déçus du retard que prend la publication d’œuvres importantes qu’il prépare depuis bien longtemps. La tache impérieuse de sa vie semble toujours être reportée par des activités secondaires. Le travail en faveur des réfugiés juifs lui impose de plus en plus de responsabilités. Le foyer des étudiants à Shoreditch absorbe une bonne partie de son temps. Avons-nous à le regretter ? L’aspect intellectuel des relations entre juifs et chrétiens a peut-être souffert un peu. Mais, si on a donné abri et on a nourri les corps souffrant, si on a consolé et aidé les âmes en peine, ne devons-nous nous en réjouir ? Ce qui plus est, l’excursus récent et osé du Dr Levertoff hors du domaine de l’érudition fut une leçon à certaines personnes sceptiques. Cela démontre qu’il y a des cas où les personnes soi-disant « pratiques » se révèlent inefficaces ou des trouble-fête, alors que les rêves fantaisistes de l’idéaliste se réalisent.

La responsabilité de la préparation de ce volume fut confiée à un hiéromoine de l’Église orthodoxe, enseignant à l’Institut théologique russe de Paris. Cela se comprend par le fait qu’il collabore étroitement avec le travail de Dr Levertoff au Holy Trinity Students’ Hostel. Au moment où l’on parle beaucoup d’« œcuménisme », la collaboration entre deux prêtres, des Églises anglicane et orthodoxe, peut être considérée comme une petite anticipation sur ce qui est possible à une échelle plus vaste, et aussi comme une indication des possibilités existantes dans le christianisme juif de forger de nouvelles voies vers l’Unité chrétienne. Chaque jour je suis témoin des efforts à la fois modestes et ardus du Dr Levertoff en faveur de « ses » étudiants, et je trouve une joie continuelle à vivre avec ces jeunes hommes doués. Pour cela j’exprime ma profonde gratitude, à lui et à eux.

Puisse le Pasteur d’Israël accorder à Paul Levertoff pour de nombreuses années les bénédictions promises aux doux, aux cœurs purs, aux miséricordieux, et au sage rabbin qui tire du trésor de la connaissance divine des choses vieilles et des choses nouvelles.

Lev Gillet,
Prêtre de l’Église orthodoxe russe.
Holy Trinity Students’ Hostel,
Shoreditch, août 1939.
Traduit par Paul Ladouceur.


QUESTIONS CONCERNANT LA CHÉKINAH

par père Lev Gillet

Jeter un pont entre la pensée religieuse d’Israël et la pensée chrétienne nous semble être une des tâches essentielles de Paul Levertoff. (Nous ne disons pas que ce soit la sa tâche principale, car jeter un pont entre la prière d’Israël et la prière du Christ, entre l’amour hassidique et l’amour chrétien, importe plus encore à ses yeux que l’œuvre intellectuelle.) Depuis l’époque patristique et conciliaire, le christianisme s’est exprimé dans les termes de la pensée grecque. Une christologie hébraïque n’a pas encore été élaborée. Nous attendons du Dr. Levertoff qu’il fraye la route vers ce but.

On ne peut essayer d’édifier une christologie hébraïque sans considérer longuement la question si complexe de la Chékinah. Ce que fut le Logos pour la pensée hellénochrétienne, la Chékinah pourrait l’être pour la pensée judéo-chrétienne. Cette question de la Chékinah et de ses rapports avec la christologie est, nous le savons, au centre même des préoccupations théologiques du Dr. Levertoff. C’est pourquoi le travail qu’il prépare depuis longtemps sur le thème Christ and the Shekinah sera « le livre de sa vie ».

Il ne nous appartient pas d’anticiper ici sur ce livre. En consacrant dans le présent recueil quelques lignes à la Chékinah, nous ne prétendons ni reprendre ni même résumer les recherches historiques, philologiques, exégétiques dont la Chékinah a été l’objet de la part de spécialistes éminents[5].

Nous ne voulons pas davantage prévoir les conclusions auxquelles aboutira le Dr. Levertoff. Nous supposerons connu de nos lecteurs le dénombrement qui a été fait de tous les passages de la littérature rabbinique où la Chékinah se trouve mentionnée et les discussions de détail auxquelles ces passages ont donné lieu. Notre désir serait d’indiquer simplement sans essayer de les résoudre les principaux problèmes que la notion de Chékinah pose à la pensée chrétienne. Il ne s’agit d’autre chose que d’« introduire » et d’énoncer quelques problèmes avec un peu de clarté.

Des questions d’ordre historique se posaient tout d’ abord. Elles concernent le destin du mot et de la notion de Chékinah dans l’évolution de la pensée juive. Le terme de Chékinah, on le sait, ne se rencontre pas dans la Bible, quoiqu’on y trouve le verbe cheken, « demeurer, résider », d’où a été forme le substantif Chékinah, « demeure, présence ». C’est dans la littérature postbiblique, dans les Targumim, le Talmud, la Midrash, que l’idée de la Présence devient synonyme de Dieu lui-même. Or cette littérature rabbinique est assez tardive pour qu’on puisse poser la question de ses rapports avec les croyances chrétiennes des premiers siècles. Pour ne citer qu’un exemple, le Targum d’Onkelos, qui est un « lieu » classique relativement à la Chékinah, pourrait être contemporain des Synoptiques s’il avait été réellement écrit par Onkelos ; mais nous savons qu’il a été formé après Onkelos, dans les milieux babyloniens, à une époque où existait déjà une pensée chrétienne bien constituée. Nous sommes donc amenés à considérer deux hypothèses. Ou la littérature chrétienne primitive, dans ses passages « immanentistes » (notamment dans le quatrième Évangile), aurait utilisé une idée déjà en circulation dans les milieux juifs. Ou au contraire, la littérature immanentiste juive, a partir de la fin du Ier siècle, se serait inspirée de certaines notions chrétiennes. Cette deuxième hypothèse est elle-même susceptible de variantes. Il se pourrait qu’un emprunt fait par la pensée juive au christianisme ait résulte d’une pénétration naturelle et irénique. Il se pourrait aussi que cette influence ait pris la forme d’une réaction polémique. Peut-être les rabbins ont-ils voulu montrer que la croyance Israël admettait un Dieu aussi proche des hommes, aussi présent parmi eux que le Dieu chrétien (quoique sans Incarnation). Peut-être, au contraire, par opposition a l’idée chrétienne du médiateur, les rabbins ont-ils voulu insister sur la notion épurée et spirituelle de la présence. Cette dernière possibilité mérite d’être prise en sérieuse considération. est remarquable, en effet, que la notion de Chékinah ait fini par absorber complètement certaines autres notions immanentistes telles que celles de la « parole » (memra) et de la « gloire » (yekara, kabod). Chose étrange : même dans les versions araméennes, nous voyons le mot hébreu Chékinah se substituer aux mots araméens, memra et yekara. Ne serait-ce point parce que les versions araméennes étant surtout destinées au peuple, il importait de prémunir celui-ci contre les anthropomorphisations ? et ce dernier souci ne viserait-il pas, en derrière analyse, les conceptions chrétiennes ? Ludwig Blau a écrit : « The polemic attitude which the conception of the Shekinah betrays toward the founder and the ideal of Christianity is unmistakable »[6] .

Cette assertion manque de preuves décisives ; il y a là, néanmoins, « quelque chose » qui mérite d’être élucidé et ne manque pas d’une apparente vraisemblance. Mais il faut creuser plus profondément. Même si le développement rabbinique de la notion de Chékinah s’est opéré sous des influences chrétiennes et peut-être en réaction contre le christianisme, il reste à expliquer la genèse de cette notion. Ni les écrivains juifs ni les écrivains chrétiens de la fin du Ier siècle ne l’ont créée de toutes pièces. Elle devait exister déjà dans la tradition israélite. S’est-elle formée à l’époque des Apocryphes ? quelle serait dans cette formation le rôle exact du judaïsme alexandrin ? Autant de questions à résoudre, et dont on saisit le puissant intérêt.

Un autre groupe de problèmes relatifs à la Chékinah se rattache a l’exégèse du Nouveau Testament. Il existe au moins deux textes néo-testamentaires où l’allusion à la Chékinah parait probable. C’est Jean 1, 14 : Le Verbe s’est fait chair et il a demeuré parmi nous ; et Apocalypse 21, 3 : Voici la demeure de Dieu avec les hommes[7]. Il semble bien qu’il y ait ici un jeu de mots voulu entre les termes grecs eskinosen et skini, d’un emploi assez rare, et la racine hébraïque cheken. Mais ceci n’est pas certain et devrait faire l’objet d’investigations approfondies.

D’autre part, la notion juive de la présence ou de la demeure divines n’auraient-elles pas influé sur certains textes de Paul ? Aussi Colossiens 2, 9 : En lui habite toute la plénitude de la divinité ; et encore 2 Corinthiens 6, 16 : Car nous sommes le temple du Dieu vivant. Même idée dans Jean 14, 23 : Nous ferons chez lui notre demeure. Tous ces textes évoquent l’habitation de Dieu dans le Temple si fréquemment mentionnée par l’Ancien Testament, et à laquelle les Targumim ont substitué le « repos de la Chékinah ».

Il faudrait enfin examiner de près les textes néo-testamentaires parlant de la doxa. L’idée de doxa absorbe celle de kabod ou yekara, le mot se réfère (déjà dans les Septante) à la gloire de Dieu manifestée par la Chékinah. Le patriarche Gamaliel et Rabbi Joshua b. Hananiah ont nettement parlé de la Chékinah comme du rayonnement d’une lumière visible. Cette notion pourrait donc être sous-entendue dans quelques textes du Nouveau Testament relatifs à la gloire. Par exemple Jean 1,14 : Nous avons vu sa gloire, gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique. Nous ne pouvons pas affirmer qu’il s’agisse ici de la Chékinah ; mais nous pensons que l’attention des exégètes devrait se porter davantage sur ce point.

La notion de Chékinah soulève enfin un ensemble de questions de proprement théologiques, si l’on essaie de l’appliquer a la christologie. Nous indiquerons ici quatre de ces questions, qui nous semblent être les principales.

Premièrement, la Chékinah est-elle une simple périphrase pour désigner Dieu, une manière de parler ? En d’autres termes n’implique-t-elle rien de plus que l’omniprésence divine ? Ou, au contraire, s’agit-il d’une présence spéciale, localisée en un point de l’espace, déterminée dans le temps et liée à la libre grâce et condescendance de Dieu ? C’est en ce dernier sens que parlent beaucoup de rabbins, qui associent la Chékinah au Tabernacle, au Sinaï, au buisson ardent, à la colonne de lumière, etc. Il est évident que nous ne pouvons interpréter le Christ en termes de Chékinah que si celle-ci indique une présence divine très spéciale.

Deuxièmement, la Chékinah étant une présence de Dieu spéciale et objectivée, rendue perceptible à l’homme, cette présence est-elle directe et immédiate, c’est-à-dire est-ce l’essence divine elle-même qui s’objective ? Ou cette présence est-elle indirecte et médiate, c’est-à-dire a-t-elle comme support une sorte d’intermédiaire qui ne soit pas d’essence divine, tel que la lumière créée ou les anges ? Les deux thèses ont été soutenues. Au XIXe siècle, Gfrirer voyait dans la Chékinah un intermédiaire dans le genre du logos de Philon, tandis que Maybaum et Hamburger y voyaient la présence de l’essence divine elle-même. Cette question était déjà controversée au Moyen-Âge. Maimonide, dans le Guide des égarés, fait de la Chékinah une lumière créée, intermédiaire entre Dieu et le monde. Nahmanide, au contraire, la considère comme l’essence divine directement manifestée. Si l’on professe que Jésus-Christ est la réalisation suprême de la Chékinah, si l’on cherche à atteindre l’Incarnation par cette voie hébraïque (peut-être plus simple et plus accessible que la voie grecque), la christologie changera de sens selon qu’on adoptera l’interprétation de Maimonide on celle de Nahmanide. Se rallier aux vues de Maimonide, c’est renoncer à la consubstantialité de Jésus et du Père. Soutenir la thèse de Nahmanide, c’est sauvegarder la doctrine de l’homoousios [consubstantiel].

Troisièmement, en supposant que la Chékinah soit l’essence divine elle-même, constitue-t-elle une entité distincte de Jahvé ? [ou] s’identifie elle à lui de telle sorte qu’une relation de « je » à « toi » soit impossible entre eux ? ou faut-il entendre dans le sens littéral, dans le sens d’une distinction personnelle compatible avec l’identité essentielle, ces expressions fréquentes : « Dieu envoya sa Chékinah, Dieu fit reposer sa Chékinah ? » Cette dernière interprétation seule permettrait de poser une distinction réelle entre la personne du Père et la personne de Jésus, leur identité de nature demeurant affirmée.

Quatrièmement, quel rapport y a-t-il entre la Chékinah et le Saint-Esprit ? Les notions de Rouah et de Chékinah ont été parfois identifiées, les deux, Chékinah et Rouah ha Kodesch, constituent des expressions de l’immanence divine. La Chékinah et l’Esprit se manifestaient sous forme visible de lumière. L’Esprit était [sous forme d’]une colombe ; la Chékinah elle-même avait des ailes. La différence entre les deux est difficile à préciser. Cependant une étude attentive des attributs de l’Esprit dans l’Ancien Testament et la littérature rabbinique montre que l’Esprit est bien une réalité sui generis. On pourrait donc concevoir une christologie fondée sur la Chékinah, dans laquelle les trois notions du Père, du Fils, du Saint-Esprit trouveraient leur place.

Nous nous en tiendrons à ces quelques pensées. Nous n’avons fait qu’indiquer des problèmes, formuler peut-être les titres de quelques chapitres d’un traité qui reste à écrire. Mais nous espérons que nous avons fait entrevoir l’importance et la complexité du thème de la Chékinah, spécialement du point de vue de la pensée chrétienne. Espérons que l’œuvre attendue du Dr. Levertoff ouvrira à la théologie judéo-chrétienne sa route propre.

Extrait de : Fr. Lev Gillet,
Judaism and Christianity, Essays presented
to the Rev. Paul Levertoff, D.D
.,
Londres, J.B. Shears & Sons, 1939.


NOTES

[1] Sur Paul Levertoff, voir Jorge Quiñónez, “Paul Phillip Levertoff: Pioneering Hebrew-Christian Scholar and Leader” Mishkan 37 (2002), pp. 21-34 (à l’Internet : http://messianicart.com/davar/articles/levertoff.pdf) ; et Élisabeth Behr-Sigel, Un Moine de l’Église d’Orient, père Lev Gillet, Cerf, 1993, pp. 314-317 et 327-329.

[2] Élisabeth Behr-Sigel, Un Moine de l’Église d’Orient, p. 314.

[3] Lev Gillet, Communion in the Messiah, Studies in the Relationship between Judaism and Christianity, Lutterworth Press, Londres, 1942 ; 1999 ; 2003. Ce livre, jamais publié en français, garde une certaine actualité, même soixante ans après sa première publication. Il fut réédité en anglais en 1999 et en 2003.

[4] Judaism and Christianity; essays presented to the Rev. Paul P. Levertoff. Edited by Fr. Lev Gillet, J. B. Shears & Sons, London [1939]. Sur la page de titre, père Lev est présenté comme étant « of the Russian Church, Paris » – « de l’Église russe, Paris ». 
[5] Voir en premier lieu J. Abelson, The Immanence of God in Rabbinical Littérature. Londres, 1912. Voir aussi S. Maybaum, Anthropomorphien . . . . mit besonderer Beriicksichtigung der Schechinha, Breslau, 1870; A. F. Gfriirer, Geschichte des Urchrisenthums, Petrograd, 1838; G. Dalman, Die Worte Jesu, Leipzig, 1898; F. Weber, Jüdische Theologie, Lcipzig, 1897; voir enfin les articles consacrés a la Chékinah dans Hastings, Dict. Bible; Herzog-Hauck, Prof. Realencycl.; Schaff-Herzog. The New Encyclopedia; dans la Jewish Encyclopedia.

[6] Jewish Encyclopedia, XI, p. 260. [« L’attitude polémique que la conception de la Chékinah révèle à l’égard du Fondateur et de l’idéal du christianisme est sans équivoque ».]

[7] Nous avons substitué la version française de la Bible de Jérusalem à la place du texte grec utilisé par père Lev Gillet pour les citations néo-testamentaires [NDLR].

 


DE LA VIE INTÉRIEURE DU FIDÈLE JUIF

par père Lev Gillet

Le centre du culte juif, le Sabbat rituel, le Sabbat de la tradition, est le sommet visible de la joie spirituelle intérieure et la contrepartie du Sabbat essentiel, le Sabbat du cœur (o quanta qualia sunt illa sabbata !). Si trop de juifs se contentent de la seule observance rituelle et ont perdu le sens de la vie intérieure, il est d’avantage vrai que la plupart des chrétiens n’ont pas la moindre idée des trésors cachés de la piété personnelle juive. La connaissance et l’appréciation de cette piété font partie intégrante du rapport juste entre le christianisme et le judaïsme. Nous voulons présenter ici au moins un aperçu de la religion personnelle chez les Israélites modernes. La façon la plus simple est peut-être de mentionner et d’expliquer brièvement quelques termes et idées de la spiritualité juive.

Hesed, la grâce : Nous commençons avec cette idée parce qu’elle exprime les fondements mêmes de la vie intérieure juive. Abelson doute que l’« intensité d’intimité » suggérée par le mot hesed « n’est jamais bien communiquée en traduction ».[1] De fait hesed veut dire plus que la grâce ; cela comprend tout ce qui est suggéré par les mots grecs charis, agapè et eleos, et par les mots français « bonté », « bienveillance » et « miséricorde ». Son sens est mieux exprimé par la belle expression « amour bienveillant » (lovingkindness). Hesed décrit l’amour de Dieu pour l’homme plutôt que l’amour de l’homme pour l’homme ou pour Dieu ; c’est la miséricorde qui descend, la condescendance divine, un don pur et gratuit.

Mitsvah, le commandement : Nous connaissons l’importance de l’obéissance dans le judaïsme et nous avons vu que cette obéissance n’est pas un simple légalisme. Le « commandement » dans la terminologie rabbinique comprend toute responsabilité morale et religieuse fondé sur la volonté divine. Mais il exprime aussi toute acte de bonté humaine, toute « bonne œuvre ». Quand un garçon juif a terminé sa treizième année, il atteint l’âge de la responsabilité religieuse et devient un Bar mitsvah, un « fils du commandement », et une cérémonie spéciale dans la synagogue marque cette étape.

Garder les commandements se traduit par une fidélité aux conseils continuellement reçus. Les anciens rabbins disaient qu’un ange précéde chaque dibbur ou parole de Dieu et demande à chaque Israélite s’il accepte telle ou telle dibbur et tout ce qu’elle implique.[2] Le joug divin n’est pas lourd et pénible. Étroitement lié avec l’idée de mitsvah est le simka shel mitsvot, la « joie dans les commandements », phrase rabbinique caractéristique que nous rencontrons bien souvent. Dans la même ordre d’idées appartient le terme lishmah, qui exprime le service fait à cause de Dieu lui-même, sans motif ultérieur ou attente de récompense.

Emunah, la foi : Ce n’est qu’au Moyen-Âge qu’emunah a reçu sens de croyance dogmatique. Dans les anciens textes rabbiniques ainsi que dans la Bible, emunah signifie soit fidélité et loyauté, ou confiance et foi en Dieu.

Kavanah, l’intention : À l’origine le mot kavanah signifiait l’idée générale de dévotion, un état de consécration religieuse de l’intelligence et du cœur au travail à accomplir. Dans un sens technique précis, il signifie l’intention d’accomplir un précepte divin ; cette intention est essentielle. Les rabbins cherchaient à savoir si des gestes religieux prescrits par la Loi, mais accomplis sans pensée du commandement divin, pourraient être considérés comme ayant satisfait à la Loi. Une intention distincte et une préparation intérieure sont nécessaires avant l’accomplissement d’un « commandement ». Cela indique à quel point le judaïsme est loin d’être seulement une observance mécanique et juridique. Le rabbin Meir écrivit : « Tout dépend du kavanah du cœur ».[3]

Teshubah, le repentir : On ne trouve ce mot que dans la littérature post-biblique, mais il trouve son origine dans le verbe biblique shub, « retourner ». Il correspond en bonne partie à la métanoïa grecque, le « changement de l’esprit » salué par les Évangiles. On trouve dans les écrits rabbiniques beaucoup de beaux textes sur le repentir et le pardon, tels que ceux-ci : « Dieu dit : mes mains sont étendues vers le pénitent ; je ne rejette personne qui me donne son cœur dans le repentir » ; « La main de Dieu s’étend sous les ailes du chariot divin afin de saisir le pénitent du bras de la justice » ; « Ouvre pour moi une porte du repentir grande comme le chas d’une aiguille et j’ouvrirai pour toi des portes pour laisser passer chariots et chevaux » ; « Celui qui se repend véritablement » est vu par Dieu comme s’il s’était rendu à Jérusalem, avait rebâti l’autel et avait offert tous les sacrifices de la Loi.[4]

Les écrits hassidiques disent : « Comme la venue du Messie, l’éveil du pécheur arrive inattendu… Le pécheur, en qui la lumière du feu divin est éteinte, est plus grand lorsqu’il se repent que les justes qui n’ont pas besoin de repentir… Puisqu’il n’a rien en lui-même qui puisse éveiller la vie spirituelle, il se jette entièrement dans les bras de Dieu ».[5] La encore, nous sommes loin du juridisme.

Le repentir est associé au messianisme : « Le roi Messie… conduira tous les hommes dans le repentir devant Dieu »[6].

Le repentir et la pénitence sont deux notions étroitement liées. La considération du teshubah soulève la question de l’ascétisme et de la souffrance dans le judaïsme. Il est habituel d’opposer la joie de vivre juive avec l’ascétisme chrétien et d’affirmer que pour le juif, le monde n’est pas une vallée de larmes, mais un mondé de beauté. L’optimisme et la passion de vivre des Juifs sont évidentes. Un examen attentif de la tradition juive, cependant, démontrera que l’ascétisme n’est point exclu. « Quelle est la voie qui mène les hommes au monde à venir ? La souffrance. Rabbi Nehemiah dit : “Bien-aimées sont les souffrances, car, de même que les sacrifices ont mené à l’acceptation, ainsi les souffrances mènent à l’acceptation ».[7] Le monde n’est qu’une halte sur le chemin, « l’antichambre du palais »,[8] « un gîte du passant ».[9] Est-ce différent de la perspective ascétique chrétienne ? Nous acceptons pleinement les paroles de Montefiore : « Il me semble que des récits tels que celui de Chanina, pour qui une mesure de pain brut était nourriture suffisante pour une semaine, démontrent que les rabbins n’étaient pas de gens modérés et « mi-chemintistes » tels que, à contraster avec l’ascétisme chrétien, certains de leurs apologètes modernes aimaient les présenter. Ils savaient ce que voulait dire le ferveur, et ils connaissaient quelque chose de la passion, de l’exagération et les paradoxes de la vraie religion ».[10]

On trouve une trace de cette tendance ascétique dans les lois du mariage et les prescriptions concernant la vie sexuelle.[11]

Tefillah, la prière : On attache une très grande importance aux rites extérieurs de la prière individuelle. Les franges et les phylactères, par exemple, ont une signification profonde. S’envelopper dans les franges et placer les phylactères sur sa tête et son bras signifie se fortifier dans la foi. « Dieu se trouve en l’homme qui se couronne des phylactères et qui s’enveloppe des franges ».[12] Mais on attache une importance encore plus grande à l’aspect intérieur de la prière. Le Talmud dit « Quel service est le service du cœur ? La prière ».[13] Rabbi Simon recommande de ne pas faire de la prière une tache fixe.[14] Rabbi Éliézer pense que si un homme ne ressent pas un véritable dévotion du cœur, il ne devrait pas prier.[15] Le théologien médiéval Bahya dit : « La communion de l’homme avec Dieu suit habituellement les lignes de prières fixes. Mais cela n’est pas nécessaire. La prière peut être celle du cœur, sans mots ».[16] Selon le Zohar, la prière du pauvre a préséance sur celle de Moïse ou de David, car le pauvre a le cœur brisé et Dieu est proche de ceux qui ont le cœur brisé. Lorsque le pauvre prie, Dieu ouvre toutes les fenêtres du ciel ; toutes les autres prières doivent céder devant celle du pauvre. Dieu dit : Que toutes les autres prières attendent ; que cette plainte parvienne à moi.[17]

Ahabah, l’amour : Le véritable amant de Dieu et de l’homme est celui qui peut « recevoir les offenses et ne pas être contrarié ; entendre les paroles de mépris et ne pas répliquer ; agir seulement par amour et se réjouir même dans les difficultés, comme épreuves de l’amour pur »[18].L’amour est conçu comme un principe cosmique dans la philosophie de Hasdai Cresais et, par lui, dans celle de Spinoza (amor intellectualis), alors que pour Maimonide, l’intellect créateur était l’essence de la Diète. La notion de l’amour comme principe unifiant tout fut développé surtout par Léo Hebraeus ou Abravenel.[19]

Chékinah, la présence de Dieu : La Chékinah joue un rôle majeur dans l’expérience personnelle du croyant pieux. La Présence est aux cieux et sur la terre : la Chékinah supérieure réside dans les hauteurs ; la Chékinah inférieure demeure avec les douze tribus saints. Mais la Chékinah supérieure et la Chékinah inférieure sont « entrelacées » et « agissent conjointement. »[20] « Dès le premier jour où Dieu créa l’univers, il voulait habiter parmi ses créatures dans le monde inférieur ».[21] Selon Nahmanides, après la mort le vrai Israélite trouvera sa manne, sa nourriture, la source de sa vitalité permanente dans une sainte union avec la Chékinah. « Celui qui prie doit considérer que la Chékinah veille sur lui. »[22] Dans le Zohar, Rabbi Siméon applique d’une façon élégante à la Chékinah la parole de la Shunamite biblique à son époux : « Construisons pour l’homme de Dieu une petite chambre sur la terrasse, et nous y mettrons pour lui un lit, une table, un siège et une lampe » [2 R 4,10]. Par nos prières vespérales, dit le Rabbi, nous faisons un lit pour la Chékinah ; en récitant le « sacrifice » le matin, nous lui fournissons une table (l’autel des sacrifices) ; par les prières que nous disons assis, nous lui donnons une chaise ; par les bénédictions dites avec les lumières, nous lui donnons une lampe. « Et béni celui que se concentre ainsi quotidiennement à donner l’hospitalité au Très-Saint ! La Chékinah le saluera comme son Épouse avec joie, jour après jour ! »

*  *  *

Nous pourrions parler d’autres aspects importants de la piété juive, par exemple l’humilité et l’aumône, mais ce que nous avons déjà mentionné donne une idée véritable, quoique élémentaire, de la vie intérieure d’un juif pieux. Nous ajouterons quelques mots sur l’idée juive de la sainteté. La tradition juive distingue entre sainteté (hasidut) et sacré (kedushah). Le sacré est l’état de séparation des personnes ou des objets de tout ce qui est profane, et se rapporte à la Loi mosaïque. La sainteté est un type élevé de piété personnelle qui implique beaucoup plus que la seule obéissance aux commandements. Le Talmud reconnaît des « saints anciens » comme Hillel et l’Ancien, rabbi Syméon le Saint, le martyr Judah ben Baba, les rabbins babyloniens Huna et Hisda, le grand maître Mar Sutra (qui, lorsqu’il devenait nécessaire de bannir un étudiant, proclamait d’abord l’anathème contre lui-même puis contre l’étudiant) et le rabbin Jose Kantanta. Parmi les « nouveaux saints », ceux du Moyen-Âge, le rabbin Judah ben Samuel he-hasid de Regensburg est peut-être représentatif. Le rabbin Phinéas ben Jair (IIe siècle) décrit neuf étapes successives pour atteindre à la sainteté : l’étude de la Torah ; l’énergie ; la propreté; l’éloignement du monde ; la pureté ; la modestie ; la crainte du péché ; l’inspiration et le pouvoir de ressusciter.[23]

Aucun des éléments de cette piété juive n’est contraire ou hostile à l’esprit chrétien ; beaucoup de voies spirituelles sont communes au christianisme et au judaïsme. On peut imaginer un chrétien poursuivant sa vie spirituelle selon la tradition juive, accordant, par exemple, une place importante aux expériences associées aux termes kavanah et shékinah. Au minimum, les chrétiens qui sont en rapport avec des juifs sur des questions religieuses devraient être familiers des traditions ascétiques et mystiques d’Israël. Ramon Lull favorisait et utilisait lui-même, dans sa méditation chrétienne, la pratique musulmane de l’unité et des attributs de Dieu. Plusieurs chrétiens familiers de l’hindouisme pratiquent dans leur piété les voies indiennes de bhakti [amour de Dieu]. On pourrait faire de même en ce qui concerne le judaïsme. Il est étonnant et regrettable que les étudiants chrétiens du mysticisme (par exemple Evelyn Underhill) n’ont accordé que peu d’importance à la vie intérieure spécifiquement juive ou n’en ont pas tenu compte du tout.

La meilleure expression de cette vie intérieure se trouve peut-être dans les poèmes du mystique médiéval Judah Halevy.[24] Nous citons quelques uns de ses beaux passages :

« Mon cœur se trouve à l’Orient, alors que je suis loin en Occident. Comment trouverai-je des délices dans la nourriture ?... Mon amour, par ta vie et la vie de l’amour qui m’a percé d’une flèche, je suis devenu esclave à l’amour… Que mon bien-aimé entre dans son jardin et se dresse une table et un siège, afin de se nourrir dans les jardins. Montre-toi dans ma tente, parmi mes aloès, pour cueillir des lis. Mon bien-aimé est à moi et je suis à mon bien-aimé, lorsque je frappe aux portes de son temple, que je me rassasie dans ses jardins. Amour est sa bannière, elle s’étend au-dessus de ma tête, sa main gauche est sous ma tête, cueillant les lis… Ô Seigneur, tout mon désir est devant toi mais je ne puis l’exprimer de mes lèvres… Pourquoi prolonger ce discours, pourquoi encore lancer des questions ? Ô Seigneur, tout mon désir est devant toi… Mon amour, as-tu oublié ton repos sur ma poitrine ? M’avez-vous vendu à jamais à ceux qui cherchent à m’asservir ? Y a-t-il autre Rédempteur que toi ? Y a-t-il autre captif d’espoir que moi ?... Il est mon Bien-Aimé, comment puis-je m’asseoir solitaire ? Il est ma lampe : comment ma lumière s’éteindrait-elle ? Lorsque je sortais à ta rencontre, voilà que tu venais vers moi… Qui sera miséricordieux envers mes enfants, si ce n’est moi, leur Dieu ? »

Qui, en entendant de telles paroles, pourrait encore dire que le Dieu du judaïsme est un Dieu lointain ? Écoutez une autre belle parole rabbinique : « Lorsqu’un homme se met en route, un escadron d’anges le précède et proclame : Cédez devant l’image du Très-Saint. »[25]

Et nous de conclure sur une parole qui exprime le cœur même de la piété juive. Quelques disciples du rabbin Isaac lui demandèrent pourquoi, au texte de Deutéronome 4, 7 (« Quelle est, en effet, la grande nation qui ait Dieu aussi proche que le Seigneur notre Dieu l’est de nous ? ») le mot « proche » est au pluriel. Le rabbin aurait pu attirer l’attention de ses élèves sur la forme plurielle d’Élohim, mais il a voulu fournir une explication plus profonde : le pluriel du mot « proche », dit-il, signifie que « Dieu est proche de toutes formes de proximité ».[26]

Extrait du chapitre V,
 « La vie de grâce dans la tradition juive
et son rapport avec le christianisme »,
du livre Communion in the Messiah (1942).
Traduit par Paul Ladouceur.


NOTES - « DE LA VIE INTÉRIEURE DU FIDÈLE JUIF »

[1] Article « Mysticism (Jewish) » in: Hastings, Encyclopedia of Religion and Ethics, t. 9.

[2] Yalkut on Song of Songs, I.

[3] Meg. 20a.

[4] Cité d’un article de C. Montefiore « Rabbinic conceptions of repentence », Jewish Quarterly Review, janvier 1904.

[5] Cité dans Paul Levertoff, Love and the Messianic Age, Londres, 1923, p. 45.

[6] Cantiques des cantiques, Rabba VII, 5.

[7] Montefiore et Loewe, A Rabbinic Anthology, p. 545.

[8] Aboth IV, 16.

[9] Moed Katon, 9b.

[10] The Old Testament and After, p. 399.

[11] Kedoshim, 81a.

[12] Zohar, Tol’doth, 141a.

[13] Talmud Baby., Taamith, 2a.

[14] Aboth II, 18.

[15] Talmud Baby., Berachot, 30b.

[16] Shar Hesbon ha Nephesh (Sur l’examen de soi), 3.

[17] Balah, 195a.

[18] Shab, 88b; Sotah, 31a.

[19] Leone Ebreo, The Philosophy of Love (Dialoghi d’Amore), Londres, 1937.

[20] Zohar, Vayeze, 159b.

[21] Nombres, Rabba XIII, 6.

[22] Sanhedr, 22 b.

[23] Abod. Zarah, 20b.

[24] Bien que pas reproduit ici, nous sommes heureux de mentionner la traduction anglaise de Selected Poems of Judah Halevy, par Nina Salaman, du texte mise au point par G.H. Brody, Philadelphie, 1924.

[25] Montefiore et Lowe, A Rabbinical Anthology, p. 86.

[26] Talmud Jerus, Ber., xi, I.

 


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Dernière mise à jour : 01-01-06