Le Christ aux Enfers : |
par Saint Nicolas Cabasilas (c. 1319-1398) |
Nous éprouvons dautant plus de joie
que nous aimons davantageNous nous réjouissons à cause
de tout le bonheur qui est en DieuCest en aimant Dieu
que nous trouverons le vrai bonheur
Nous éprouvons dautant plus de joie
que nous aimons davantageCe quon aime cause notre joie, quon le possède présentement ou quon lespère. Nous nous réjouissons, comme dit Paul, avec la joie de lespérance (Rm 12, 12). Lamour et la joie semblent avoir le même but. Nous puisons notre joie en nous quand nous aimons, nous trouvons aussi notre joie dans les autres, à cause de nous-mêmes.
Certaines personnes sont agréables en elles-mêmes car elles sont de bonne compagnie et sentourent damis bienveillants. Lhomme fervent perçoit que le bien seul est digne damour. Le bien, qui est en lui, le met dans la joie tout autant que le bien quil découvre dans les autres ; soit quils lui ressemblent, soit parce quils laident à laccomplir. Quand un homme est bon, il se réjouit de la bonté des autres ; ses prières et ses désirs sont comblés quand lautre progresse dans la bonté.
La forme la plus noble de la joie est de partager le plaisir de lâme et dêtre comblé par le succès de lautre, sans nous attarder à nos désirs personnels, à nos possessions ou à nos gains. Sous cet angle, lhomme transcende sa nature et ressemble à Dieu qui est le bien commun de tous. Tel est lhomme qui aime le bien. Il lapprécie pour ce quil est et non pour son profit ; mieux il se réjouit du bien qui est dans les autres autant quen lui-même.
Les êtres généreux désirent le bien pour tous et se réjouissent de leur bonheur. À ceci, nous pouvons discerner quils sont parfaitement bons : les fruits dun arbre indiquent sa vigueur. Avant quil ait atteint sa maturité, la nature ne lui donne pas de produire des fruits. De même, aucun homme nest bon pour les autres sil ne lest dabord envers lui-même.
Comment peut-il être uni aux autres, sil nest pas déjà un en lui-même ? Cest à lui-même quil est attaché et sur lui quil doit veiller ! La bonté, voilà ce quil désire et ce quil demande dans sa prière. Qui lempêche dêtre, dabord, utile à lui-même ? Il se réjouit de ce qui est bon et la nature le dirige auparavant vers lui-même et son intérêt, comme elle le fait pour tous les êtres. Cet homme existe pour lui-même, et il est dabord son propre bien. Que chacun soit lui-même et le soit bien : tel est le désir premier et le plus répandu dans lhumanité !
Si quelquun souhaite le bonheur des autres et sen réjouit quand ils le possèdent, il nen est pas lui-même privé pour autant. Son souci des autres ne lui fera pas négliger sa personne, ce qui lui est utile et ce dont il a besoin. Comment pourrait-il souhaiter voir dans la main des autres ce quil sait faire défaut chez lui ?
Si des ennemis du bien et de la vertu prennent le masque des meilleures qualités, simulent la vertu et cherchent à conduire les autres dans des chemins quils ignorent eux-mêmes, ils ne le font ni par vertu, ni par bonté ! Ils veulent seulement rehausser leur réputation et se créer une gloire factice. Ceux qui se comportent ainsi ne sont pas parfaits. En effet, la vertu parfaite est manifeste en ceux qui sont libres de toute envie et jalousie, et lidéal de la pure sagesse est daimer son prochain dun amour véritable et parfait.
Ressentir la joie des autres amène à se situer parmi les meilleurs et à devenir ainsi les amis de la sagesse. En effet, les plus épris de sagesse et les plus parfaits communient à cette joie. Les êtres qui participent au bien sont amenés à le montrer dans leurs actes, car la nature du bien est de se répandre et de se communiquer. De même que tout être vise au bien, de même, la nature du bien est de se communiquer à tous les êtres.
Si le bien ne soffrait pas à tous, pourquoi chercherait-on de tous côtés à lobtenir ? Pourrait-on concevoir que ce désir fût universel sil savérait vain ?
La bonté a ses exigences : lhomme bon se doit dêtre donné aux autres comme à lui-même. De même, nous devons éprouver les sentiments dangoisse et de joie des autres comme sils nous concernaient nous-mêmes. En fait, cest notre amour pour Dieu qui nous inspire cette joie, et lamoureux trouve sa joie en lAimé, mais aussi en ceux qui comblent de joie lAimé.
Parlons maintenant de la joie pure et parfaite. Celui qui vit en Dieu laime par-dessus tout et se réjouit de la joie que suscite un tel amour... Nest-il pas raisonnable que cet homme reconnaissant, juste et avisé, aime Dieu et se réjouisse parfaitement en Lui ?
Cest pourquoi sa joie doit être constante, solide, extraordinaire et merveilleuse. Elle doit être constante car cet homme vit sans cesse avec ce qui appartient à lAimé : ceux quil rencontre à tout instant, tout ce qui sert aux besoins de son corps ou ce qui forme la substance de ses pensées ; tout ce qui le fait subsister, vivre, survivre et agir. Il sait que tout est luvre de Dieu, à lui toujours communiquée. Ainsi, tout rappelle en lui le souvenir de Dieu et tout garde Son amour inextinguible. Tout fait ses délices. De même quil ne peut séloigner de lui-même et ne cesse jamais dêtre conscient de lui.
Rien ne peut interrompre cette joie ! Nous nous réjouissons non seulement de ceux que nous aimons quand nous sommes en leur compagnie, mais nous nous réjouissons aussi de leurs actions et de tout ce qui a rapport à eux...
Nous nous réjouissons à cause
de tout le bonheur qui est en DieuPour comprendre lintensité de cette joie, il faut considérer ce qui la provoque. Elle est proportionnée à la grandeur de sa source. Or, comme rien nest comparable à Dieu, rien néquivaut pour lhomme à cette joie qui vient de Lui... Même si nous pouvions obtenir tout le bien qui existe, nous regarderions encore au-delà, cherchant ce que nous navons pas et délaissant ce que nous avons. Il nest rien de créé qui puisse combler notre désir et nous rassasier parfaitement. Il nest rien, non plus, qui apaise, en notre âme, sa soif de joie absolue.
Ainsi, nous visons le bien infini : notre nature est limitée, mais non notre désir. Notre âme appartient à un être limité, et pourtant elle ne connaît pas de fin. Car Dieu a créé non seulement la vie de lâme, mais aussi sa joie et tout ce qui est à nous, en vue de Lui-même. La vie de notre âme est immortelle afin quau-delà de notre mort, vous vivions avec Lui. La joie est illimitée pour que nous puissions jouir de Dieu dans la plénitude du bonheur.
Quand ces deux éléments fusionnent, cest-à-dire le bien infini qui est sans limite et lassouvissement de notre désir dinfini, quelle intensité de joie ! Pourtant, nous ne pouvons pas nous contenter dun tel débordement de joie ! Si nous nous réjouissions davoir obtenu ce que nous désirions, notre joie serait proportionnée à notre désir. Notre plaisir serait alors limité à ce que nous aurions pu goûter. En fait, nous nous réjouissons de tout le bonheur qui est en Dieu et quil nous soit donné de pouvoir connaître Dieu, Lui qui est la cause de notre joie ! Ce que nous voulons, le but de notre vie nest pas en nous-mêmes mais en Dieu.
Notre volonté nest pas dirigée vers notre bien personnel, mais vers Dieu. Réjouissons-nous des dons de Dieu, non pour notre jouissance mais parce que Dieu est en eux. Estimons-nous bienheureux non des dons quIl nous fait mais de tout ce quest lAimé ! Faisons fi de nous-mêmes et courons vers Dieu de toute notre volonté. Oublieux de notre indigence, aspirons ardemment à la richesse de Dieu, que nous estimons nôtre. Ne soyons pas frustrés de notre pauvreté, car nous sommes riches et heureux en Dieu.
Telle est la puissance de lamour : elle fait partager, à ceux qui saiment, ce qui appartient à chacun deux. Regardons les saints, toute lardeur de leur volonté et de leur désir sépuise en Dieu. Ils Le considèrent comme leur seul et unique bien.
Leur corps ne peut donc faire leurs délices, non plus que leur âme et ce quelle possède, pas plus que ce qui appartient à la nature, car rien de tout cela nest en soi digne damour. Les saints semblent signorer eux-mêmes et ils vivent hors deux-mêmes, comme sils avaient placé ailleurs leur vie et tous leurs désirs.
Ce nest pas incroyable, car lamour humain porte à mépriser corps et biens. Certains aiment dun amour fou et ne font pas attention à leur santé, lorsque étant eux-mêmes en excellente forme physique, ils voient leurs amis souffrir de quelque maladie. Pas plus quils ne font attention à leurs propres faiblesses lorsquils sont eux-mêmes malades et que leurs amis sont en bonne santé. Beaucoup meurent avec joie pour sauver leurs amis. Ils préfèrent plutôt renoncer à leurs corps que de voir leurs amis périr. Or, lamour pour Dieu lemporte sur lamour des hommes : surtout lorsque nous voyons la disproportion quil y a entre ceux qui sont aimés !
Cest en aimant Dieu
que nous trouverons le vrai bonheurQuy a-t-il que nous puissions encore sacrifier pour Dieu? Que pourra lui donner de plus celui qui, entraîné par lamour, méprise même sa propre vie (cf. Mt 16, 24-28) ? Qui méprise sa vie ne livre pas pour autant son corps à la mort, mais se détache de son âme et de ses qualités personnelles. Lhomme dépravé, entièrement soumis à ses plaisirs charnels, épuise totalement son être en eux.
Il agit autrement, celui qui aime Dieu, et se soumet entièrement à Son amour. Il Lui livre totalement ses désirs et son énergie. Il ne réserve rien pour lui-même. Sil a souci de la santé de son âme, ce nest pas par amour pour elle, ni pour son bonheur mais uniquement pour lamour de Dieu et de Ses lois. Cest un peu comme si lon prenait soin dun outil par amour du travail quon exécute avec lui. Or un forgeron utilise son outil pour fabriquer une charrette, mais cest celle-ci qui lintéresse plutôt que loutil lui-même.
Quest-ce qui nous persuade de prendre soin de notre âme et de laimer ardemment? Rien dautre que de vouloir vivre et être heureux. Qui supporterait à la fois dexister et dêtre malheureux ? Pour cette raison, un certain nombre dhommes ont mis fin à leurs jours. Comme la dit le Sauveur : Mieux eût valu pour cet homme-là de ne pas naître (Mt 26, 24). Cest en aimant Dieu que nous trouverons le vrai bonheur. Il est clair également quaimer Dieu, cest aussi aimer notre âme. Pourtant, la plupart des hommes ne savent pas doù peut leur venir le bonheur. Ils aiment tous des choses différentes, et se détournent du droit chemin menant au but. Ils choisissent souvent ce qui les rend pires. Ils nhonorent pas leur âme ainsi quils devraient et lignorent contre tout bon sens.
Les hommes fervents ordonnent leur vie à Dieu car Il est source de leur bonheur et les secourt dans leur conduite. Ils regardent Dieu comme lunique objet de leur amour et Laiment uniquement pour Lui-même.
Pour Lui, ils aiment leur âme, leur existence et tout le reste...
Nous aimons notre âme parce quelle est ce quil y a de plus intime en nous. Souvenons-nous que notre âme appartient au Sauveur. Il nous est plus intime encore à nous-mêmes que ce qui nous est le plus intime. Ceux qui méditent ceci tout au long de leur vie le savent. À cause de Lui, notre âme et notre vie nous sont chères et précieuses. Qui nest soucieux que de lui-même souffre toutes sortes de conflits, car en dehors de Dieu, il ne peut pas trouver de sérénité.
Ceux qui vivent en Christ ne Lui refusent pas ce qui Lui revient. Tel est le cas si nous aimons de tout notre amour Dieu qui est parfait.
Notre amour serait imparfait si nous aimions quoi que ce soit en dehors de Lui. Partageant ainsi notre amour, nous irions à lencontre de Sa loi, où il est dit : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cur, de toute ton âme et de tout ton pouvoir (Dt 6, 5 ; Mc 12, 30). Oui, ceux qui vivent en Christ reportent tout leur amour sur Lui. Ils nen gardent aucune part ni pour les autres ni pour eux-mêmes. Dans ce dessein, ils fuient loin deux-mêmes et de tous car partout, ce qui unit, cest lamour. Ainsi sétant transportés deux-mêmes vers Dieu, ils vivent pour Dieu seul. Cest Lui quils aiment. En Lui seul ils trouvent la joie véritable...
Ceux qui vivent pour eux-mêmes, tout en recevant quelque joie de vrais biens, se rendent incapables de récolter une joie sans mélange. Pendant quils se réjouissent de ces biens, certains maux, visibles ou non, leur causent des ennuis. En revanche, ceux qui remettent à Dieu leur existence jouissent dun plaisir absolu et fuient toute tristesse. Ils ont bien des sujets de se réjouir et rien ne les afflige, car rien nest déplaisant auprès de Dieu, en qui ils vivent. Ils ne pensent même pas que, parmi les événements présents, certains pourraient leur causer de la douleur. Lamour parfait ne leur permet pas de rechercher leur propre intérêt (1 Co 13, 5). Au contraire, ils aiment, parce que Celui quils chérissent est bienheureux et ils sont enflammés de cette passion qui surpasse la raison et la nature. Bien que cendre et poussière, ils échangent pourtant ce qui leur appartient pour Dieu et Lui deviennent semblables. Comme des miséreux et des indigents qui se précipitent à lintérieur du palais royal, ils sarrachent à leur misère et se revêtent de toute la splendeur quils trouvent en un tel lieu.
Cest pour cette raison, je crois, quon les a traités de " violents " ; eux prennent le royaume de Dieu de force (Mt 11, 12). Ils nattendent pas ceux qui le leur donneront, ni ne guettent ceux qui les choisiront. Ils occupent le trône de leur propre autorité, et se ceignent eux-mêmes du diadème.
Ce quils ont acquis, ainsi, ne suffit pas à les rendre heureux et ils ny trouvent pas leur plaisir. Ils savent que le Royaume consiste en Celui quils aiment et ils en éprouvent de la joie ! Ils trouvent leur joie, non dans les biens quIl partage avec eux, mais parce quIl est Lui-même dans ces biens. Cest deux-mêmes et avec leur sagesse quils découvrent cela ! Même sils navaient part à la royauté, même sils nétaient pas participants de Sa béatitude, ils ne seraient pas moins heureux. Ils nen régneraient pas moins, triompheraient et jouiraient de ce royaume. On peut et à bon droit, les qualifier de " violents " et de voleurs des bienfaits divins : car deux-mêmes, ils accaparent leur bonheur. Ce sont ceux-là qui se renient eux-mêmes [...] et qui perdent leur vie (Mt 16, 24-25). Mais en contrepartie, ils reçoivent le Maître des âmes.
Les bienheureux se réjouissent
de la joie de ChristQuy a-t-il de plus grand et plus solide que cette joie ? Ceux qui attendent leur joie deux-mêmes perdront bien vite leur plaisir, car il nest aucun bien permanent dans les choses présentes. Cest pourquoi leur joie, venant de ce quils possèdent, ne le cède en rien à leur crainte de perdre leurs richesses. Pour les saints, leur trésor de biens est inviolable et leur plaisir nest pas mélangé de tristesse. Ils nont pas peur de perdre ce qui est stable et solide.
Ceux qui ne trouvent quen eux-mêmes leur joie, savent raisonnablement quelle les plonge dans larrogance. Ils se préoccupent tellement de leur propre personne, quune grande part de leur plaisir est détruite. Les saints, eux, ne sont pas inquiets, car ils ne concentrent pas leurs pensées sur eux. Ils placent leur puissance en Dieu. Leur gloire et leur joie sont en Lui ! Leur plaisir ne reste pas seulement humain, comme cest le cas de la plupart des hommes : il est surnaturel et divin ! Cest un peu comme un homme qui échangerait une mauvaise maison contre une autre en bon état. Davance, il éprouverait plus de plaisir pour la seconde que pour la première. Pareillement, sil se débarrassait par quelque moyen de son corps, pour obtenir un corps meilleur, il ferait sienne la joie propre à ce nouveau corps. Il trouverait alors dautant plus de plaisir à lorganisme nouveau, bien supérieur à lancien. Il en est de même quand on se défait pour gagner Dieu, non seulement de son corps et de sa maison, mais encore de soi-même, Dieu prend la place du corps, de lâme, de la famille, des amis, de tout ce que lon possède. De la sorte, la joie surpasse tout plaisir humain et nous recevons la joie propre à la béatitude divine et qui convient à une telle transformation.
Les bienheureux se réjouissent de la joie de Christ et ce qui Le réjouit les comble également de joie. Christ est Joie Lui-même et ceux qui participent à Sa joie éprouvent la même intense joie. Nous en sommes assurés par la déduction et le raisonnement, mais aussi par les déclarations très nettes du Sauveur.
Quand Il proclame la loi de lamour, Il exhorte Ses disciples à garder inchangé jusquà la fin lamour quils ressentaient pour Lui. Je vous dis cela, déclare-t-il, pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite (Jn 15, 11). Par ces paroles, Il voulait nous dire : " Je vous demande daimer, car tout ce qui est à Moi nous est commun dans lamour. Vous pourrez donc trouver la même joie que celle qui est en Moi et dans les Miens. " Ailleurs, on lit : Car vous êtes morts, et votre vie est désormais cachée avec Christ en Dieu (Col 3, 3). On peut en dire autant de la joie ou de tout autre sujet : il nest rien duniquement humain qui subsiste en eux.
Le bienheureux Paul précise cela succinctement : Vous ne vous appartenez pas. Vous avez été bel et bien achetés (1 Co 6, 19-20). Celui qui a été acheté ne se considère plus lui-même, mais il regarde Celui qui la acquis. Il vit désormais selon la volonté de Celui-ci.
Lesclave dun homme est lié au désir de son maître uniquement en son corps mais il est libre en son âme et en son esprit dont il peut disposer comme il lui plaît. Celui que Christ a acheté ne peut plus sappartenir. Aucun homme na jamais pu acheter complètement un autre homme car il nexiste pas de prix auquel on puisse évaluer lachat dun être humain. Personne na donc libéré ou asservi un homme si ce nest en son corps. Le Sauveur, Lui seul, a acheté tout lhomme. Alors que les hommes ne dépensent que de largent pour acheter un esclave, le Sauveur, Lui, sest dépensé en personne.
Pour nous rendre libres, Il a livré Son corps et Son âme. Il a accepté la mort pour Son corps et la séparation davec Son corps pour lâme. Son corps a subi la douleur des blessures reçues et Son âme fut troublée, non seulement quand Son corps fut immolé, mais dès le début de Son agonie, quand Il dit : Mon âme est triste à en mourir (Mt 26, 38).
Cest ainsi que, Se livrant totalement, Il rachète lhomme tout entier. Il a donc acheté également notre volonté, dune manière toute spéciale. À tous égards, Il était notre maître et maîtrisait toute notre nature. Mais notre volonté échappait à la Sienne. Il fit alors tout pour semparer de nous en totalité.
Cétait notre volonté quIl cherchait, Il ne lui fit pas de violence, Il ne sen empara pas de force, mais Il lacheta. Ainsi, aucun de ceux quil a achetés nagira selon la justice sil use de sa volonté pour lui-même. Ce serait léser Celui qui la acheté et Lui dérober, en quelque sorte, Son bien. Cest donc en nous tenant volontairement pour satisfaits de ce qui est nôtre, que notre intérêt personnel sera servi par notre volonté.
Une personne droite et juste ne saime donc pas pour elle-même. Elle oriente en effet tout son amour vers Celui qui la rachetée. Quelques-uns au moins parmi ceux qui ont été rachetés, sinon tous, sont dans ces dispositions.
Serait-il raisonnable quun rachat, fait dans de si merveilleuses conditions, restât vain ? Ceux qui naiment que le Sauveur éprouvent une joie sans mélange, puisque le bien-aimé ne fait rien de contraire à leurs désirs. Ils sont dotés dune faculté surnaturelle et divine de joie, et cela à un degré éminent. Cette faculté trouve son épanouissement complet, car ce qui les ravit surpasse toute surabondance de grâce.
Lesclave dun homme éprouve inévitablement de lamertume. Lesclave de Christ, au contraire, ne peut que ressentir de la joie. Chacun deux ne cède plus à sa propre volonté mais à celle de Celui qui la acheté. Le premier subit les corvées et les ennuis, en suivant un maître, en butte à la tristesse et à dinnombrables peines. Comment le deuxième pourrait-il pleurer, alors quil est animé dune joie authentique ? Lhomme qui a dépensé de largent pour un esclave ne la pas déboursé pour procurer des bienfaits à celui quil a acheté. Ce quil veut, cest retirer à son profit les avantages du travail de son esclave. Lesclave est utilisé pour le profit de celui qui la acquis et il souffre de multiples misères pour assurer à son maître joies et plaisirs.
Linverse se produit pour les esclaves de Christ. Tout a été réalisé en vue de leur intérêt. Il na pas payé la rançon pour tirer avantage de ceux quIl a libérés, mais ce qui est à Lui leur appartient aussi. Le Maître et Ses uvres profitent aux esclaves. Celui qui a été racheté possède à son tour Celui qui la racheté. Voilà pourquoi ceux qui nont pas esquivé cette servitude, mais ont préféré les chaînes de ce Maître à toute liberté, éprouvent nécessairement de la joie : ils ont échangé la pauvreté pour la richesse et une prison pour un royaume. Au lieu de la disgrâce finale, ils jouiront de la gloire infinie. Ce que les maîtres desclaves, parmi les hommes, peuvent légalement demander à leurs sujets, les esclaves de Christ peuvent le faire vis-à-vis de leur maître, à cause de Sa tendresse pour les hommes. La loi des hommes fait régner les maîtres, comme des seigneurs, sur leurs esclaves et ce quils peuvent posséder, à moins quils nabdiquent leur pouvoir et libèrent leurs sujets de toute servitude. Les esclaves de Christ possèdent leur propre Maître. Ils héritent de ce qui Lui appartient ; ils chérissent Son joug et se considèrent liés comme par contrat. Cest dans cet esprit que Paul recommandait de se réjouir sans cesse dans le Seigneur (Ph 4, 4), désignant par " le Seigneur " Celui qui les avait achetés.
Le Sauveur marque encore un autre motif de nous réjouir, en appelant celui qui partage Sa joie " bon serviteur ". Lui-même se nomme Seigneur, en déclarant : Serviteur bon et fidèle, [...] entre dans la joie de ton Seigneur (Mt 25, 21). Ce qui revient à dire : " Parce que tu es resté Mon serviteur, et que tu nas pas déchiré le contrat de ton achat, reçois la joie de Celui qui a fait ton acquisition. " La même joie devient commune au Maître et au serviteur. Ce qui leur plaît est identique, et cest le même sentiment, voilà pourquoi Christ na pas recherché ce qui lui plaisait (Rm 15, 3). Il a vécu et Il est mort pour Ses serviteurs. Il est né, puis Il est retourné pour prendre possession du trône du Père. Il y siège pour nous, en qualité davocat permanent (1 Jn 2, 1). Il appartient ainsi à Ses serviteurs. Leur maître leur est devenu plus cher que leurs propres vies et, soubliant eux-mêmes, ils Lui portent tout leur amour.
Tel est Jean le Baptiste. Quand la manifestation publique de Christ détourne lattention du peuple de sa propre renommée, loin den prendre ombrage, il proclame lui-même le Messie à ceux qui ne Le connaissent pas (Jn 3, 29-30). Rien ne lui fait plus plaisir que dentendre cette voix par laquelle diminue sa notoriété personnelle. Il estime tout à fait juste que Christ attire les foules et les guide par Sa parole. Il est heureux de voir le peuple Le contempler avec amour, comme la fiancée se tourne vers son fiancé. Il se tient à lécart et se réjouit dentendre la voix de lAmi bien-aimé (Jn 3, 29) comme la récompense de son ardeur.
Paul, travaillant pour Christ, non seulement ne compte pour rien sa personne mais il va jusquà labandon total de lui-même. Autant que cela fût possible, il aurait même souffert la séparation davec Christ (Rm 9, 3). Il dit, prenant le langage de lénigme, vouloir se jeter dans la géhenne pour Christ. Paul, en effet, Laime dun si grand amour quil désirait être perdant (1 Co 3, 15 ; Ph 3, 8) en Le servant. Son amour le brûle comme le feu de lenfer et lui fait paraître moindre la joie quil éprouve à posséder son Aimé.
Lui, qui recommande aux hommes de ne pas trop arrêter leur pensée sur lenfer, les invite également à ne pas sattacher à la joie. Pourtant il avait expérimenté et goûté en ses douceurs la beauté du Christ. Mais il était prêt à sen priver, soucieux uniquement de la gloire de son Maître. Être avec Christ, vivre avec Lui et régner avec Lui : Paul ne cherche pas là sa gloire au détriment de celle de Christ ! Il préfère de beaucoup celle de Christ. Quand Paul exprime ses désirs, il le fait toujours en vue daimer Christ davantage, et sil lui avait fallu fuir Christ, il laurait fait (Ac 9, 25 ; 2 Co 11, 33).
Paul ne désire pas accaparer pour lui Christ, lobjet de son amour, que peut-il désirer dautre ? Il ne recherche pas pour lui ou pour sa joie personnelle, Celui pour qui il a tant travaillé et lutté. Encore moins recherche-t-il ce quIl méprise ! Il est évident quil soublie lui-même totalement. Sa volonté est uniquement au service de Christ et rien ne coûte, ni ne répugne à la volonté de Paul. La joie linonde, il en vit et, dès lors, aucune détresse nenvahit son âme.
Quils sont nombreux, pourtant, les soucis qui assaillent Paul ! Mais la tristesse ne lemporte pas sur la joie, et les tracas ne viennent pas lassombrir. La faiblesse de son cur nest quune plénitude de joie, et la douleur est fruit de lamour et de la générosité. Ces sentiments ne produisent rien damer, de violent ou de mesquin. Il est lui-même toujours rempli de joie, puisquil exhorte les autres à se réjouir constamment : Réjouissez-vous sans cesse dans le Seigneur, je le dis encore, réjouissez-vous (Ph 4, 4). Il naurait pas exhorté les autres sil navait montré lui-même lexemple en ses actes.
Amour et joie,
telle est la vie en ChristTelle est la Vie des saints et, dès maintenant, elle est bienheureuse. Il convient, en effet, que nous donnions le nom de saints à ceux qui, par lespérance et la foi, récoltent les fruits de la béatitude. Après leur mort, ces fruits sont encore meilleurs. Car la possession des réalités est meilleure que la seule espérance. Tout comme la pure contemplation du bien est supérieure à la foi.
Nous recevons de Dieu, en cette vie présente, lEsprit dadoption. Il est source de cet amour parfait qui nous fait atteindre la vie bienheureuse. Les sacrements nous donnent de recevoir Christ.
Selon lÉcriture, à ceux qui lont reçu, Il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu (Jn 1, 12). Cest aux enfants quappartient lamour parfait doù toute crainte a été bannie (1 Jn 4, 8). Qui aime ainsi ne redoute pas la perte des récompenses comme un mercenaire, ni les coups comme un esclave. Le véritable amour est le propre des seuls fils.
Cest ainsi que la grâce implante lamour vrai dans lâme des initiés. Ceux qui le veulent peuvent en connaître laction et quelle expérience on peut en faire.
Lamour fait percevoir ce que sont les biens divins par lexpérience de grands biens, il en donne lespérance de plus grands encore et, partant de ce qui est actuel, il communique la foi en ce qui ne paraît pas encore.
Nous pouvons librement persévérer dans cet amour. Il ne suffit pas daimer et de ressentir la passion de cet amour, il faut aussi lattiser. Il faut donner du combustible au foyer pour que le feu continue à brûler. Or, demeurer dans lamour, cest ce en quoi consiste la béatitude : demeurer en Dieu, et donc Lavoir à demeure en nous. Celui qui demeure dans lamour, demeure en Dieu et Dieu demeure en lui (1 Jn 4, 16). Cest ce qui arrive lorsque notre amour est rivé à notre volonté. Nous y parvenons par lobéissance aux commandements et lobservance des lois de Celui que nous aimons. Cest par des actes répétés que se forme dans lâme telle ou telle habitude. Les actes nous portent alors vers le bien ou le mal. Il en est de même lorsque nous acquérons quelque savoir-faire dans la pratique dun métier, par la répétition des gestes nécessaires. Les lois de Dieu sappliquent aux activités humaines, les déterminent et les ordonnent vers Lui.
Elles sont les seules capables de donner lhabitude convenable à ceux qui agissent avec droiture. Elles font vouloir ce qui plaît au législateur, notre volonté Lui est soumise, et ne veut rien en dehors de Lui. Voilà ce quon peut appeler un amour vrai. Cest à ce sujet que le Sauveur déclare : Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez en mon amour (Jn 15, 10).
La vie bienheureuse est le fruit de cet amour. Il agit totalement sur la volonté et larrache à tout le reste. Il la détache delle-même et la consacre à Christ. Nos efforts, corporels ou intellectuels, et toute action qui nous est propre dépendent de notre volonté. En résumé, cest notre volonté qui nous conduit et nous entraîne. Si elle subit quelque contrainte, tout notre être le ressent. Qui sempare de sa volonté
contrôle lhomme tout entier. Ceux dont la volonté est entièrement ravie par Christ, ne désirent que Lui, naiment et ne recherchent que Lui. Leur être entier et leur vie sont avec Lui. Leur volonté ne peut ni vivre ni agir, si elle ne réside en Christ, en qui demeure tout bien. Lil ne peut remplir sa fonction quen présence de la lumière : en effet, cest la lumière qui lui permet de voir. De même, notre volonté ne peut agir que mue par le bien. Christ est le dispensateur de tous biens. Si nous nous détournons de ce trésor en ne fixant pas notre volonté sur Lui, tout ce que nous faisons est vain et mort. Christ déclare : Si quelquun ne demeure pas en moi, on le jette dehors comme le sarment et il se dessèche; puis on ramasse les sarments et on les jette au feu et ils brûlent (Jn 15, 6). Donc, si vivre en Christ, cest Limiter et vivre selon Lui, notre volonté doit agir conformément au vouloir de Dieu. Christ a soumis Sa volonté humaine à Sa volonté divine afin de nous laisser un exemple de la vie selon la droiture. Par amour pour le monde, Il na pas repoussé la mort, lorsquIl dut sy soumettre. Toutefois, avant que son heure fût venue, Il a prié pour léviter. Il montrait ainsi quIl ne choisissait pas de Lui-même les outrages quIl aurait à subir. Comme le dit Paul, Il se fit obéissant jusquà la mort (Ph 2, 8). Il alla jusquà la croix, non pas comme sIl navait quune seule volonté, ou une volonté composée de deux éléments, mais Il manifesta plutôt laccord de deux volontés.
La vie bienheureuse consiste donc en la perfection de la volonté durant la vie présente. Puisque lhomme possède intelligence et volonté, il est nécessaire que celui qui est appelé à la vie bienheureuse soit uni à Dieu dans la totalité de son être par ces deux facultés. Par son esprit, il se livre à la contemplation de Dieu et par sa volonté, il Laime de la manière la plus parfaite. Aucun homme, vivant dans un corps corruptible, ne peut cependant jouir parfaitement du bonheur en usant de ces deux facultés. Cela ne se pourra que dans la vie exempte de toute corruption. Dans la vie actuelle, ceux qui sont parfaits dans leurs rapports de volonté avec Dieu, ne le sont pas encore dans lactivité de leur esprit. On peut rencontrer lamour parfait en eux, mais non la pure vision de Dieu. Si ce qui doit venir se trouve déjà en eux, pendant quils vivent encore dans leur corps, ils expérimentent déjà ce que sera la récompense. La vie présente ne le leur permet que dune manière temporaire et imparfaite. Paul lassure : Nous nous réjouissons dans lespérance (Rm 12, 12). Et ailleurs : Nous cheminons dans la foi, non dans la claire vision (2 Co 5, 7), et, en un autre endroit : Imparfaite est notre science (1 Co 13, 9). Bien quil eût vu Christ (1 Co 9, 1), Paul ne jouissait pas constamment de cette vision. Le " toujours " ne se réalisera que plus tard. Paul le précise quand, parlant de la dernière venue du Christ, il dit : Ainsi, nous serons avec le Seigneur toujours (1 Ph 4, 17). Si quelquun vit en Christ avec son corps, il peut recevoir la vie éternelle : cest dans sa volonté, alors, quil la possède (car cest par lamour quil parvient à cette joie indicible). La claire vision est réservée pour lui dans la vie à venir. Aujourdhui, cest la foi qui le conduit par la main jusquà lamour. Pierre nous le fait comprendre quand il écrit : Sans lavoir vu, vous laimez, sans le voir encore, mais en croyant, vous tressaillez dune joie indicible et pleine de gloire (1 P 1, 8).
Cest en cet amour et cette joie que consiste, ici-bas, la vie bienheureuse. Cette vie est en partie cachée et en partie révélée. Paul dit : Votre vie est désormais cachée avec le Christ en Dieu (Col 3,3). Le Seigneur dit : Le vent souffle où il veut ; tu entends sa voix, mais tu ne sais ni doù il vient, ni où il va. Ainsi en est-t-il de quiconque est né de lEsprit (Jn 3, 8). Invisible est la vie bienheureuse et invisible aussi la grâce qui lengendre et la modèle. Cette grâce, en effet, est invisible en elle-même et dans sa façon de reformer. Mais la vie bienheureuse se manifeste aux yeux des vivants en lamour inexprimable pour Dieu et la joie quelle suscite. Ces sentiments damour et de joie sont bien visibles et ils font percevoir la grâce invisible, car ils sont les fruits de la grâce. Ne dit-on pas que le fruit de lEsprit [est] charité, joie (Ga 5, 22) et que cest au fruit quon reconnaît larbre (Mt 12, 33) ? La grâce est donc lesprit dadoption filiale. Lamour porte témoignage de cette parenté et de ce que nous sommes fils de Dieu et cela ne comporte plus rien de mercenaire ou de servile.
Salomon considéra lardent amour de la femme pour lenfant vivant comme preuve suffisante de sa maternité (1 R 3, 16-28). Il nest pas étonnant que, par ce même signe, nous puissions reconnaître les fils du Dieu vivant. Laffection de la femme pour lenfant vivant, et le soin quelle en avait, indiquaient aisément quelle nétait pas la mère de lenfant mort. Ainsi en est-il des enfants de Dieu. Leur respect et leur tendresse pour le Dieu vivant indiquent manifestement quils ne descendent pas dancêtres morts, de ceux que le Sauveur interdit aux vivants densevelir. Ne déclare-t-il pas : Laissez les morts enterrer leurs morts (Mt 8, 22) ?
Certes, le fait daimer manifeste notre filiation et notre attachement à Dieu, comme à un père. Notre ressemblance avec Dieu par notre amour manifeste encore mieux qui nous sommes : tout aimants, car Dieu est Amour (1 Jn 4, 16). Lui est vivant et à cause de cet amour, nous vivons vraiment. Cette passion nous habite et tout est mort pour ceux chez qui elle est absente. Comme des fils, nous honorons notre Père par notre agir. Vivants nous proclamons le Dieu vivant qui nous fit naître. Nous attestons la naissance inexprimable par laquelle nous sommes engendrés par la vie nouvelle (Rm 6, 4) dans laquelle nous marchons, comme lexprime Paul. Nous rendons gloire au Père qui est dans les cieux (Mt 5, 16). Nous sommes nés ainsi de Sa tendresse bienveillante pour tous les hommes. Il nest pas le Dieu des morts mais des vivants (Mt 22, 32) et auprès de nous, Il trouve Sa propre gloire. Il a également déclaré aux méchants : Si je suis Père, où est mon honneur (Ml 1, 6) ? et David en témoigne dans son chant : Ce ne sont pas les morts qui louent le Seigneur, ni tous ceux qui descendent au silence, mais nous, les vivants (Ps 115, 17-18)
Telle est la vie en Christ : cachée, mais manifestée par la lumière des bonnes uvres, cest-à-dire, par lamour. Car dans lamour resplendit léclat de toute vertu. Autant que le peut leffort humain, lamour constitue la vie en Christ. On peut lui donner le nom de vie, elle est en effet union avec Dieu. Et cest lunion qui est vie, tout comme la mort est séparation davec Dieu. Cest pourquoi : Son ordre est vie éternelle (Jn 12, 50), dit lÉcriture en parlant de lamour. Le Sauveur déclare aussi : Les paroles que je vous ai dites sont Esprit et vie (Jn 6, 63) et la somme de ces paroles est amour.
Ailleurs, Il ajoute : Celui qui demeure dans lamour, demeure en Dieu et Dieu demeure en lui (1 Jn 4, 16). Nous demeurons donc dans la vie, et la vie en nous, car Il est la vie, selon sa propre affirmation : Je suis le chemin, la vérité, la vie (Jn 11, 25 ; 14, 6).
Si la vie est la force qui meut les êtres vivants, quest-ce donc qui meut les hommes qui vivent vraiment, dont le dieu est Dieu : Il nest pas le Dieu des morts mais des vivants (Mc 12, 27).
Vous découvrirez que ce nest rien dautre que lamour Lui-même qui nous conduit et nous fait agir. Il nous arrache à nous-mêmes et il a plus demprise sur nous que la vie. Il nous persuade de mépriser la vie non seulement transitoire, mais même celle qui demeure.
Quel mot conviendrait mieux pour dire " vie " que le mot " amour " ?
Ce qui seul survit et permet aux vivants de continuer dêtre quand tout disparaît, cest la vie, cest lamour.
Dans le monde à venir, tout disparaîtra, sauf lamour, comme le dit Paul : Lamour ne passera jamais (1 Co 13, 8-10). Lui seul suffit pour la vie en Christ, Jésus, notre Sauveur, à qui est due toute gloire à jamais. Amen!
Extrait de La vie en Christ par Nicolas Cabasilas
(Traduction Daniel Coffigny, Nicolas Cabasilas,
la vie en Christ, Éditions du Cerf, 1993.)
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Dernière mise à jour : 11-11-01